François 1er au chevet de Léonard de Vinci

              La fin du XIIIe siècle connaît plusieurs événements, qui annoncent l’avènement d’une ère nouvelle pour l’Europe. Plusieurs dates vont rentrer dans l’histoire comme celles qui auront marqué la fin du Moyen-âge. Durant ce laps de temps, l’Italie prend une bonne longueur d’avance.  

La bataille de Castillon

Le 17 juillet 1453 à Castillon (Gironde), Français et Anglais se livrent ce qui allait être la dernière bataille de la Guerre de Cent Ans. L’armée de Charles VII (France) l’emporte sur celle d’Henri VI d’Angleterre. Le traité d’Etaples signé le 3 novembre scelle le fin du long conflit armé Franco-anglais.

Chute de l’Empire byzantin

La même année et moins de deux mois plus tôt (29 mai), tombait Constantinople (ancienne Byzance) entre les mains des Ottomans (Turcs). C’est la fin de l’Empire byzantin, mais aussi des ambitions territoriales de l’Occident et des projets de nouvelles croisades.

Fin de la Reconquista, Colomb accoste en Amérique

Autre événement important de cette fin de siècle, les derniers musulmans sont chassés de Grenade en Espagne. La Reconquista s’achève le 2 janvier 1492. Cette même année Christophe Colomb quitte Cadix (Espagne) le 12 octobre. Alors qu’il croyait se diriger vers les Indes, il arrive dans un continent inconnu. Le Portugais accoste aux Bahamas et découvre malgré lui l’Amérique.

Avènement de l’imprimerie

L’événement non moins important est l’invention de  l’imprimerie vers 1450 par l’Allemand Gutenberg (Johannes Gensfleisch). Une découverte qui donne  naissance au premier mode de communication universel, et favoriser la diffusion de  la connaissance et la culture et de l’information. Le Bible (dite à 42 lignes) est le premier ouvrage à être imprimé en 1453. En France il faudra attendre 1470, pour voir un premier ouvrage imprimé au collège de la Sorbonne de Paris.

Louis XII le « père de son peuple »

Enfin on situe officiellement, du moins en France, la fin de l’ère médiévale avec la mort de Louis XII en mai 1498, alors que les historiens ne donnent pas de dates exactes mais la situe entre 1450 et 1500 (période qui englobe tous ces événements). Ce roi qui est arrivé au pouvoir dans un royaume en ruine a beaucoup aidé à son redressement après avoir remis de l’ordre, discipliné la noblesse et mis fin définitivement aux ambitions des souverains anglais. Le domaine royal s’est agrandi avec Bourgogne, la Picardie, la Franche-Comté, l’Artois, l’Anjou, le Maine et la Provence.

François 1er, enterre le Moyen-âge 

Avec la fin du Moyen-âge débute progressivement une nouvelle ère : la Renaissance. Elle commence en Italie grâce aux savants byzantins qui ont fuit Constantinople. En France c’est avec François Ier, qui appuie ce mouvement du renouveau culturelle et artistique dès son arrivée sur le trône en 1515. Il est même derrière l’émergence d’un centre artistique de rayonnement international à Fontainebleau. Il fait venir d’Italie Leonard de Vinci qu’il fera son protégé, et dont il dira « Il n’y a jamais eu un autre homme qui en savait autant que Leonard pas autant en peinture, sculpture et architecture, comme il était un grand philosophe ». Grâce à la paix retrouvée, la renaissance va alors être le temps des arts, des techniques, découvertes… C’est aussi le début de la mondialisation des échanges commerciaux, des échanges inter continents qui vont entrainer d’autres guerres et des déplacements de populations.

Un chevalier faisant la cour à Marion

Adam de la Halle ou d’Arras (vers 1240-1287) :

Biographie :

                 Considéré comme le dernier trouvère, Adam de la Halle (dit aussi Adam d’Arras ou Adam le bossu) est  né vers 1240 à Arras, centre de rayonnement de la littérature française en ce temps. Il est  le fils d’Henri le Bossu (ce qui lui a valu son surnom), un bourgeois aisé d’Arras. Encore enfant les riches d’Arras lui ouvrent leur porte, et se montrent très généreux avec lui. C’est dans ce milieu bourgeois qu’il prend goût aux plaisirs, et qu’il critiquera plus tard. Il entame sa scolarité à l’abbaye de cistercienne de Vaucelles, qu’il interrompt pour se marier à une certaine Marie. Quelques années plus tard il entreprend de les achever à l’université de Paris. Il obtient le titre de Maître ès arts, et entre vers 1280 au service de Robert II comte d’Artois (neveu de Saint Louis) comme ménestrel, qu’il suit à Naples sous domination française. C’est là qu’il donne dans la cour de Charles 1er d’Anjou (frère de Saint Louis et  roi de Sicile) sa première représentation. Mais Palerme et Messine se soulèvent en mars 1282 contre les Français qui sont massacrés. Le roi se réfugie dans sa  cour de Naples et son neveu, le comte Pierre 1er d’Alençon (5eme fils de Saint Louis), venu à son secours est tué en avril 1283. Il décède à son tour en janvier 1285. Adam de la Halle ne lui survivra pas longtemps. Il meurt deux années plus tard à Naples, quelques temps après avoir fait un bref retour dans sa  ville natale. Il aurait pérégriné en Italie, Palestine, Égypte…

Œuvre d’Adam d’Arras:

Son œuvre se particularise par sa diversité tirée surtout de la tradition lyrique : chansons, théâtre jeux, satires et poésie. Tous les genres de l’époque figurent dans son œuvre, mais la partie musicale est dominante. Il innove et excelle avec une nouvelle tendance, celle de la polyphonie profane. Sur le plan théâtrale on considère qu’il est le fondateur du théâtre profane, en ce sens qu’il est l’auteur de pièces dramatiques les plus anciennes connues et où il n’y a pas plus de place au religieux, au  sacré et aux miracles en vogue alors. L’auteur collabore un temps à Arras avec Jehan Bretel (célèbre trouvère décédé en 1272) qui l’apprécie particulièrement, avant son départ pour l’Italie. Ils écrivent ensemble la presque totalité (17) des jeux partis.

Adam d’Arras s’attèle à décrire la réalité telle qu’elle est, et s’efface au profit de ses personnages (souvent des paysans). Ce qui le distingue des autres auteurs de l’époque. Il nous montre dans leurs occupations avec leurs qualités, leurs bizarreries, leurs divertissements souvent ingénus. Quand on prend connaissance de son œuvre, on ne peut que le considérer plus comme auteur dramatique et compositeur que trouvère. Malgré une courte vie, Adam d’Arras nous lègue une œuvre riche et variée: 

  • 15 rondeaux, 5 mollets, 1 ballade et 1 virelai à trois voix   
  • 36 chansons monodiques
  • 18 jeux partis qui sont des joutes poético-musicales monodiques, mettant aux prises deux personnages.
  • 3 jeux qui sont des textes où alternent vers et chansons, et qui ont fait la célébrité de l’auteur :
  • Le jeu d’Adam ou de la feuillée
  • Le jeu de Pélérin (1276)
  • Le jeu de Robin et Marion  

Le Congé (Li congiés Adan) 1269:

Le Congé est une poésie lyrique genre musical né à Arras au début du 13e siècle dont l’objet est de parler de cette ville, de ses habitants et de ceux qui détiennent le pouvoir. Il est composé à l’occasion d’une séparation. Son auteur s’adresse à la première personne aux êtres chers, tout comme à ceux qu’ils méprisent pour leur dire adieu. Il est courtois envers les premiers et satirique envers les seconds.

Alors qu’il avait interrompu ses études pour se marier, l’auteur projette de  les reprendre à Paris. Sa femme (Marie) l’y encourage, bien qu’ils doivent pour cela se séparer pour quelques années. Son père et bien d’autres personnes de son entourage et d’Arras s’y opposent. Avant de partir, il tient dans « Le Congé » à exprimer à Marie sa femme sa grande reconnaissance et l’amour qu’il lui voue toujours. C’est aussi un salut, une révérence à ses amis qui l’ont soutenu, jusqu’à cotiser pour qu’il puisse continuer ses études. Il exprime ainsi sa tristesse de les quitter. Le Congé c’est aussi une satire à l’endroit de  la société d’Arras sa ville, dont il se moque avec beaucoup d’ironie.

Extraits du Congé:

 Comment que men tans aie usé,

M’a me conscienche acusé
Et toudis loé le meilleur;
Et tant le m’a dit et rusé
Que j’ai tout soulas refusé
Pour tendre a venir a honnour.
Mais le tans que j’ai perdu plour,
Las!…

Arras, Arras! vile de plait
Et de haïne et de detrait,
Qui soliés estre si nobile,
On va disant c’on vous refait!
Mais se Diex le bien n’i ratrait,
Je ne voi qui vous reconcile…

Encor soit Arras fourmenés,
Si [i] a il des bons remés
A cui je voeil prendre congiet,
Qui mains grans reviaus ont menés
Et souvent biaus mengiers donnés,
Dont li usages bien dechiet;…

Puis que che vient au congié prendre,
Je doi premierement descendre
A cheus que plus a envis lais.
Aler voeil mon tans miex despendre,
Nature n’est mais en moi tendre
Pour faire cans ne sons ne lais… 
 

Adieu, Amours! tres douche vie,
Li plus joieuse et li plus lie
Qui puist estre fors paradis!
Vous m’avés bien fait en partie.
Se vous m’ostastes de cle[r]gie,
Je l’ai par vous ore repris;
Car j’ai en vous le voloir pris… 
 

Bele, tres douche amie chiere !
Je ne puis faire bele chiere,
Car plus dolans de vous me part
Que de rien que je laisse arriere.
De mon cuer serés tresoriere
Et li cors ira d’autre part
Aprendre et querre engien et art… 
 

Congié demant de cuer dolant
Au milleur et au plus vaillant
D’Arras et tout le plus loial,
Symon Esturion, avant,
Sage, debonnaire et souffrant,
Large en ostel, preu au cheval,… 
 

Bien doi avoir en ramenbranche
.II. freres en cui j’ai fianche,
Signeur Baude et signeur Robert
Le Nommant; car il m’ont d’enfanche
Nourri et fait mainte honnestanche;…
 

Sires Pierres Pouchins, biaus sire!
Je ne doi mie estre sans ire
Quant de vous partir me couvient,
Tant m’avés fait! Diex le vous mire,…
 

Puis c’aler doi hors de men lieu,
Hauiel, Robert Nasart, adieu!
Gilles Li Peres, Jehans Joie,
Au jouster n’estes mie eskieu:
De bos avés fait maint alieu
Et maint biau drap d’or et de soie…
 

A tous ceus d’Arras en le fin
Pren congié pour che que mains fin
Ne me cuident de cuer vers eux.
Mais il i a maint faus devin
Qui ont parlé de men couvin,
Dont je ferai chascun hontex;…
 

Jeu de la Feuillée (ou jeu d’Adam) 1276:

C’est une pièce de théâtre comique, une farce, une satire qui cible des personnes d’Arras. Une oeurvre avec des intermèdes musicaux, qui va marquer la fin du théâtre sacré, des miracles et des mystères où les thèmes sont d’ordre religieux. En ce sens elle est la première pièce d’essence laïque ou profane française, avec en sus l’introduction du jeu une nouveauté.

Dans cette comédie de mœurs, l’auteur met en scène sa propre histoire dans laquelle il occupe d’ailleurs le premier rôle. Santé et  maladie, enchantement et désenchantement, religion et féeries…sont mis en opposition. Ils ne se gênent pas à nommer en toutes lettres les Arrageois, qu’ils soient riches, bourgeois, hommes ou femmes. L’auteur veut quitter Arras, une ville commerçante entre les mains d’une bourgeoisie naissante et dans laquelle il se sent captif, pour étudier à Paris. Son père et ses amis veulent l’en empêcher. Alors avant de partir il rassemble dans cette pièce un moine, une douce dame, des  fées, quelques voisins, son père, un médecin, lui-même déguisé en clerc et… un fou. Il s’adresse à tout ce beau monde qui s’oppose à ses desseins, avec beaucoup de rancœur, lors d’une représentation publique le 3 juin 1276. Il dénonce les vices et les mesquineries des gens d’Arras, se moque de la laideur de sa femme, de l’avarice de son père qui refuse de l’aider. La folie, celle des hommes et des femmes, des bourgeois et des clercs… y est très présente. Comme si la feuillée ce n’est pas seulement la loge de verdure de la statue de  la Vierge au marché d’Arras, où sont invités ses personnages, mais aussi la folie elle-même.

La pièce commence avec l’apparition d’Adam (déguisé en clerc), pour annoncer son intention de quitter sa femme et la ville pour étudier à Paris.

Riquesse Auris : Qu’y feras-tu,  jamais bon clerc ne quitta Arras?   

Gillos : Et que deviendra Marie?

Adam : Elle restera avec mon père

Gillos : Elle vous suivra ; on ne peut séparer ceux que l’Eglise a unis

Adam : Vous parlez à merveille ; mais comment n’aurais-je pas été séduit ?…

Et comme pour montrer qu’il l’aime et qu’il s’en va juste à cause des études, il dresse un tableau élogieux des charmes de sa femme. Il raconte même comment il a été séduit puis rassasié. 

