Arnaut de Mareuil, le poète amoureux

20 Mai 2013 | Publié par mus dans Histoire de la littérature française | Litterature médiévale
La cour d'amour d'Azalaïs
Cours d'amour d'Azelaïs de Burlatz

Arnaut de Mareuil (début 1150-1190)

Biographie :

                    Issu d’une famille noble mais fort humble, ce troubadour voit probablement le jour dans le château de Riberac (Village de Mareuil sur Belle en Dordogne). Il apprend les lettres et le latin mais ne va pas jusqu’au bout. Il se fait clerc un temps, mais se rend vite compte que cela ne lui correspond pas. Elégant et courtois il se lance sur les routes en tant que troubadour, un métier dans lequel il va exceller, pour y chercher par la même fortune. Il accompagne même pendant un temps Richard cœur de Lion dans ses aventures. Cela lui permet de se faire connaître un peu partout, et plus encore en chantant ou récitant ses vers avec une courtoisie et une élégance rarissime en ce temps. Il fait tout pour rencontrer Azalaïs de Burlatz (Béziers) la sœur du roi Louis VII, la fille de Raimond V (comte de Toulouse) et épouse de Roger II Taillefer (vicomte de Béziers) dont on dit qu’elle est d’une exceptionnelle beauté. Sa poésie qui a pour objet cette femme dont il est amoureux, séduit et se propage vite. Il est finalement accueilli à la cour, où il fait étalage de ses chansons d’amour dédiées à son hôtesse qui devient sa protectrice. Mais il suscite la jalousie du roi Alphonse II d’Aragon, non moins troubadour, et lui-même épris d’Azalaïs. Le malheureux est alors congédié, pour ne pas froisser le monarque. Il se rend à Montpellier où Guillaume VIII (seigneur de Montpellier 1 1157 – 1202) le prend sous sa coupe. Mais Arnaud reste inconsolable, joueur il est ruiné et devient pauvre. Il se réfugie à la fin de sa vie dans un monastère à Montpellier même, la mort de son ancienne protectrice en 1202  finit de l’achever.

Aujourd’hui encore se dresse le Pavillon d’Adélaïde, à l’entrée des gorges de l’Agout dans le village de Burlats (Midi-Pyrénée). C’est là que la comtesse Adelaïde ou Azalaïs délaissée par son mari, avait installé sa cour dite « Cour d’Amour » loin de son château seigneurial d’Albi dans le département du Tarn en région Midi-Pyrénées. Elle reçoit des troubadours, dont Arnaud de Mareuil, prélude à la naissance de l’Amour Courtois et surtout le roi d’Aragon.

Œuvres d’Arnaud de Mareuil :

Sur le plan littéraire son activité poétique, qui dure de 1180 à 1200, est peu abondante. Mais elle est d’une qualité qui va forcer l’admiration et influencer la littérature post-médiévale. Il est surtout l’inventeur de la sextine que Dante, Pétrarque et d’autres poètes même contemporains adopteront. C’est un modèle littéraire dans lequel notamment les mots à rime sont les mêmes, mais reviennent alternativement dans un ordre différent. Sa poésie lyrique en occitan nous rappelle à bien des égards son prédécesseur le célèbre troubadour Guillaume IX d’Aquitaine, l’inventeur de la littérature courtoise. Douce et sentimentale elle nous renseigne aussi sur les mœurs de son temps, puisqu’il nous laisse quelques poèmes érotiques.  Il se distingue par ailleurs comme musicien et compositeur. A ce sujet il avait comme chanteur (cantaire) le célèbre jongleur Pistoleta, qui a apporté ses chansons d’un château à un autre et d’un village à un autre.

Le poète, musicien et compositeur nous laisse une œuvre charmante et mélancolique : cinq saluts, vingt cinq chansons et un ensenhamen. Une œuvre qui loue avant tout la beauté et les qualités d’une seule femme, ce qui est rare chez les troubadours.

Les saluts d’amour au nombre de cinq

Arnaud de Mareuil est considéré comme le maître incontesté de ce genre courtois. Ces épîtres (missives) en vers, écrites pour être lues ou récitées devant un auditoire, sont touchantes et d’une qualité romanesque exceptionnelle. Cela ne peut qu’être l’œuvre d’un amoureux passionné qui déclare sa flamme à la comtesse aux yeux de violette qu’il aime. C’est pourquoi ses plaintes sont sincères, et le portrait qu’il fait  d’Adelaïde la comtesse Burlatz est remarquable.

L’épître commence toujours par un salut et des formules de politesse, il finit de la même façon et une réponse est demandée. L’auteur-amant fait part de ses délicieuses insomnies amoureuses et tribulations nocturnes certainement pour émouvoir qui alternent avec de brefs rêves érotiques qu’ils dont il dit « Je n’échangerais pas cette illusion contre une seigneurie. » Ils n’hésitent pas non plus à implorer les faveurs de la comtesse aux yeux de violette qui est tantôt « soleil de mars », tantôt « rose de mai », une autre fois « ombre d’été »… selon les règles de conduite courtoises. Dans ces saluts d’amour, l’influence des poètes latins de l’antiquité Ovide et Virgile est bien visible. Un des saluts dont voici un extrait « Je ferme les yeux et soupire et m’endors en soupirant. Alors mon esprit s’en va tout droit vers vous, ma Dame, qu’il languit de voir. Comme je le désire moi-même, nuit et jour, chaque fois que j’y songe il vous fait à son gré la cour, vous serrant dans ses bras et vous couvrant de baisers et de caresses… », finit par la célèbre citation virgilienne « omnia vinc it amor » (l’amour triomphe de tout). 

Autres extraits:

Il me plaît de sentir l’haleine du vent

En avril, avant que mai n’arrive,

Et que tout au long de la nuit sereine

Chantent le rossignol et le geai…

 

Vous me tourmentez  tant madame, vous et amour,

Que je n’ose vous aimer ni ne puis y renoncer,

L’un me poursuit, l’autre me fait arrêter ;

L’un m’enhardit, l’autre me fait craindre…

Et le visage doux que vous savez tellement ma faire,

Me font tellement vous désirer et convoiter

Et j’agis en fou car je ne sais me séparer de vous…

 

L’allégresse  vient à moi

 Quand les parfums de la brise

Envahissent mon cœur

Elle est plus blanche qu’Hélène

Plus jolie qu’une fleur qui naît,

 Elle est riche, et courtoise,

Cœur pur sans méchanceté,

Nulle part n’est sa pareille…

Ensenhamen (enseignement)

Les ensenhamen sont des livres de conduite qui ont été écrits à l’époque. Ils touchent plusieurs domaines dont l’esprit chevaleresque, la morale sexuelle, les bonnes manières à table… Celui d’Arnaut de Mareuil touche spécialement au domaine dans lequel il excelle : la courtoisie. C’est un petit poème didactique moralisateur écrit en vers et rimes plates, un véritable guide ou code  de  conduite  morale et courtoise à l’adresse des nobles, des bourgeois et des clercs. C’est un véritable enseignement sur leurs devoirs, et surtout sur la courtoisie comme s’il en était le maître.  

Ecrits sur l’auteur :

  • Les poésies lyriques du troubadour Arnaut de Mareuil, Ronald Carlyle Johnston (1935)
  • Les saluts d amour du troubadour Arnaud de Mareuil, Pierre Bec. (1961)
  • Arnaut de Mareuil, L’ensenhamen, Romania 90 (1969)
  • Terre des Troubadours, Gérard Zuchetto (1996)
  • Le Livre d’or des Troubadours, Gérard Zuchetto et Jörn Gruber (1998)

 

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