A la demande d’argent, Henri le père réplique :

Il ne peut en donner, il est vieux et malade

Ce à quoi répond le médecin :

De la maladie qu’on nomme l’avarice; il en est bien d’autres qui sont atteints de la même infirmité.

Le Jeu de Robin et de Marion (Li Jus de Robin et Marion) vers 1285:

Cette pièce d’un genre dramatique, est une pastourelle (qui développe un thème de pastourelle) dans laquelle sont représentés un chevalier, une bergère et des bergers. Elle serait écrite à  la demande de Charles 1er d’Anjou afin de distraire la cour. Il y  introduit des chansons et des morceaux de musique, ce qui en fait sans doute la première du théâtre musical d’Europe, le premier opéra tragi-comique français. Elle exprime une certaine nostalgie au moment où l’auteur, Charles d’Anjou et son entourage sont isolés dans la cour et menacés après le soulèvement sicilien. Le jeu de Robin et Marion les emmène loin en milieu rural, dans un village presque irréel qui baigne dans la paix et la gaieté et où le sentiment amoureux est pur. 

L’auteur met en scène une dizaine de personnages (Robin un berger, Marion une bergère, un chevalier, une bergère et six bergers). C’est la rencontre d’un chevalier (Aubert), qui croit que grâce à son rang dans la société rien ne doit lui résister, et d’une humble bergère en train de chanter. Aubert lui fait des avances. Son discours, qui contraste avec celui de l’amour courtois en vogue, est exploité avec humour par l’auteur. Eprise d’un berger (Robin), la jeune fille embarrassée le repousse avec plus ou moins de tact. Robin arrive à son secours mais il est battu par le chevalier, qui enlève la bergère. L’amant fait appel à ses amis bergers, le courtisan relâche la fille. Tout est bien qui finit bien puisque Marion et Robin se marient, et tout le village festoie dans une grande gaieté avec des  jeux, des chants, des danses et même un festin sur l’herbe. 

Extraits (traduit du vieux français) du jeu de Robin et de Marion :

Marion

Robin m’aime, Robin m’a ;
Robin m’a demandée, et il m’aura.
Robin m’a acheté une tunique
D’écarlate bonne et belle,
Un jupon et une ceinture.
A leur i va !
Robin m’aime, Robin m’a ;
Robin m’a demandée, et il m’aura… 

Le chevalier
Bergère, Dieu vous donne bonne journée !

Marion
Dieu vous garde, seigneur !

Le chevalier
De grâce,
Douce pucelle, contez-moi donc
Pourquoi cette chanson vous chantez
Avec autant de plaisir et si souvent

Marion
Beau seigneur, j’en ai toutes les raisons ;
Car j’aime Robinet, et lui m’aime,
Et, très bien m’a-t-il montré que chère je lui suis.
Il m’a donné ce panier,
Cette houlette et ce couteau…
 

Le chevalier
Dites moi donc, douce bergerette,
Aimeriez-vous un chevalier ?

Marion
En arrière, beau seigneur.
Je ne sais ce que sont les chevaliers.
De tous les hommes au monde,
Je n’aimerai que Robin.
Chaque jour, soir et matin
Il vient toujours me voir,
Et m’apporte de son fromage.
J’en ai encore dans mon corsage,
Ainsi qu’un grand morceau de pain
Qu’il m’apporta ce midi…
 

Le chevalier
Bergère devenez mon amie,
Et faites comme je vous prie
.

Marion
Seigneur, écartez-vous de moi :
Il n’est pas convenable que vous restiez.
Peu s’en faut que votre cheval ne me bouscule
Comment vous appelle-t-on ?…
 

Le chevalier
Croiriez-vous déroger avec moi,
Pour repousser si vivement ma prière?
Chevalier je suis et vous bergère.

Marion
Je ne vous aimerai pas pour autant.
Petite bergère je suis, mais j’ai
Un bel ami, charmant et gai.

Du roi de Sicile (1282):

Il écrit ce poème qui a plutôt les allures d’une chanson de geste, pour vouer les mérites de Charles d’Anjou, le roi de Naples. Il donne la preuve de son dévouement à celui qui l’a reçu dans sa cour, en rapportant ses exploits. Il décrit ses qualités qui font que selon lui, il surpasse tous ses frères y comprit  le grand Saint Louis avec lequel il a participé aux deux dernières croisades. On peut penser aussi que cet éloge est subjectif, étant donnés les sentiments d’amitié qui le liaient au monarque sicilien, chez qui il a passé  plusieurs années. Il raconte aussi les circonstances de la conquête du royaume de Naples, le mariage du roi avec Béatrice d’Anjou et  l’insurrection de Marseille…

Extraits du roi de Sicile (traduit du vieux français): 

  1. I. Il faut regretter – c’est une honte pour les bons trouvères –
    Qu’un bon sujet soit conté à l’envers ;
    Car mieux on s’y connaît, plus on doit faire effort
    Pour mettre en ordre ce qui est le plus digne des cours ;
    Ce n’est pas celui qui améliore les strophes qui agit mal,
    Mais celui qui les invente sans en savoir les règles.
    Ce serait grand dommage, bêtise et folie
    Si un si beau sujet, dont je ne me lasserai pas,
    Demeurait comme il est, mal rimé à jamais.
    Le sujet, c’est Dieu et les armes et les amours,
    Le prince le plus brillant pour sa bravoure et ses mœurs…
     
  1. II.Vaillance avait bien sa place chez lui,
    Car il était d’une nature on ne peut plus rare
    En beauté et en force, en noblesse et distinction.
    Il était le dernier de quatre frères qu’il me faut décrire.
    Le premier était Louis, le roi de Saint-Denis,
    Celui qui tant aima et glorifia la Sainte Église,
    Par qui Damiette fut conquise sur les Sarrasins ;
    Les autres le vaillant comte d’Artois qui fut à cette conquête,
    Et le comte de Poitiers ; mais lui, à bien les considérer,
    Les dépassait par ses entreprises, ses exploits et sa gloire…
     
  1. III.Et outre qu’il avait le cœur et le corps d’un brave,
    Nul ne vit jamais prince plus loyal que lui
    Ni compagnon plus généreux
    Ni qui honorât les dames d’un amour plus profond.
    Et on le vit bien en maints pays :
    Pour elles il usa chevaux, pourpre et soie.
    Jeunesse après lui s’est toute dégradée,
    Elle n’est plus que rapine, les gens n’ont pas de soutien.
    Mais si Charles vivait encore au royaume de France,
    On trouverait encore Roland et Perceval…,
     
  1. IV.Vous m’avez entendu parler de sa valeur en général,
    Elle va vous être à l’instant détaillée
    Et, depuis sa naissance, déroulée en bon ordre.
    Son éloge est si beau et si bien fondé
    Qu’il doit chasser d’un cœur bas la bassesse,
    Pousser aux armes tout chevalier
    Et soulever de joie cœur d’amant et d’amante.
    Je ne sais quels jongleurs l’avaient mis en pièces,
    Mais moi, Adam d’Arras, je l’ai tout restauré…
    Et pour qu’on ne se trompe pas sur moi,
    On m’appelle Bossu, mais je ne le suis pas !…
     
  1. V.Charles le noble fut le plus jeune fils de son père,
    Mais comme avril et mai sont entre tous les mois
    Beaux et doux et aimables,
    Charles fut le plus gracieux et le plus royal.
    Ils furent tous fils de roi, Charles mieux que les autres !
    Car au jour de sa naissance son père était déjà
    A la tête du royaume, élu et sacré :
    Il ne l’était pas quand il eut ses trois premiers fils…
         

             VI.… La quatrième, qui n’était pas encore mariée,

            Ne se serait jamais rassasiée d’entendre louer Charles
Et elle a pris tant de plaisir à écouter
Qu’elle se sent comme envoûtée,
Le cœur joyeux, l’œil rieur, la pensée ailée.
Et Amour, qui trouva la porte ouverte,
Entra d’un bond ; alors elle fut enflammée de son amour.

           VII.Alors elle ne fut pas en paix avant d’avoir vu Charles,
Car Amour et Désir la poussaient à savoir
Si la personne était à la hauteur de la réputation.
Et quand elle eut vu son allure et sa prestance,
Alors elle connut d’Amour des tourments plus cruels..

  1. VIII.La nouvelle s’était déjà répandue partout,
    Disant quel cœur, quelle force, quelle valeur
    Avait le frère du roi, rien qu’à le voir.
    Nature faisait redouter de tous sa personne
    Avant même qu’on ne connût sa bravoure.
    Quand il eut longuement étudié la lettre,
    Il vit que la demoiselle voulait être sa dame.
    Amour entre dans son cœur, il est tout retourné,
    Il frémit de désir et se remplit d’espoir…

             X.Alors qui aurait vu Charles revenir dans la joie

  1. Et tous deux doucement s’apprivoiser,
    Échanger de beaux propos, lancer de doux regards,
    A la fin des fins s’embrasser et se donner des baisers,
    Promettre et engager le reste
    Par promesse de mariage et par serment,
    Aurait pu guérir même d’une maladie mortelle !…

             X.Au temps où Charles fit ce premier exploit,

  1. Il n’était pas chevalier et n’avait pas de terres ;
    Mais son frère, le roi, lui fit l’honneur
    De lui donner bientôt le comté d’Anjou
    Comme un domaine pour lequel il lui devait l’hommage,
    Et il fit de lui un chevalier qui ensuite se donna
    De tout cœur aux armes pour multiplier les exploits.
    Et en outre, il avait le cœur si généreux
    Et des façons si bonnes, si belles et si sages
    Qu’on ne savait personne de son âge qui fût son égal..

              XI.Sous les armes il avait une si belle allure,

  1. Il était plus vif et ramassé qu’un oiseau sous ses plumes
    Et plus assuré sur son cheval qu’une tour de château.
    S’il participait à des tournois ou autres joutes,
    Gardant le corps bien droit, les jambes agiles,
    Il fonçait en piquant plus vite qu’une hirondelle
    Si près qu’il éraflait harnais et bourrelets..

             XII.Il n’aurait jamais voulu défendre ou interdire

  1. Fêtes, tournois ou jeux ; il les faisait organiser,
    Faisait se réjouir les ménestrels, crier et hurler les hérauts.
    Même les paysans aimaient l’avoir chez eux,
    Et maintenant chacun veut interdire et supprimer les fêtes !
    Grâce à lui, Amour était roi, lui qui ne sait où aller :
    Si on aimait d’amour aussi noblement que lui,
    Le monde serait bon et moins dur pour tous ;…

 Jeu du Pèlerin (Lecture de la Pilgrim) vers 1286:

C’est semble t-il la dernière œuvre du poète. Ecrite lors d’un bref  retour à Arras et avant de repartir à Naples pour y mourir, cette courte comédie de mœurs se moque de ses amis pour l’oublier. Il fait part de son séjour en Italie, et de l’accueil chaleureux que le comte d’Artois et de Charles d’Anjou lui ont réservé. Il fait également mention de ses voyages et pérégrinations en Orient. Il se présente comme maître Adam généreux et possesseur de toutes les vertus, estimé et honoré à la cour de Naples.   

Jeux- partis : 

Quelques extraits :

Adam à sire Jehan (Bretel) : Pour un loyal amant, est-ce le bien qui domine en amour? est-ce le mal ?

Adam à sire Jehan (Brbtel) : En loyal amant, que préféreriez-vous, être favorisé par l’amour contre votre dame, ou par votre dame contre Tamour ?

Adam à SniE (Jehan Bretel) : Un amant, aprâs avoir fidèlement aimé sa dame pendant sept ans, sans en avoir reçu merci, peut-il l’abandonner et chercher consolation auprès d’une autre?

Adam à SmE (Jehan Bretel) : Que doit craindre le plus un amant sage, ou de voir sa prière repoussée par la dame qu’il aime, ou de perdre son amour quand il l’a obtenu ?

Adam à sire Jehan (Bretel) : Veuillez me dire, vous qui savez si bien l’amour, en quoi, pourquoi et comment vous le servez?

Adam i Rogier : Je suppose que vous aimiez ma femme et moi la vôtre ; mais nous n’en sommes pas aimés. Voudriez-vous qu’en allant plus avant, je fusse accueilli par la vôtre et vous par la mienne ?

Adam à Jkhan BurrfcL : Lequel doit plaire le plus à sa dame, celui qui fait ostentation de son amour devant tout le monde, ou celui qui se laisserait plutôt mourir que de Cure voir son affection?

Hommages au trouvère:

  • Une rue porte son nom à Arras sa ville natale.
  • Un collège d’Achicourt (Pas de Calais) porte son nom.
  • Dans le dessin animé de Disney « Robin des bois », le conteur de l’histoire (un coq aux belles couleurs) incarne un ménestrel qui n’est autre qu’Adam de la Halle

Ecrits sur Adam d’Arras :

  • La musique à Arras depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours. Adolphe de Cardevacque 1885
  • Sur le Jeu de Robin et Marion d’Adam de la Halle (XIIIe siècle) Tiersot Julien 1897.
  • Essai sur la vie et les œuvres littéraires du trouvère Adan de Le Hale Guy Henri 1898
  • Sens et composition du « Jeu de la Feuillée ». Adler Alfred  1956.
  • La mort d’Adam le Bossu. Cartier Normand 1968.
  • La nature musicale du Jeu de Robin et Marion. Chailley Jacques 1950.
  • Adam de la Halle et ses Jeux chantés Maillard Jean 1956-1957
  • Adam de la Halle à la recherche de lui-même Jean Dufournet 2008

 

La cour d'amour d'Azalaïs

Arnaut de Mareuil (début 1150-1190)

Biographie :

                    Issu d’une famille noble mais fort humble, ce troubadour voit probablement le jour dans le château de Riberac (Village de Mareuil sur Belle en Dordogne). Il apprend les lettres et le latin mais ne va pas jusqu’au bout. Il se fait clerc un temps, mais se rend vite compte que cela ne lui correspond pas. Elégant et courtois il se lance sur les routes en tant que troubadour, un métier dans lequel il va exceller, pour y chercher par la même fortune. Il accompagne même pendant un temps Richard cœur de Lion dans ses aventures. Cela lui permet de se faire connaître un peu partout, et plus encore en chantant ou récitant ses vers avec une courtoisie et une élégance rarissime en ce temps. Il fait tout pour rencontrer Azalaïs de Burlatz (Béziers) la sœur du roi Louis VII, la fille de Raimond V (comte de Toulouse) et épouse de Roger II Taillefer (vicomte de Béziers) dont on dit qu’elle est d’une exceptionnelle beauté. Sa poésie qui a pour objet cette femme dont il est amoureux, séduit et se propage vite. Il est finalement accueilli à la cour, où il fait étalage de ses chansons d’amour dédiées à son hôtesse qui devient sa protectrice. Mais il suscite la jalousie du roi Alphonse II d’Aragon, non moins troubadour, et lui-même épris d’Azalaïs. Le malheureux est alors congédié, pour ne pas froisser le monarque. Il se rend à Montpellier où Guillaume VIII (seigneur de Montpellier 1 1157 – 1202) le prend sous sa coupe. Mais Arnaud reste inconsolable, joueur il est ruiné et devient pauvre. Il se réfugie à la fin de sa vie dans un monastère à Montpellier même, la mort de son ancienne protectrice en 1202  finit de l’achever.

Aujourd’hui encore se dresse le Pavillon d’Adélaïde, à l’entrée des gorges de l’Agout dans le village de Burlats (Midi-Pyrénée). C’est là que la comtesse Adelaïde ou Azalaïs délaissée par son mari, avait installé sa cour dite « Cour d’Amour » loin de son château seigneurial d’Albi dans le département du Tarn en région Midi-Pyrénées. Elle reçoit des troubadours, dont Arnaud de Mareuil, prélude à la naissance de l’Amour Courtois et surtout le roi d’Aragon.

Œuvres d’Arnaud de Mareuil :

Sur le plan littéraire son activité poétique, qui dure de 1180 à 1200, est peu abondante. Mais elle est d’une qualité qui va forcer l’admiration et influencer la littérature post-médiévale. Il est surtout l’inventeur de la sextine que Dante, Pétrarque et d’autres poètes même contemporains adopteront. C’est un modèle littéraire dans lequel notamment les mots à rime sont les mêmes, mais reviennent alternativement dans un ordre différent. Sa poésie lyrique en occitan nous rappelle à bien des égards son prédécesseur le célèbre troubadour Guillaume IX d’Aquitaine, l’inventeur de la littérature courtoise. Douce et sentimentale elle nous renseigne aussi sur les mœurs de son temps, puisqu’il nous laisse quelques poèmes érotiques.  Il se distingue par ailleurs comme musicien et compositeur. A ce sujet il avait comme chanteur (cantaire) le célèbre jongleur Pistoleta, qui a apporté ses chansons d’un château à un autre et d’un village à un autre.

Le poète, musicien et compositeur nous laisse une œuvre charmante et mélancolique : cinq saluts, vingt cinq chansons et un ensenhamen. Une œuvre qui loue avant tout la beauté et les qualités d’une seule femme, ce qui est rare chez les troubadours.

Les saluts d’amour au nombre de cinq

Arnaud de Mareuil est considéré comme le maître incontesté de ce genre courtois. Ces épîtres (missives) en vers, écrites pour être lues ou récitées devant un auditoire, sont touchantes et d’une qualité romanesque exceptionnelle. Cela ne peut qu’être l’œuvre d’un amoureux passionné qui déclare sa flamme à la comtesse aux yeux de violette qu’il aime. C’est pourquoi ses plaintes sont sincères, et le portrait qu’il fait  d’Adelaïde la comtesse Burlatz est remarquable.

L’épître commence toujours par un salut et des formules de politesse, il finit de la même façon et une réponse est demandée. L’auteur-amant fait part de ses délicieuses insomnies amoureuses et tribulations nocturnes certainement pour émouvoir qui alternent avec de brefs rêves érotiques qu’ils dont il dit « Je n’échangerais pas cette illusion contre une seigneurie. » Ils n’hésitent pas non plus à implorer les faveurs de la comtesse aux yeux de violette qui est tantôt « soleil de mars », tantôt « rose de mai », une autre fois « ombre d’été »… selon les règles de conduite courtoises. Dans ces saluts d’amour, l’influence des poètes latins de l’antiquité Ovide et Virgile est bien visible. Un des saluts dont voici un extrait « Je ferme les yeux et soupire et m’endors en soupirant. Alors mon esprit s’en va tout droit vers vous, ma Dame, qu’il languit de voir. Comme je le désire moi-même, nuit et jour, chaque fois que j’y songe il vous fait à son gré la cour, vous serrant dans ses bras et vous couvrant de baisers et de caresses… », finit par la célèbre citation virgilienne « omnia vinc it amor » (l’amour triomphe de tout). 

Autres extraits:

Il me plaît de sentir l’haleine du vent

En avril, avant que mai n’arrive,

Et que tout au long de la nuit sereine

Chantent le rossignol et le geai…

 

Vous me tourmentez  tant madame, vous et amour,

Que je n’ose vous aimer ni ne puis y renoncer,

L’un me poursuit, l’autre me fait arrêter ;

L’un m’enhardit, l’autre me fait craindre…

Et le visage doux que vous savez tellement ma faire,

Me font tellement vous désirer et convoiter

Et j’agis en fou car je ne sais me séparer de vous…

 

L’allégresse  vient à moi

 Quand les parfums de la brise

Envahissent mon cœur

Elle est plus blanche qu’Hélène

Plus jolie qu’une fleur qui naît,

 Elle est riche, et courtoise,

Cœur pur sans méchanceté,

Nulle part n’est sa pareille…

Ensenhamen (enseignement)

Les ensenhamen sont des livres de conduite qui ont été écrits à l’époque. Ils touchent plusieurs domaines dont l’esprit chevaleresque, la morale sexuelle, les bonnes manières à table… Celui d’Arnaut de Mareuil touche spécialement au domaine dans lequel il excelle : la courtoisie. C’est un petit poème didactique moralisateur écrit en vers et rimes plates, un véritable guide ou code  de  conduite  morale et courtoise à l’adresse des nobles, des bourgeois et des clercs. C’est un véritable enseignement sur leurs devoirs, et surtout sur la courtoisie comme s’il en était le maître.  

Ecrits sur l’auteur :

  • Les poésies lyriques du troubadour Arnaut de Mareuil, Ronald Carlyle Johnston (1935)
  • Les saluts d amour du troubadour Arnaud de Mareuil, Pierre Bec. (1961)
  • Arnaut de Mareuil, L’ensenhamen, Romania 90 (1969)
  • Terre des Troubadours, Gérard Zuchetto (1996)
  • Le Livre d’or des Troubadours, Gérard Zuchetto et Jörn Gruber (1998)

 

Jean de Joinville remet son manuscrit à louis X

Jean (Johan), sire de Joinville (1224 à 1225 – 1317):

Biographie :

Connu surtout pour être le biographe du roi Louis IX, Jean de  Joinville naît d’une famille de la noblesse champenoise entre 1224 et 1225. Il est le neuvième seigneur de Joinville. Il  n’a que huit ans quand son père Simon de Joinville décède. Il reste seul avec sa mère Béatrice d’Auxonne (fille d’Etienne II comte de Bourgogne), avant d’être admis à la cour de Thibaut IV (comte de Champagne et célèbre trouvère). Il y reçoit une éducation et une instruction dignes des jeunes nobles de l’époque, courtoise et chevaleresque. Il hérite de son père le titre de sénéchal près de ce même comte. Il participe en 1248 à la septième croisade, plus pour ne pas faillir à la tradition familiale que par conviction religieuse. C’est là qu’il aurait rencontré pour la première fois Louis IX (initiateur de la croisade et futur Saint Louis), événement qui va changer sa vie puisqu’il en devient l’ami et  le conseiller. Une relation qui se renforce avec leur captivité en Orient, quand ils sont faits prisonniers lors de la défaite de Damiette (Egypte) en 1250. La compagnie du roi le transforme radicalement jusqu’à devenir crédule et superstitieux, lui qui aimait le bon vin et s’adonnait aux vices. C’est lui qui négocie avec les templiers la rançon exigée pour leur libération en 1252. De retour à Paris il est souvent présent à la cour assis à côté du roi, en homme désormais pieux et plus admirateur sincère que courtisan du  monarque. Il y tient une place privilégiée comme confident, à tel point que c’est lui qui est chargé de négocier le mariage de la fille de saint Louis (Isabelle) avec le tout jeune Thibaut V (roi de Navarre). Pourtant Joinville refuse de prendre part avec Louis IX à la huitième croisade qu’il désapprouve. Une croisade qui allait être d’ailleurs fatale au roi, puisqu’il y laissera sa vie (25 août 1270 à Tunis). Il s’expliquera en écrivant « Je leur disais ainsi que, si je voulais œuvre selon la volonté de Dieu, je resterais ici pour aider mon peuple et le défendre ; si j’exposais ma personne aux hasards du pèlerinage de la croix, quand je voyais bien clairement que ce serait au mal et au détriment de mes hommes, j’en susciterais la colère de Dieu, qui exposa son corps pour sauver son peuple. » En 1303 il entreprend d’écrire ses mémoires pour répondre aux supplications de Jeanne de Navarre, reine de France, de faire un livre des saintes paroles et des bons faits du Saint roi Louis. Il le fait peut-être un peu par rapport au roi Philippe le Bel, pour lequel il éprouve de la répugnance. Il ne partage point ses pratiques politiques, et lui reproche de s’être éloigné de la ligne de conduite de son prédécesseur Louis IX. La rêne meurt le 2 avril 1305, quatre ans avant que Joinville ne finisse la rédaction de l’ouvrage (1309). Celui-ci est alors dédicacé à son fils Louis X de France (ou Louis le Hutin), futur  roi de France. Lorsque la papauté mène une enquête pour la canonisation de Louis IX (prononcée par Boniface VIII), c’est à lui que les enquêteurs font appel en tant que témoin privilégié de sa vie, confident et conseiller. Il rapporte notamment que l’écuyer du riche homme sire Gragonès est tombé du navire pendant le retour vers les côtes de Provence. Il ne lui restait qu’à prier la Vierge Marie pour son salut. Un miracle selon Joinville se produisit pour son sauvetage. Sans rien tenter, le naufragé s’est retrouvé dans la galère royale qui revenait de la septième croisade. C’est grâce à ce témoignage que Louis IX devient Saint Louis en 1297.

Jean de Joinville meurt le 24 décembre 1317, quarante sept ans après Saint Louis. Pour avoir vécu 93 ans, ce qui exceptionnel pour l’époque, il a vu régner pas moins de six rois : Louis VIII, Louis IX, Philippe III, Philippe IV, Louis X et Philippe V. Son corps repose dans la chapelle Saint-Joseph de l’église Saint-Laurent du château de Joinville.

Œuvres de Jean de Joinville:

Mémoires du sire de Joinville ou  Histoires des faits de notre saint roi Louis:

L’auteur entreprend d’écrire ses mémoires en 1305 (1305 à 1309), en utilisant une langue qu’on peut situer entre le Lorrain et celui d’Ile de France, comme le ferait un chroniqueur. Écrite dans un style simple, l’œuvre est considérée comme l’une des plus anciennes en prose française. Elle est le travail d’une personne qui a une connaissance quasi parfaite du monarque, dont elle est témoin de son règne et de  la vie quotidienne dans la cour. Si le but est clair dès le départ, faire du roi aux vertus incontestées un modèle et un exemple pour  ses successeurs, Joinville fait preuve d’objectivité puisqu’il n’est pas seulement élogieux. La sincérité dans le compte rendu des faits, donne à l’œuvre une valeur historique incontestable. Le récit est tellement objectif que l’on dit que quiconque n’a pas lu Joinville ne connait ni Saint Louis ni le XIIIe siècle. Ces mémoires font de Louis IX  le roi de France le plus connu, et enrichissent la langue française d’un bon nombre de tournures particulières qui seront  utilisées par toutes les générations à venir.

L’auteur commence son récit par une biographie de Louis IX. Il rapporte ses saintes paroles, et le présente comme très pieux, généreux, sobre, juste et proche de son peuple. Les bons enseignements du saint roi occupent une bonne place. Selon lui le roi se comportait comme un prédicateur, puisque ses paroles porteuses de messages moraux et religieux étaient destinées à renforcer la foi de ses interlocuteurs. Il apporte également un éclairage sur l’exercice du pouvoir et les devoirs de la royauté, tels qu’il les concevait et les exauçait.

Les faits rapportés n’épargnent ni le roi ni le clergé, quand il considère qu’ils ont failli. Il reproche entre autres au roi son insensibilité à l’égard de la reine, ses colères, ses réactions disproportionnées lors de deuils, sa foi enflammée et à la limite du fanatisme…

Il nous raconte dans une seconde partie bien plus longue les faits d’armes du roi, puisqu’il était aussi guerrier. La 7eme croisade d’abord à  laquelle il a participée, mais sans jamais faire part de ses motivations. On sait qu’elles n’étaient pas d’ordre  religieux puisqu’à l’époque Joinville n’était pas encore porté sur la piété, et c’est peut-être cela qui le gênait d’en parler. Le séjour en Egypte (croisade), les hauts faits du roi et de ses chevaliers et sa captivité avec le souverain occupent une bonne partie du récit. Il n’omet pas de relever le courage de la reine pendant tout ce temps, qui a assumé la responsabilité de la poursuite de l’expédition au printemps 1250.

La 8eme croisade à laquelle il n’a pas prit part, et au cours de  laquelle Louis IX est décédé, nous est rapportée grâce au concours de Pierre comte d’Alençon et 5eme fils du roi. Ces deux expéditions et surtout sa mort pour la chrétienté, ont élevé son prestige que les capétiens ont voulu exploiter à travers l’œuvre de Joinville. Notons enfin que Jean de  Joinville fait également une part  belle à sa personne dans son récit. Il nous fait part de ses combats en Orient et ses blessures, ses actions, ses contributions…nous renseignant  ainsi sur les manières de penser, de sentir et d’être d’un homme de cette époque.

Voici un extrait de la dédicace de Joinville en remettant le livre au roi Louis X : «  Au nom de Dieu tout puissant, moi Jean, sire de Joinville, sénéchal de Champagne, fais écrire la vie de notre saint roi Louis IX, ce que j’ai vu et entendu pendant l’espace de six ans au cours desquels je me suis trouvé en sa compagnie au pèlerinage d’outre-mer et après notre retour. Et avant de vous raconter ses hauts faits et sa conduite de chevalier, je vous raconterai ce que j’ai vu et entendu de ses saintes paroles et de ses bons enseignements, afin qu’on puisse les trouver les uns après les autres pour l’édification de ceux qui les entendront… »

Il est clair compte tenu du titre réel « Le Livre des saintes paroles et des bons faits de notre roi Saint Louis » et de cette dédicace, que de Joinville espère bien que le jeune roi va prendre exemple de son grand-père Saint Louis.

Le Credo ou Li romans as ymages des poinz de nostre foi:

On a aussi de Joinville un Credo écrit en 1250 à Acre (Syrie), juste après son retour de captivité, et refait en 1287. Ecrit en prose, il s’agit d’un petit manuel destiné aux fidèles pour leur procurer le salut des âmes. Pour ramener les gens à la foi, il tente de révéler la vérité en s’appuyant sur les prophéties et l’ancien testament avec des images à l’appui. La profondeur de sa foi, qui reste cependant assez loin du fanatisme affiché par son suzerain, est bien affirmé dans ce petit ouvrage. Il y fait une exposition (présence de miniatures), commente et explique  les symboles (Credo) des apôtres. C’est une profession de foi chrétienne dont « je crois en Dieu, le Père tout-puissant, et en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui est né su Saint-Esprit et de la Vierge Marie… »

La lettre au roi Louis X (1315 :

La lettre que de Joinville  adressé à Louis X en 1315 n’est pas également sans intérêt. Alors âgé de 90 ans il reçoit de son suzerain une convocation, au même titre que tous les barons, pour une expédition punitive contre le comte de Flandre qui refuse de prêter l’hommage qu’il doit à son roi. Dans sa  réponse écrite en prose le 8 juin 1315, Jean explique que son âge ne lui permettra pas d’arriver à temps, mais qu’il allait s’y rendre…La lettre originale est conservée au département des manuscrits occidentaux de la Bibliothèque nationale

Epitaphe à son bisaïeule Geoffroi de Joinville (1311) :

Bien curieuse et longue inscription, gravée sur une pierre à côté du tombeau du défunt à l’abbaye de Clairvaux. Il retrace également la généalogie des seigneurs de sa famille. C’est comme un hommage à Geoffroy III, sénéchal du comte Henri le Libérateur, premier prince de Joinville à s’être distingué en croisade.

Hommages :

Sur sa tombe est gravé au XVIIe siècle l’inscription « ingenium (intelligence), candidum (loyal, droit, honnête), affabile (affable) et amabile (aimable) »

Jean de Joinville figurent parmi les 86 statues des Hommes illustres ou Hommes célèbres de France, installées en 1850 autour de la cour Napoléon du Palais du Louvre.

Autre hommage, une statue de bronze est élevée en 1861 à Joinville, sa ville natale.

Quelques écrits sur Joinville :

« Essai sur l’histoire de la généalogie des sires de Joinville (1008-1386) accompagné de chartes », Jules Simonnet 1875.

« Essai sur l’histoire de la généalogie des sires de Joinville (1008-1386) accompagné de chartes »,  Jules Simonnet 1875.

« Jean de Joinville et les seigneurs de Joinville »,  H. F. Delaborde 1894.

« Jean, sire de Joinville », dans Histoire littéraire de la France, Paris 1898.

« Le Credo de Joinville », dans « La vie en France au Moyen Âge », Langlois 1928

« Les seigneurs de Joinville, Humblot 1964.

« Joinville’s Histoire de saint Louis », Billson 1980.

« Joinville, historien de la Croisade ? », dans Les champenois et la Croisade », Strubel 1989.

« Etude des mentalités médiévales », Menard 1989.

« Joinville et l’Orient », L’écrit dans la société médiévale, J. Monfrin 1991

« La méthode historique de Joinville et la réécriture des Grandes chroniques de France » , Boutet 1998.

« Armorial et généalogie des seigneurs et des princes de Joinville et autres Joinvillois », François Membre 2012.

 

 

Jeanne d’Arc et la guerre de Cent Ans

avril 29th, 2013 | Posted by mus in Le Moyen Âge -
Jeanne d'Arc à Orléans
La Guerre de Cent Ans (de 1337 à 1453) :
Avant d’être une guerre entre nations, la Guerre de Cent Ans (plus précisément 116 ans) est un conflit qui oppose deux dynasties. D’un côté celle des Capétiens souverains en France, de l’autre les Plantagenêts qui règnent en Angleterre mais qui possèdent l’Aquitaine. Une possession qui fait des rois d’Angleterre des vassaux de ceux de France. A l’origine des nombreuses hostilités entrecoupées de trêves et qui se déroulent sur le sol français, deux raisons essentielles:
Naissance d’une dynastie anglo-normande:
Le 5 janvier 1066 le roi d’Angleterre Edouard dit le Confesseur pour sa grande piété meurt. Harold Godwinson s’empare de la couronne. Guillaume II, dit Guillaume le Conquérant pour ses conquêtes, qui considère que la succession lui revient convoque les grands barons de Normandie. Il obtient leur soutien pour conquérir le royaume d’Angleterre par la force. La même année il s’en empare et devient le roi Guillaume 1er d’Angleterre. Une dynastie anglo-normande est née. Mais son titre de duc de Normandie fait qu’il reste vassal du roi de France. Un statut de roi vassal d’un autre roi qui pose problème. Les Plantagenêts étendent leur puissance et leur influence avec l’arrivée d’Henri II sur le trône d’Angleterre. Déjà duc de Normandie, Comte d’Anjou, du Maine et de Touraine, Aliéanor d’Aquitaine qu’il épouse lui apporte l’Aquitaine. Une menace pour le règne des Capétiens sur le royaume de France, à laquelle Louis VIII puis Philippe II Auguste entreprennent de mettre fin, ne leur laissant qu'une partie de l'Aquitaine, dont la Guyenne.
Une guerre de succession aussi 
Philippe le Bel décède le 29 novembre 1314. Ses trois enfants Louis X (meurt sans héritiers mâles), Philippe V et Charles IV lui succèdent successivement. La dynastie des Capétiens directs s’achève avec la mort de ce dernier en 1328. Cette situation va ouvrir la voie à des querelles. Il a bien une sœur du nom d’Isabelle de France, mais elle ne peut hériter du trône. Un code de loi (la loi salique établie dès le début du règne capétien avec Clovis) exclut de toute succession au trône de France les princesses et leurs héritiers. Isabelle qu’on surnomme la Louve de France avait épousé en 1308 le roi d’Angleterre Edouard II, décédé une année avant Charles IV (septembre 1327). Son fils Edouard III lui succède. Deux hommes sont prétendants au trône d France : Philippe de Valois neveu de Philippe le Bel côté lignée masculine, et Edouard III par la lignée féminine (sa mère Isabelle de France).
Le choix de la noblesse française va vers Philippe VI de Valois cousin germain du défunt roi, pour les motifs qu’il est du pays et plus mûr. Et puis peut-on placer sur le trône de France un noble anglais, fusse t-il un héritier de Guillaume le Conquérant duc de Normandie puis roi d’Angleterre ? Edouard III qui venait juste de monter sur le trône d’Angleterre, et dont le pouvoir n’est pas encore stable ne proteste pas même s’il plus proche du roi en tant que neveu. Du moins pour l’instant, surtout qu’il a toujours ses possessions en Guyenne (Aquitaine) qui font de lui vassal du souverain français. Celui-ci lui rappelle d’ailleurs qu’il lui doit hommage. Une situation offensante qui fait rechigner de l’autre côté de la Manche. Philippe VI décide finalement de déchoir son rival d’Angleterre qui ne veut plus du duché Guyenne, c'est-à-dire la dernière possession des Plantagenêts en France. Edouard est fou de rage, de Wetminster (7 octobre 1337) il s‘autoproclame roi de France et défie publiquement le souverain français. C’est le premier prétexte de ce qui va être la guerre de cents ans. Cinq souverains de chaque côté de la manche et trois générations vont se trouver plus d’un siècle durant plongés dans des troubles et des combats.
Faits marquants de la guerre de Cent Ans
Edouard III envahie la Thiérache :
Déchu du duché de Guyenne par Philippe VI pour avoir cessé de le reconnaître comme suzerain, Edouard III attaque en 1339 l’Ecluse (port flamand aujourd’hui Sluis) dans l’ancienne Thiérache. Il  écrase la flotte française, et envahie toute la région ravageant tout sur son passage. Une trêve est signée une année plus tard pour une durée de cinq ans. Mais en 1341 Français et Anglais sont de nouveau en conflit, mais indirectement. Après la mort du duc Jean III, deux hommes se disputent le duché de Bretagne. Le premier est soutenu par le roi de France : Charles de Blois le revendique car sa femme n’est autre que Jeanne de Penthièvre (nièce de Jean III). Le second est soutenu par Edouard III : Jean de Montmort (mari de Jeanne de Flandres), veut la succession en tant que frère de Jean III. Le clan Jean de Montmort-Jeanne de Flandres et les Anglais sont vainqueurs.
La bataille de Crécy (26 août 1346)
Après une trêve de quelques années, Edouard III déclenche de nouveau les hostilités en 1346. Son fils Édouard d'Angleterre, prince de Galles, dit le Prince Noir (pour la tenue qu’il arbore) participe alors qu’il n’a que 16 ans. Il débarque cette fois dans le Cotentin et envahie la Normandie. Il marche même sur Paris, mais devant l’impressionnante armée de Philippe VI il fait un repli plutôt tactique. C’est à Crécy dans la Somme qu’il décide de monter son campement, et d’attendre les Français. Sachant que ceux-ci vont être épuisé par la marche, lui Il profite pour faire reposer ses troupes et s’approvisionner en vivres. Le 26 août le roi de France et ses hommes sont en vue. Parlant des volées de flèches anglaise qui s’abattent sur les Français, Jean Froissart chroniqueur médiéval disait « Ce semblait neige ». Mieux organisée et disciplinée, l’armée d’Edouard III remporte la bataille de Crécy. Après cette victoire, il s’en va faire le siège à Calais pour créer une tête de pont.
La grande peste
Alors que la France souffre des combats, des pillages et de la famine plus que l’Angleterre du fait que cette guerre se déroule sur son sol, un autre fléau vient semer la mort. La peste envahie l’Italie et le Sud de la France ramenée d’Orient par les bateaux marchands génois. Très vite elle se propage vers le nord et touche toute la France, l’Allemagne, l’Angleterre etc. Accusés de propager la maladie en contaminant l’eau, les Juifs et les lépreux sont massacrés. Des pénitents mettent ce fléau sur le compte de la colère de Dieu, et invitent la population à expier ses fautes. En 1350 en pleine épidémie Philippe VI décède. Son fils Jean le Bon lui succède donc en pleine tourmente, et doit faire face à cette situation ravageuse et continuer la lutte contre le roi d’Angleterre alors que les moyens manquent. De 1348 à 1353 ce qui est alors qualifié de peste noire, tue 25 millions de personnes soit le tiers de la population européenne. Seules les régions montagneuses, et à un degré moindre les campagnes, sont épargnées. Jean le Bon hérite donc d’une situation catastrophique, aggravée par la  menace du Prince Noir sur le royaume de France. Il convoque les états généraux en 1356, durant lesquels il est décidé de réunir les fonds et de lever une armée.
La bataille de Poitiers (19 septembre 1356)
Jean II le Bon monte son armée pour se lancer à la poursuite du Prince Noir, et le stopper dans sa chevauchée dévastatrice à travers la France. Les butins de celui-ci sont considérables. En 1356 le Plantagenêt se lance dans une expédition de pillage des Pays de Loire. Le roi de France a trop laissé faire, il marche enfin vers le sud à la poursuite d’Edouard d’Angleterre. Avec deux fois plus d’hommes il est sur, trop sur même, de lui. Ce qui va lui être fatal car il ne prévoit rien, ne fait  pas de calculs, fonce sans aucune véritable stratégie. Le Prince Noir plus prudent l’attend tranquillement au sud de Poitiers, où il met en place la même stratégie qu’à Crécy. Les deux armées se retrouvent de nouveau face à face le 19 septembre 1356. La bravoure du roi de France, roi le plus puissant de la Chrétienté, n’est pas suffisante d’autant plus que des nobles fuient le champ de bataille dès les premières charges. La bataille tourne vite en faveur d’Edouard, dont les archers écrasent l’armée française. Encerclés Jean II le Bon, son fils Philippe le Hardi et quelques fidèles sont obligés de se rendre. Une défaite bien plus humiliante que celle de Crécy. Ils sont conduits à Bordeaux, avant d’être emprisonnés dans la Tour de Londres. La France est alors plongée dans le chaos, et le royaume capétien va vivre une grave crise tout le temps que durera la captivité du roi. Celui-ci finit par proposer au roi d’Angleterre, en échange de sa libération, 4 millions d’écus d’or et la restitution de toutes les possessions des Plantagenêts (duché d’Aquitaine). Lors du traité Brétigny-Calais en 1360 Edouard III obtient même plus : le Périgord, le Quercy, la Bigorre, le Limousin, le Rouergue, le Poitou, la Saintonge, l’Angoumois et le comté d’Armagnac. En contrepartie il renonce à revendiquer la couronne de France. Le souverain français paye une partie de la rançon, mais des otages dont son fils Louis d’Anjou sont retenus jusqu’à payement de la totalité. Pour célébrer sa libération Jean le Bon crée le franc, une pièce représentant le roi à cheval, alors qu’Edouard est  nommé prince d’Aquitaine par son père.
Ne pouvant payer le reste des écus d’or, Jean le Bon se rend à Londres fin décembre 1363 et se constitue prisonnier. Il espère renégocier le traité de Brétigny mais il tombe malade quelques jours après son arrivée. Il meurt le 8 avril 1364 en captivité à l’hôtel de Savoie. Rapatrié, son corps est inhumé dans la basilique Saint-Denis.
La bataille d’Azincourt (25 octobre 1415)
L’assassinat de Louis d’Orléans en 1407 sur ordre de Jean sans Peur, crée un conflit entre Armagnacs et Bourguignons et déchire la France. La folie du roi Charles VI fragilise encore plus le royaume. Une situation dont profite le roi d’Angleterre Henri V (fils d’Henri IV) considéré comme un usurpateur, car il a assassiné Richard II  (héritiers des Plantagenêts) pour s’emparer du trône. Non seulement il remet  en cause la trêve conclue en 1396 entre son prédécesseur Richard II et Charles VI, mais il revendique carrément le trône de France. Il demande la main de sa fille Catherine, qui lui est refusé. Henri V s’est trouvé des prétextes d’aller en guerre. A la tête d’une armée d’environ 11 000 hommes, il débarque en Normandie le 13 août 1415, fort du soutien du duc de Bourgogne qui a des comptes à régler avec Louis duc d’Orléans (Armagnac). Les combats et surtout les maladies lui font perdre une partie de son effectif après la prise de Harfleur en septembre. Il décide de se retrancher à Calais chargé de butins, pour reprendre des forces et attendre le printemps pour continuer sa conquête. Il est rattrapé près d’Azincourt (ex Agincourt) par les troupes françaises fortes de quelques 30 000 hommes, qui cherchent à lui barrer la route de Calais. Après une nuit très pluvieuse, persuadés que la victoire est pour eux en raison de leur écrasante supériorité numérique, les chevaliers foncent sur les lignes anglaises pour contrer les redoutables archers gallois. Les chevaux  s’embourbent dans des terrains fraîchement retournés. Ils continuent à pied sans aucune organisation, engagent un combat au corps à corps. Une fois de plus l’organisation anglaise, et la force de frappe des archers triomphent. La bataille s’achève alors que la chevalerie française est décimée, Henri V s’empare de la Normandie.
La bataille d’Azincourt est considérée comme l’une des plus meurtrières du Moyen-âge.  On dénombre 10 000 morts côté français dont de nombreux barons, la moitié côté anglais. Charles d’Orléans neveu  du roi de France est fait prisonnier et restera 25 ans en Angleterre.  Après le massacre commis à Harfleur,  Henri V de Lancastre ordonne même de tuer les prisonniers (utilisés habituellement pour demander des rançons), et  d’achever les centaines de blessés restés sur le champ de bataille. Ce qui fait de lui un véritable criminel de guerre du Moyen-âge.
Le siège d’Orléans
Pour venger l’assassinat de Louis 1er d’Orléans (duc d’Orléans) survenu le 23 novembre 1407 à Paris, deux proches conseillers de Charles l'héritier du trône de France assassinent à Montereau le 10 septembre 1419 Jean sans Peur (duc de Bourgogne, comte de Flandre, d’Artois…). Celui-ci avait éliminé son rival d’Orléans car devenu amant de la reine Isabeau de Bavière, il avait ses faveurs et donc de plus en plus de pouvoir. Charles VI le Fou et sa femme déshéritent leur fils Charles commanditaire du crime. Celui-ci serait fils illégitime du duc d’Orléans et d’Isabeau. Affaiblie par la défaite d’Azincourt, la France n’avait pas besoin d’une nouvelle querelle entre Bourguignons et Armagnacs, qui se disputaient déjà le pouvoir au sein de la régence présidée par la reine depuis que le roi est mentalement atteint. Autres conséquences, Philippe III le Bon (successeur de Jean sans Peur) fait alliance avec les Anglais alors qu' Henri V d’Angleterre (un Plantagenêt) est reconnu au traité de Troyes le 21 mai 1420 comme héritier de la couronne de France. La France n’existe plus. Le 21 octobre 1422 Charles VI décède, son fils Henri VI jeune lui succède. Mais son frère Charles VII (dit « le Victorieux ») déshérité par ses parents se proclame roi de France de Bourges. Le roi d’Angleterre de son côté veut la couronne, conformément au traité de Troyes. Il débarque en Normandie et l’occupe. Profitant de la faiblesse du nouveau roi de France, démuni et sans soutiens, il marche sur Orléans. C’est une   importante cité notamment sur le plan stratégique, bien défendue car entourée de remparts elle ne tient qu’un pont sur la Loire. Il en fait le siège avec ses alliés Bourguignons le 12 octobre 1428, sachant que sa chute lui faciliterait la conquête de tout le pays. Jean (dit Dunois) demi-frère du duc Charles d’Orléans, prisonnier en Angleterre depuis Azincourt, défend la ville du mieux qu’il peut et avec courage. Orléans est tout près de la reddition, le roi sur le point de renoncer quand un « miracle » se produit. Une femme du nom de Jeanne arrive dans la ville, elle prétend avoir une mission divine. Elle aurait entendu les voix de l’archange Saint Michel, de Sainte Catherine et de sainte Marguerite lui demandant de chasser les Anglais et de mener  Charles VII sur le trône de France.
Jeanne d’Arc délivre Orléans
Jeanne est une jeune fille de Lorraine, qui se dit envoyée de Dieu pour sauver la France. A 17 ans alors qu’Orléans est sous le siège, elle s’en va à Chinon rencontrer Charles VII le 25 février 1429. Celui-ci qui finit par croire en sa mission divine la confie à Jean d’Aulan, un bon écuyer, pour faire son éducation militaire. Elle prend ensuite la tête d’une armée de 4 000 hommes et fonce sur Orléans. Chemin faisant des centaines d’hommes armées se joignent à elle. Elle réussit le 29 avril à s’infiltrer dans Orléans qui n’est ceinturé que par une douzaine de bastilles anglaises car il aurait fallu beaucoup plus d’hommes pour fermer les trois kilomètres de remparts. Elle prend vite la situation en main. Elle défile en compagnie de Jean Dunois (dit le Bâtard d’Orléans) qui défend la cité depuis des mois. La population assiégée reprend confiance. Avant d’engager une quelconque action contre les Anglais, elle tente une solution pacifique en leur envoyant le message  « vous, hommes d’Angleterre, qui n’avez aucun droit en ce royaume, le roi des Cieux vous mande et ordonne, par moi, Jeanne la Pucelle, que vous quittiez vos bastilles et retourniez en votre pays… » dont il se moque.
Jeanne commence à attaquer les bastilles l’une après l’autre dès le lendemain, obligeant les Anglais à s’y réfugier  Ne pouvant plus communiquer entre eux, ils paniquent et beaucoup se jettent dans la Loire. Le dernier assaut, durant lequel la Pucelle est blessée par une flèche à l’épaule, est donné le 7 mai au petit matin. Le soir l’assaut contre la bastille entraîne la mort du capitaine Glasdale qui se noie dans la Loire. Le capitaine John Talbot, commandant de l’armée anglaise, décide le lendemain 8 mai de lever le siège et se retire. Le 13 mai suivant, Jeanne d’Arc accueille Charles VII.
Sacre de Charles VII et atroce fin de Jeanne d’Arc
L’avènement de Jeanne a surtout le mérite de redonner confiance aux Français et à leur armée, complètement désorientés et perdus depuis l’occupation anglaise. Orléans délivré et forts de cette exploit, certains préconisent de continuer sur la lancée pour chasser les Anglais de France. Ce n’est pas l’avis de Jeanne d’Arc qui pense qu’il est plus urgent de donner un roi légitime à la France, qui conduira la suite des opérations. Charles VII prend la route de Reims avec le jeune fille à la tête d’une armée pour organiser le sacre du roi. Ils atteignent la ville le 16 juillet 1429, après une chevauchée périlleuse en terre sous contrôle Anglo-bourguignons. La cérémonie se déroule le lendemain dans la cathédrale de Reims, où sont sacrés tous les rois de France. Le rituel est vieux de quatre siècles. La main sur l’Evangile le roi prononce le serment selon lequel il respectera la justice et la loi, défendra l’Eglise et son Peuple, en particulier les veuves et les orphelins, de tous les ennemis, de l’intérieur comme de l’extérieur. Sept ans après la mort de son père, l’héritier des Valois Charles VII devient le seul roi légitime des Français, au grand regret de l’héritier des Plantagenêts Henri V. A l’issue du sacre Jeanne se jette en larme à ses pieds : « O gentil roi, maintenant est fait le plaisir de Dieu, qui voulait que je fisse lever le siège d'Orléans et que je vous amenasse en votre cité de Reims recevoir votre saint sacre, montrant que vous êtes vrai roi, et qu'à vous doit appartenir le royaume de France».
Jeanne d’Arc décide alors de marcher sur Paris tenue par les Bourguignons, pour continuer sa mission.  Elle est capturée le 23 mai 1430, sous les remparts de Compiègne, par le bourguignon Jean de Luxembourg. Elle restera emprisonnée six mois durant, avant qu'il ne la cède aux Anglais pour 10 000 livres. Son procès pour hérésie s’ouvre début février de l’année suivante, et va durer jusqu’à la fin mars. Le roi ne fait aucun geste pour elle. Pierre Cauchon (évêque de Beauvais) instruit, avec l’aide d’un tribunal formé de clercs fidèles aux Anglo-Bourguignons, un procès joué d’avance. Elle refuse devant ses juges qui la pressent, de renier les voix qu’elle affirme avoir entendues. Elle lance à leur face « Je sais bien que ces Anglais me feront mourir, parce qu’ils croient après ma mort gagner le royaume de France. Mais seraient-ils cent mille Godons de plus qu’ils ne sont à présent, ils n’auront pas le royaume ». Condamnée au bûcher, elle est brûlée vive à  Rouen (Haute-Normandie) sur la place du Vieux-Marché le 30 mai 1431. Elle paye de sa vie l’humiliation qu’elle a infligée aux Anglais, pour qui la pucelle est envoyée  par le diable. Elle n’a pas encore vingt ans.
PS : En 1909 Jeanne d’Arc est béatifiée, avant d’être canonisée comme Sainte le 16 mai 1920 sous le pontificat de Benoit XV.
Reconquête de la France, et fin de la guerre.
Fort de sa légitimité, Charles VII entreprend la conquête du royaume, mais non sans avoir au préalable mis fin au conflit entre Bourguignons et Armagnacs pour unifier les rangs. Le duc de Bourgogne Philippe le Bon signe le 21 septembre 1435  le traité d’Arras que lui soumet le nouveau souverain. Il met un terme à son alliance avec Henri V d’Angleterre et à la guerre civile, en échange de nouvelles terres. L’année d’après Paris se démarque des Anglais, alors que la Normandie qui a le plus souffert de cette guerre de cent ans se soulève en 1449. En avril 1450 la bataille de Formigny permet de récupérer la basse vallée de la Seine. Il ne reste aux Anglais que leur ancienne possession la Guyenne (Aquitaine), acquise avec le mariage d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri II d’Angleterre.
Favorable aux Anglais, les Gascons demandent l’aide du roi Henri VI pour empêcher l’armée  royale de Charles VI de prendre Bordeaux. Le capitaine John Talbot arrive dans la ville le 20 octobre 1452 à la tête 3 000 hommes. Il est suivi peu de temps après par 2 000 autres menés par son propre fils. Ils se retrouvent à Castillon le 17 juillet 1453 face à une armée franco-bretonne forte d’environ 10 000 hommes, équipée en plus d’une  puissante artillerie. La bataille qui s’en suit, celle de Castillon est meurtrière. Elle se solde par une nouvelle victoire des Français le 20 du même mois. Trois mois plus tard Bordeaux se rend, et les Anglais quittent les lieux après avoir perdu  Talbot et des milliers d’hommes. Cette même année de 1453 à l’Est de l’Europe, Constantinople  (précédemment Byzance capitale de l’Empire romain d’Orient) tombe aux  mains des Ottomans. Le Moyen Âge va  progressivement laisser place à la Renaissance.
Il faut attendre plus d’une vingtaine d’années, pour  qu’il soit officiellement mis un terme à la guerre de Cent Ans. Le traité de Picquigny est signé le 29 août 1475. Louis XI dit le Prudent (fils de Charles VII et  Marie d’Anjou),  et son homologue d’Angleterre Edouard IV  (fils de Richard  Plantagenêt et Cécile Neville)  successeur d’Henri VI en sont les signataires. Néanmoins les rois d’Angleterre  ne renonceront au  titre de «rois  de France » qu’avec George III en 1802, cinq cents ans plus tard.
 
 
L'Amant pénètre dans le sanctuaire

GUILLAUME de LORRIS (vers 1200- vers 1240) 

Biographie

Poète français du Moyen Âge, on ne sait pas grand-chose de lui à part qu’il est né vers 1200 à Lorris dans le Gâtinais. Il aurait étudié à la Faculté des Arts d’Orléans. Issu de la noblesse, il était le protégé de Guillaume III comte de Poitiers. Il est connu pour « Le roman de la Rose » l’un des tous derniers écrits ayant pour thème l’amour courtois. Mort jeune, il n’a pas eu le temps d’achever cette unique œuvre (environ 4000 vers seulement).

Jean de Meung se chargera quarante ans plus tard (entre 1269 et 1278) d’écrire une suite pour en faire un long roman (22 000 vers). De son vrai nom Jean Clopinel, il est né à Meung-sur-Loire. Il fait des études à l’Université de Paris, où il passe d’ailleurs l’essentiel de sa vie. Il est également connu pour avoir été un défenseur  acharné de Guillaume de Saint-Amour, condamné par le pape Alexandre IV puis expulsé de France par le roi Louis IX pour avoir osé attaquer les ordres mendiants. On le considère de nos jours comme l’un des plus grand érudits de son époque, jusqu’à le comparer à Voltaire.

Oeuvre de Guillaume de Lorris:

Le Roman de la Rose

Le Roman de la Rose est l’un, sinon le plus célèbre et le plus beau, des  romans du moyen âge. Il est certainement le plus représentatif de l’amour courtois, de la philosophie courtoise. Ce qui suppose que l’auteur a bien pris connaissance de « L’Art d’Aimer »  du poète Ovide (l’An 1), et des romans de Christian de Troyes. L’œuvre est née d’une vision imaginaire, allégorique. Le narrateur dans son errance se retrouve dans un jardin secret paradisiaque. Il est captivé par l’une des roses qui s’y trouvent, dont il s’est follement et soudainement épris. Sa seule obsession est dès lors de la cueillir. De Lorris y décrit les désirs et les souffrances de l’Amant, dans une longue quête du cœur d’une jeune fille représentée par cette Rose. Pour y parvenir  il doit faire face à plusieurs épreuves, dans une atmosphère où des forces personnifiées par des allégories se livrent bataille. D’un côté il y a Vénus, Pitié, Largesse et Bel Accueil, de l’autre leur opposées c’est-à-dire Danger, Peur, et surtout Jalousie. Justement la Rose Jalousie va s’en mêler, au moment où le jeune homme embrasse la Rose. Pour protéger la fleur tant convoitée des avances de l’Amoureux, elle l’enferme dans une tour (le Château Jalousie). L’Amant désespéré se retrouve séparé de la Rose, et voit s’éloigner son destin amoureux. Les obstacles de plus en plus difficiles rendent  ses souffrances encore plus atroces. Le Roman de la Rose qui a longtemps gardé sa popularité, est un chef d’œuvre en son genre sur l’Art d’Aimer selon les règles d’une société qui se veut courtoise.

Citations Guillaume de Lorris:

  • Le temps qui ne peut séjourner – Mais va toujours sans retourner – Comme l’eau qui s’écoule toute – Sans que n’en remonte une goutte…
  • Vilenie fait les vilains; – C’est pourquoi il n’est pas juste que je l’aime: – Le vilain est félon, sans pitié, – Sans obligeance et sans amitié.
  • Il est vrai que les épreuves par où doivent passer les amants sont les plus terribles qu’il y ait au monde. Pas plus qu’on ne pourrait épuiser la mer, nul ne saurait énumérer dans un livre les maux de l’amour.
  • Honte, répondit Jalousie, j’ai grand’peur d’être trahie, car Débauche est devenue très puissante. Elle règne partout. Même en abbaye et en cloître, Chasteté n’est plus en sûreté.

JEAN DE MEUNG (1240 -1305 environ)  

Jean de Meung, considéré comme le Voltaire du Moyen Âge, a donné dans sa suite une autre tournure à l’œuvre de Guillaume de Lorris. Au début de cette deuxième partie « Le miroir aux amoureux », l’Amant continue sa quête. Il s’en prend avec acharnement à la  forteresse érigée par Jalousie, et finit par atteindre et cueillir  enfin  la Rose. Mais courtoisie et délicatesse dans le récit il n’y en a plus. L’auteur lui substitue réalisme et la Raison devient plus importante que l’Amour. Le roman devient plus loin une violente satire de la société humaine. Rien n’est épargné : la noblesse, la vie religieuse (ordres monastiques, ordres mendiants et Saint-Siège), la royauté, les institutions établies, les superstitions…  Il fait surtout la part belle aux femmes et leur dangerosité, au mariage, allant jusqu’à exposer les moyens de déjouer leurs pièges selon son « art d’amour » à lui. Ce qui vaut à l’œuvre d’être attaqué un siècle plus tard par Guillaume de Digulleville (Pèlerinage de la vie humaine) et surtout Christine de Pison (Epitre au Dieu d’Amour) à la fin XIV siècle. Celle-ci est à l’origine de la Querelle des Dames, elle a osé défendre la femme qui jouit d’une opinion négative dans une société dominée par les hommes. Jean de Meung est à ce titre le premier à déclencher la toute première querelle féministe de l’histoire.

Autres œuvres de Jean de Meung :

Le livre de Végèce de l’art de chevalerie (1284) : traduction en français de  De Re Militari de Végèce (écrivain romain fin du IV – début du V siècle.

Traduction du latin de  De consolatione philosophiae de Séverin Boèce (philosophe et homme politique romain 470-530).

Testament (entre 1291 et 1296) : contient une satire contre tous les ordres du royaume.

Codicille : il est question des  mystères de la religion. L’ouvrage contient sept articles de foi.

Dodechedron de fortune : L’auteur enseigne à découvrir l’avenir en manipulant un curieux dé (Dodechedron) à 12 faces et 20 angles, une parfaite figure de géométrie.  

Les remontrances de Nature à l’alchimiste errant… : c’est une cantilène de Dame Nature, qui se plaint et dit sa douleur à un alchimiste.

Il est également l’auteur de la première version en français des Épîtres (lettres) d’Abelard et Héloïse. Il a encore traduit Le Livre des merveilles d’Hirlande de Gerald de Barri (ecclésiastique gallois).

Citations de Jean de Meung :

  • Jadis il en allait autrement; maintenant tout va en empirant.
  • Car il n’est femme, si honnête soit-elle, – Vieille ou jeune, mondaine ou nonne, – Il n’est dame si pieuse soit-elle, – Si chaste soit-elle de corps et d’âme, – Si l’on va louant sa beauté, – Qui ne se délecte en écoutant.
  • Toutes, vous autres femmes – … – Vous êtes, vous serez, vous fûtes – De fait, ou de volonté, putes.
  • Les princes ne méritent pas – Qu’un autre annonce leur trépas – Plutôt que la mort d’un autre homme – Leur corps ne vaut pas une pomme.
  • Le mariage est un lien détestable… Nature nous a faits… toutes pour tous et tous pour toutes.
Le Roman de la Rose, chef-d'oeuvre médiéval

Considéré comme l’héritier de Chrétien de Troyes, on connaît peu de chose de cet écrivain français dont la vie se situe en pleine période des romans de la table ronde. Sur le plan littéraire, l’existence de Jean Renart qui se situe entre 1170-80 et 1250 passe presque inaperçue. Ses œuvres nous apportent par déduction quelques brides d’informations, notamment sur les dates d’écriture de ses œuvres et ceux à qui elles sont dédiées. Originaire de l’Oise et d’une famille aristocratique, il reçoit un enseignement clérical. Selon Rita Lejeune, Jean Renart serait son nom de plume. Pour elle il est Hugues de Pierrepont prince-évêque de Liège de 1200 à 1229 et réputé grand chevalier. Ses écrits ne commencent à susciter intérêt qu’à la fin du siècle dernier, pour faire l’objet d’études.

Jean Renart brosse essentiellement un tableau de la société de son temps : ses pontes, ses occupations, ses protagonistes, ses désirs et ses règles. Son réalisme le distingue de ses prédécesseurs et contemporains. Partant d’un conte, il emprunte des fait à la réalité pour donner de la vraisemblance au récit, qu’il amplifie et enrichie pour construire son œuvre. Il introduit des noms de tous les jours, alors qu’avant lui les auteurs attribuaient à leur personnage des noms antiques (romans antiques) ou bretons (romans de la table ronde). Son originalité apparaît également dans la description qu’il fait des villes françaises qu’il lui arrive d’évoquer. Il en fait des lieux animés, attirants et même pittoresques. Il apporte également une nouveauté, en insérant dans ses textes des chansons que dames et chevaliers se font un plaisir de chanter.

Œuvres de Jean Renart :

L’Escoufle (1200-1202):

Ecrite dans le genre fabliaux et roman d’aventure, cette œuvre est dédié à un comte de Hainaut, qui pourrait bien être Baudouin VI comte de Hainaut devenu empereur de Constantinople en 1204 lors de la 4eme croisade. L’auteur nous conte les aventures de Guillaume, fils de Richard un comte imaginaire, et Aleïs fille de l’empereur de Rome et née le même jouir que lui. C’est l’histoire d’un amour contrarié, comme c’était souvent le cas en ce temps, par le père de la fille. Les deux amants pensent s’enfuir pour vivre leur amour, mais entre-temps le garçon perd l’anneau que lui avait offert la fille en gage de son amour. Il a été emporté par un oiseau du nom d’escoufle (milan de nos jours), un rapace à l’époque méprisé et considéré comme porte malheur.Comme s’il voulait mettre l’un et l’autre à l’épreuve, et explorer la profondeur de leurs sentiments. Symbole de leur attachement l’un à l’autre, l’amant doit absolument le retrouver. Commence alors pour lui une quête semée d’embûches de cet anneau, une quête qui les laissent longtemps séparés. L’amour finit par triompher de tous les obstacles, puisque les deux amants se retrouvent et se marient.

Le Lai de l’ombre (1221-1222):

Dédicacé à Milon de Nanteuil évêque élu de Nanteuil, le Lai de l’ombre traite aussi de l’amour courtois. Un élégant chevalier amoureux d’une dame qu’il n’a jamais vu, parie pourtant qu’il allait se faire aimer d’elle. Il la rencontre enfin mais elle repousse ses avances, en refusant l’anneau qu’il lui présente. Devant la résistance de la femme, en galant homme il va trouver un moyen de la convaincre. Il déclare en la regardant tendrement qu’il va alors offrir cet anneau à « celle qu’il aime le plus après la dame », c’est à dire l’image reflétée par l’eau d’un puits. Un geste courtois et subtil qui ne la laisse pas insensible, puisqu’il n’en faut pas plus pour la séduire et la convaincre. Elle accepte l’anneau et accorde son amour au jeune homme.

Le Roman de la Rose ou De Guillaume de Dole (1212-1213)

Selon Rita Lejeune cette grande œuvre serait dédiée à Othon comte de Poitiers, qui deviendra Othon IV empereur du Saint-Empire romain germanique. Il est question aussi de Milon de Nanteuil puisque l’auteur veut en écrivant ce conte que « sa réputation et sa gloire atteignent le pays de Reims en champagne et parviennent jusqu’au beau Milon de Nanteuil, l’un des hommes valeureux de ce siècle ». Le Roman de la Rose a pris le titre de Guillaume de Dole  postérieurement, pour ne pas confondre avec le roman de Guillaume de Loris et Jean de Meun.

Cette œuvre dans laquelle la poésie lyrique est fortement présente, est considérée comme l’une des plus remarquables de l’époque médiévale. L’auteur y a inséré plus de 40 chansons que des trouvères et troubadours ont écrites. Il nous plonge dans le monde de la jalousie et de la chasteté. L’empereur d’Allemagne Conrad est amoureux de Liénor la sœur de Guillaume de Dole, qu’il n’a pourtant connu qu’à travers la chanson d’un trouvère. Il saisit l’opportunité d’un tournoi organisée dans son château, pour inviter le frère à y participer. Jaloux de l’intrus, l’officier de  justice de  la cour (sénéchal) entreprend de torpiller ce rapprochement. Il obtient malicieusement de  la mère de  la fille un détail intime, et va annoncer à l’empereur qu’il ne peut l’épouser car elle s’est donné à lui. La preuve qu’il avance est cette tache de naissance en forme de rose (d’où le titre) sur la cuisse de Liénor, information qu’il a eu de la maman. La malicieuse héroïne va trouver la riposte nécessaire. Usant d’un stratagème, elle va piéger le sénéchal et le désavouer. Elle obtient pour cela la complicité d’une jeune  femme, qu’il n’a en vain cesse de courtiser, pour le faire accuser de viol. La vérité éclate et Conrad épouse la dame, alors que l’officier est puni en l’obligeant à se croiser.

Le Roman de Galerian (1126-1220) :

Inspiré certainement du « Lai de Frêne » un conte de Marie de France, on attribue à Jean Renart également ce merveilleux roman idyllique.

Galeran est le fils du comte de Bretagne. Frêne est une fille abandonnée et séparée de sa sœur jumelle Fleurie par sa mère, et retrouvée sous un arbre d’où son nom. Elle est recueillie pour être élevé avec Galeran dans une Abbaye de Beauséjour par la tante du jeune homme. Ils reçoivent une parfaite éducation, et sont deux modèles d’éducation. Galeran devient dresseur de bête pour la chasse, un excellent cavalier et tireur à l’arc. Elle joue merveilleusement à la harpe et manie bien l’aiguille. Courtois et sages, ils sont en plus tous les d’une rare beauté. Ils sont faits l’un pour l’autre, mais leur amour sans certitude du lendemain va connaître quelques contrariétés.

Galeran apprend que ses parents sont morts, il se rend en Angleterre pour recevoir du roi (son souverain) ses fiefs et succède à son père comme comte de Bretagne. Une séparation qu’ils ont du mal à supporter. De retour l’appel des armes les sépare de nouveau. Lasse des persécutions, des insultes et des  moqueries de son entourage lui suggérant même de se faire nonne, comme si elle était une femme délaissé par le comte de Bretagne, Frênes monte sur une mule et s’en va par les chemins vers l’inconnu. De retour à la maison Galeran apprend la mauvaise nouvelle. Une année durant il envoie des messagers à sa recherche en vain. La croyant disparue à jamais, il se résigne à épouser Fleurie la sœur jumelle de son amie d’enfance. La date des noces est fixée, et la nouvelle parvient jusqu’à Frêne qui ne peut se faire à l’idée que son amoureux prenne une autre femme. Elle se déguise et se rend au château du comte où le mariage est célébré. Elle est reconnue par ses proches, et Galeron déclare que c’est elle qu’il aime devant tous les invités. Les retrouvailles sont forts émouvantes, Frêne triomphe alors que sa sœur Fleurie rentre au couvent.

Quelques écrits sur Jean Renart :

Rita Lejeune, « l’œuvre de Jean Renart » 1935

Rita Lejeune, « Jean Renart, pseudonyme littéraire de l’évêque de Liège, Hugues de Pierrepont »

Nancy Vine Durling, « Jean Renart and the Art of Romance : essays on Guillaume de Dole » 1997.

 

Prise de Constantinople vue par Villehardoin

Biographie :

Chroniqueur et non moins chevalier français, Geoffroi de Villehardoin est né entre 1150- 1154 et 1212-1218 d’une famille noble près de Troyes dans le château de Villehardoin. Il est nommé sénéchal de Champagne à compter de 1185, un peu grâce à ses qualités personnelles. Bon diplomate, orateur et négociateur il est sollicité dans plusieurs affaires administratives et politiques en tant que médiateur et arbitre. Lorsque la quatrième croisade est décidée à l’appel de Foulques de Neuilly, c’est lui qui est envoyé en compagnie de Conon de Béthune  (militant et trouvère) négocier avec le doge de Venise Enrico Dandalo le transport par mer des croisés. Il est placé chef de file de cette croisade, à la faveur de son titre de maréchal de Champagne et y jouera un rôle très important.

Œuvre de Villehardoin :

Histoire de la conquête de Constantinople(1207 – 1212)

Les motivations de l’auteur

C’est en tant que témoin, observateur avisé et participant à la quatrième croisade qu’il est amené à écrire sur cette expérience: Histoire de la conquête de Constantinople (ou encore Chronique des empereurs Baudoin et Henri de Constantinople). Cet ouvrage, le seul qu’on connaisse de lui et qui fait de lui un historien, serait écrit entre 1207 et 1212. Un ouvrage qui restera longtemps sujet à controverse, car directement impliqué son impartialité est remise en cause par certains. On pense notamment à la version qu’il donne du détournement de la croisade de l’Egypte et Jérusalem à Constantinople. Sa partialité ne concerne pas les faits, qu’on considère rapporté le plus rigoureusement possible, mais les responsabilités. Soucieux de faire l’apologie des chefs croisés et de ne pas les froisser, sans mentir il justifie le détournement de cette croisade de ses buts premiers. RB Shaw, Frank Marzials et Colin Morris considèrent quant à eux que globalement, la chronique de Villehardouin peut être considérée comme honnête juste et précise. On pourrait aussi penser que l’auteur a voulu répondre aux nombreuses critiques, dont celle du pape, sur le déroulement de la croisade à laquelle il a pris part activement. En effet il n’omet pas d’écrire que la cohésion de la croisade a été maintenue, grâce aux énormes efforts qu’il a du consentir. Il accuse les barons qui étaient opposés à la tournure qu’ont pris les choses, de vouloir disperser l’armée. La chronique reste malgré tout une production remarquable, qui a en plus le mérite d’être le premier écrit à caractère historiographique. Usant de clarté, de sobriété, de fermeté et d’un style austère, il nous transmet un récit qui est aussi celui d’un grand stratège déplorant les erreurs commises sur le plan miliaire.

La 4e croisade vue par l’auteur

L’œuvre se compose de neuf parties ou livres, dans lesquels l’auteur tente de donner un sens à une croisade qui a failli à sa mission. Dans le premier il nous invite à découvrir les prémices de cette quatrième croisade. Le second se rapporte aux négociations qu’il a lui-même menées auprès de la République de Venise. « Seigneurs, les barons de France les plus hauts et les plus puissants nous ont envoyé à vous. Ils vous supplient de prendre pitié de Jérusalem, qui est en l’esclavage des Turcs, et au nom de Dieu de bien vouloir de leur société pour venger la honte de Jesus Christ. Ils vous ont ici choisis pour cette raison qu’ils savent que nulles gens qui soient sur mer n’ont aussi grand pouvoir que vous et votre nation. Ils nous ont commandé de tomber à vos pieds et de ne pas nous en relever avant que vous vous ayez accordé d’avoir pitié de la Terre Sainte d’outre-mer.

Dans la troisième il révèle l’insuffisance des fonds pour faire face aux obligations contenues dans l’accord conclu. De  nouvelles négociations ont été entamées avec le doge de Venise, pour permettre malgré tout à la croisade de continuer. Il termine en relatant l’embarquement des croisés en août 1202. Dans le suivant il nous rapporte la prise de Zara, qui n’était pas initialement prévu au programme mais exigé par Enrico Dandalo suite à l’insuffisance des fonds récoltés par les croisés pour le payement de la flotte. Il n’omet pas de faire mention de  la colère du pape Innocent III et de nombreux barons, qui n’ont pas apprécié que la croisade soit utilisée pour attaquer des Chrétiens. Dans la cinquième partie on découvre la mission qu’il a accomplie en Grèce. L’arrivée des croisés devant Constantinople est écrite dans le sixième livre, avec son siège qui a duré une semaine avant la capitulation le 18 juillet 1203. Alexis IV obtient alors son couronnement à la tête du premier Empire latin de Constantinople, pour lequel la croisade avait dévié. Certaines pages de cette sixième partie sont considérées comme les plus belles et plus passionnantes de toutes.

Dans les trois derniers livres il fait le récit parfois passionnant, parfois répugnant, de la reconquête de Constantinople et des territoires environnant le 12 avril 1204 suite à l’assassinat d’Alexis IV.  Baudouin de Flandre est couronné à la tête de l’Empire Il nous fait part aussi de la cupidité qui s’est emparé des croisés à ce moment là, avec le pillage de la ville. Nobles et personnes de haut rang français et vénitiens se partagent le meilleur des richesses amassées. Pour lui cette avidité matérielle priva les croisés de l’aide de Dieu.

Quelques écrits sur Villehardoin :

  • « Les écrivains de la Quatrième croisade : Villehardouin et Clari » Dufournet,1073.
  • « Les sires de Villehardouin » Petit,  1913.
  • « Recherches sur la vie de Geoffroy de Villehardouin» et « Catalogue des Actes de Villehardoine ». Bibliothèque de l’Ecole des Hautes Etudes, 1939.
  • « La quête et la croisade. Villehardouin, Clari et le Lancelot en prose ».Hartman, 1977.
  • « Geoffroy de Villehardouin. La question de sa sincérité ». Faral dans Revue historique, 1936
Saint Louis offrant à manger aux pauvres

Philippe II fait face aux Plantagenêts

La lutte de Philippe Auguste (Philippe II), 7eme roi direct de la dynastie capétienne , contre les puissants Plantagenêts permet aux Capétiens de consolider leur pouvoir. La bataille de Bouvines du 27 juillet 1214 qu’il remporte, le rend particulièrement célèbre. Elle avait opposé les forces royales soutenues par Frédéric II du Saint Empire romain germanique et des milices communales, à une force coalisée anglo-germano-flamande. Son fils Louis contribue de son côté, en remportant notamment la victoire de La Roche-aux-Moines contre Jean sans Terre le roi d’Angleterre. Pour sauver l’empire Plantagenêt du désastre causé par le règne de celui-ci (son fils), Aliénor d’Aquitaine fait marier sa petite- fille Blanche de Castille  au jeune Louis. Celui- ci succède à son père Philippe II mort en 1223 après un long règne, et devient Louis VIII.

Louis VIII, un règne trop court

Fort de l’expérience acquise près de son père, Louis VIII veut en finir avec la menace des Plantagenêts sur le règne des Capétiens. Il s’empare successivement du Poitou, de la Saintonge, de l’Angoumois, du Périgord et d’une partie de la Gascogne. Surnommé « Le Lion » pour sa détermination, sa fougue et ses victoires il s’attaque même aux Albigeois à la demande de l’Eglise catholique. Il s’agit de mettre fin au catharisme et au valdéisme, deux mouvements chrétiens qui s’étaient installés en Province et considérés comme hérétiques. Mais le roi tombe soudainement malade lors du siège d’Avignon. De retour à Paris après sa croisade, il meurt emporté par la dysenterie, causée semble t-il par la contamination des sources. Louis VIII qui n’aura régné que trois ans, confie dans son testament la charge du royaume à sa femme Blanche de Castille jusqu’à la majorité de leur fils Louis (12 ans). Celle-ci n’est autre que la fille Aliénor d’Angleterre, et donc petite-fille d’Aliénor d’Aquitaine et d’Henri II Plantagenêt (reine et roi d’Angleterre 1154-1189).

Blanche de Castille assume

Blanche de Castille est bien comme sa grand-mère, très cultivée et expérimentée elle possède toutes les qualités pour assumer une régence. Elle s’entoure de personnes fidèles ayant servi Philippe II et Louis VIII son défunt mari. La reine de France doit en effet faire face à de nombreux ennemis, qui veulent profiter de la situation. Mais c’est la méconnaître. Elle fait prévaloir son autorité à travers les territoires du royaume, et prend le dessus sur ses adversaires. Elle réussit à maintenir la paix civile en attendant que son fils grandisse, et pour lequel elle s’investit pleinement pour en faire un grand souverain et aussi un chevalier chrétien accompli. Celui-ci reçoit alors une éducation des plus strictes, et non moins pieuse. Pour mettre fin aux ambitions de puissants féodaux, elle le fait couronner en 1226 à l’âge de 15 ans. Il coiffe la couronne à sa majorité en avril 1234, et épouse vite Marguerite de Provence. En le liant à la fille de Raymond-Bérenger IV comte de Provence, Blanche de Castille espère ainsi annexer la Provence au domaine royal. Louis devient Louis IX, neuvième roi de la dynastie des Capétiens.

Louis IX ou le roi pieux et juste

Le règne de Louis IX nous est bien connu grâce au chroniqueur Joinville, confident et ami du roi. Légende ou réalité, le règne de celui qui deviendra Saint Louis, est celui qui va marquer l’époque médiévale. D’une grande piété, juste et bon il force le respect de tous, jusqu’à asseoir aisément son autorité que nul ne conteste. A l’écoute du peuple, s’il compatit pour ses malheurs et aux douleurs des plus démunis, il est par contre d’une redoutable sévérité quand il faut. Il fait construire l’hôpital des Quinze-Vingt, pour accueillir les aveugles et atténuer leurs souffrances. Avec lui la notion d’intérêt général prend le pas sur les excès de la féodalité. L’accord de paix qu’il signe avec Henri III (roi d’Angleterre), lui permet de mettre toute son énergie au service de son royaume et du peuple. Avec  sa mère qui s’occupe de la régence en son absence, ils font de la France le royaume le plus prospère et le plus puissant de la chrétienté.

La France prospère sous son règne

Les progrès de l’agriculture notamment permettent au peuple de manger à sa faim. Exagérément pieux jusqu’à être comparé à un moine, il achète la couronne d’épines que Jésus aurait porté lors de sa Passion pour 135 000 livres. Plus que cela, il fait construire la Sainte-Chapelle rien que pour l’abriter avec d’autres reliques qu’il a acquises comme la Sainte Toile, un morceau du linceul, les clous etc… En 1957 il fait bâtir la Sorbonne, qui va devenir un centre de rayonnement des arts et de la vie intellectuelle. Le français devient la seule langue, en plus du latin, qui est comprise un peu partout en Europe. Avec lui apparaît un autre pouvoir, puisqu’il  est à l’origine de la mise en place les bases du système parlementaire. Un grief tout de même, sa  trop grande piété le pousse à des actes cruels et méprisables. Il ordonne de brûler vifs les hérétiques, de percer au  fer rouge la langue des blasphémateurs…

Un roi qui défend la chrétienté

Louis IX c’est aussi un guerrier. En 1242 il s’en va en guerre contre des Seigneurs du Midi et de l’Ouest, qui se sont ligués contre lui soutenus par Henri III. Il triomphe, de quoi calmer les ardeurs des  autres seigneurs turbulents. Il n’hésite pas à partir en croisade quand la chrétienté est menacée. La première en 1248, qui est la septième croisade du genre, s’est non seulement soldée par un cuisant échec mais il est aussi fait prisonnier. Il est libéré contre le payement d’une rançon. Il se croise une seconde fois (8ème croisade) en 1270, seize ans après le retour de sa première. Elle lui est fatale puisqu’il meurt de dysenterie, épuisé par la chaleur et le manque d’eau tout près de Tunis. Il a droit à d’éclatantes obsèques à Paris, avant que sa dépouille n’aille rejoindre la basilique Saint Denis, où se trouvent également les restes des descendants d’Hugues Capet le fondateur de la dynastie capétienne.

Une trentaine d’années années plus tard, le petit-fils Philippe IV le Bel (1285-1314) arrive à obtenir du pape Boniface VIII un procès de canonisation pour son grand-père. Louis IX est canonisé post mortem le 11 août 1297 et devient Saint-Louis.

PS : De l’union de Louis IX avec Béatrice sont nés onze enfants (par ordre de naissance): Louis (mort en 1260), Philippe qui lui succède, Jean (mort en 1248), Jean-Tristan (comte de Nevers), Pierre (comte d’Alençon), Robert (comte de Clermont), Isabelle (mariée à Thibaut, roi de Navarre), Blanche (morte en 1243), Blanche (mariée à l’infant de Castille Ferdinand de La Corda), Marguerite (mariée à Jean Ier duc de Brabant), Agnès (mariée au duc de Bourgogne Robert II).

Arthur tirant Excalibur de la roche

Biographie de l’auteur:

Originaire de Troyes sans doute, il a vécu entre 1135 et 1190 environ. Il est   considéré comme le premier et le plus grand romancier de la littérature française de l’époque médiévale. Le peu qu’on connait de lui vient de ses prologues. Dans celui d’ »Erec et Enide » il se présente au lecteur comme étant   » Crestiens de Troies », avant de préciser dans celui du  » Chevalier de la charrette » qu’il a écrit sur le « comandemant de ma dame de Champagne ». Il s’agit en fait de Marie de Champagne, fille d’Alienor d’Aquitaine et Louis VII reine et roi de France. Ce qui laisse à penser qu’il est poète à la cour de Champagne, où il tient également la fonction d’officier public (héraut d’armes) ou clerc. Il reste néanmoins le protégé de Marie, qui lui dicte presque ce qu’il doit écrire.

Fondateur de la littérature arthurienne (en français), il est celui qui nous restitue le mieux la légende du Roi Arthur et ses héros du cycle de la table ronde issue de la mythologie celtique. Même si avant lui des conteurs et des musiciens colportaient ça et là des légendes celtiques, où les héros souffraient de devoir choisir entre leur devoir moral de chevalier et l’amour. La cour du roi Arthur est le point de départ des aventures des chevaliers, où se mêlent le merveilleux et l’amour, racontées par Troyes. Si dans la chanson de geste, dont la Chanson de Roland (1080) qui rapportent les conquêtes de Charlemagne reste la plus célèbre, le patriotisme est mis en avant au travers des exploits guerriers donc collectifs, chez Troyes les personnages que sont essentiellement les chevaliers sont en quête de reconnaissance personnelle et de découverte des autres. En ce sens il est considéré comme l’un des premiers auteurs de romans de chevalerie, inventeur du roman d’amour où les personnages sont souvent devant le dilemme loyauté chevaleresque – amour qui ne vont pas forcément ensemble.

Œuvres :

Elle tourne donc autour de la légende d’Arthur posé et juste, et qui devient Roi après avoir été le seul à pouvoir arracher l’Excalibur (une épée magique que seul le roi de Bretagne est digne de brandir) planté dans le roc par Merlin. L’Excalibur permet alors au Roi de réaliser des centaines d’exploits, au profit de la Bretagne. Sur conseil de Merlin toujours, il crée une assemblée de chevaliers appelée « Les Chevaliers de la Table Ronde ». La mission de cet ordre est d’accomplir la quête du Graal, le calice dans lequel aurait bu le Christ lors de son dernier repas. Une fois retrouvé, le Graal est sensé assurer la paix et l’harmonie entre les hommes du Royaume. La quête du Saint Graal occupe l’essentiel de la trame, car elle est la plus difficile et la plus grande de l’époque du Roi Arthur.

Erec et Enide (1170) :

Premier ouvrage de l’auteur, il est question de la délicate conciliation entre l’amour et la chevalerie. Erec est considéré comme l’un des plus brillants chevaliers de la table ronde. Une seule rencontre lui suffit pour s’éprendre de la belle Enide. Les deux jeunes personnes se marient sans tarder, et l’époux doit accorder ses devoirs avec sa passion. Ce qu’il réussit à faire temporairement, avant de commencer à négliger armes et chevalerie. Et ce n’est pas sans conséquences, et la crise s’installe. A chaque fois que cela repart sur la bonne voie, cela s’avère éphémère, et la gravité du problème s’accentue. Et Erec repart encore plus déterminé, en quête de ce difficile équilibre entre chevalier aimant et chevalier guerrier…

Cligès (1176):

Originaire de la Grèce, Cligès est fait chevalier par le roi Arthur mais ne peut rester, car la vengeance l’appel dans son pays. Fénice qu’il aime et qui lui était destinée a été marié à l’empereur (oncle de Cligès), qui a ainsi trahi le serment fait à son frère Alexandre (père de Cligès) de ne pas la prendre comme épouse. Bien qu’elle aime Cligès, Fénice refuse de se laisser entrainer dans une relation adultère. Mais le chevalier arrive à trouver réponse à la trahison de son oncle…par une autre trahison…

Lancelot ou le Chevalier de la charrette (1176 à 1181):

Commandé et dédié à Marie de Champagne, fille d’Aliénor et du roi Louis VII, l’œuvre donne une place prépondérante à l’amour courtois. Un chevalier jusque là inconnu veut séduire la reine Guenièvre, la femme même d’Arthur. Pour cela il donne une image de l’amant le plus courtois, et va jusqu’à lui être soumis. Ce qui ne plaît bien à la suzeraine. Alors que celle ci est enlevée par le roi de Gorre, il entreprend un voyage dans un royaume d’où l’on ne revient jamais, pour la délivrer. Pendant qu’il poursuit le ravisseur il perd son cheval. Quitte à perdre son honneur et pour Guenièvre qu’il aime, il n’hésite pas à continuer son périple en charrette (d’où le nom de chevalier de la charrette)…A son retour il devient Lancelot, son courage et sa fidélité lui valent d’intégrer le groupe des Chevaliers de la Table Ronde…La trame de fond tourne autour de l’adultère.

Yvain ou le Chevalier au lion (1178 à 81):

Le sénéchal Keu lance un défi à Yvain, Chevalier de la Table Ronde, de se battre contre le seigneur de la fontaine d’une forêt. Victorieux il assiste aux funérailles et découvre la veuve Laudine, la plus belle femme sans doute du royaume. Lunette la servante use de malice pour persuader la dame d’épouser Yvain, le seul capable de protéger son domaine. Elle accepte et lui offre son cœur et sa main. Mais Yvain a du mal à vivre sans aventures, n’est ce pas le propre de tout chevalier de sacrifier l’amour pour l’aventure? Laudine l’autorise à partir à condition qu’il soit de retour dans une année au plus. Il part avec Gauvain, un autre Chevalier  de la Table Ronde. D’aventure en aventure l’époux oublie sa promesse. Quand il s’’en rappelle une année était déjà passée. Il est alors furieux contre lui-même, quand il apprend que sa femme ne veut plus de lui. Livré à lui-même et en proie à la folie, il traverse plusieurs épreuves, dont celle de tuer un serpent pour sauver lion. Devenus inséparables, Yvain fait preuve héroïsme dans ses combats. Il devient le Chevalier au lion. Lunette va encore user de ruse pour le réconcilier avec Laudine. L’apparition d’un chevalier qui trouble la fontaine, est à l’origine de déchainement de tempêtes incessantes, que seul le Chevalier au lion peut faire cesser. La servante le présente à sa maîtresse, qui découvre que c’est Yvain son mari. L’époux ne jure plus que par l’amour, et renonce à son rôle de chevalier…

Perceval ou le conte du Graal (1181 inachevé) :

C’est la dernière œuvre de l’auteur qui restera inachevée, et dont plusieurs auteurs tenteront une suite. Tout en indiquant qu’elle est commandée par Philippe, comte de Flandre et courtisant de Marie de Champagne, il en fait l’éloge en le qualifiant de « le plus valeureux des hommes qui soit en l’empire de Rome ». Troyes conte les aventures du chevalier Perceval. D’origine noble celui-ci vit avec sa maman en Pays de Galle, dans un refuge en forêt depuis qu’elle a perdu son mari et deux autres enfants. Pour le protéger elle le maintien dans l’ignorance, et loin de la violence du monde extérieur. Jusqu’au jour où il croise des chevaliers, qui passaient par là. Il est tellement ébloui par leurs armes et leurs armures, qu’il décide de se rendre dans la cour du roi Arthur. Désormais il ne vit que pour se faire chevalier par ce souverain. Ses atouts sont le courage (il mène son premier combat et sort vainqueur) et sa beauté (il séduit Blanchefleur qui va l’aider). Un vieux chevalier entreprend de lui apprendre les bonnes manières, les vertus  chevaleresques. Devenu chevalier, il aperçoit le Graal lors de son  passage dans un château mystérieux. Mais il ne réagit pas. Le lendemain il est pris à parti pour n’avoir rien fait, alors que la quête du Graal est la mission principale des chevaliers. Depuis il ne jure que par le Graal. Il  part à sa recherche, mais d’abord il doit retrouver le mystérieux château…

Autres œuvres:

Chrétien de Troyes serait aussi, comme il l’indique dans le prologue de Cligès, l’auteur de cinq traductions-adaptations. Une version de Tristan et Iseult dont on a retrouvé aucune trace, tout comme quatre des cinq versions de l’Ovide.

Quelques citations de Troyes :

  • A femme qui accorde sa bouche accorde sans peine le surplus.
  • Mauvais est l’homme qui oublie honte et vilenie qu’on lui fit.
  • Trop de paroles, péché certain.
  • Chose que l’on dédaigne vaut bien mieux que l’on croit.
  • Le cœur a des pensées que ne dit pas la bouche
  • M’est avis qu’un homme courtois mort vaut mieux que vilain vivant
  • Qui aux dames ne porte honneur c’est qu’il n’a point d’honneur au cœur
  • Ce n’est pas un vain propos, mais une vérité établie :celui qui accepte conseil n’est pas un sot

Écrits  sur l’auteur :

  • Chrétien de Troyes : l’homme et l’œuvre, Jean Frappier (1957)
  • Chrétien de Troyes, Philippe Walter (1997)
  • La littérature Arthurienne, Thierry Delcourt (2000)
  • Chrétien de Troyes, Estelle Doudet (2009)