Jean Renart ou le réalisme médiéval

9 Avr 2013 | Publié par mus dans Histoire de la littérature française | Litterature médiévale
Le Roman de la Rose, chef-d'oeuvre médiéval
Le Roman de la Rose, chef-d'oeuvre médiéval

Considéré comme l’héritier de Chrétien de Troyes, on connaît peu de chose de cet écrivain français dont la vie se situe en pleine période des romans de la table ronde. Sur le plan littéraire, l’existence de Jean Renart qui se situe entre 1170-80 et 1250 passe presque inaperçue. Ses œuvres nous apportent par déduction quelques brides d’informations, notamment sur les dates d’écriture de ses œuvres et ceux à qui elles sont dédiées. Originaire de l’Oise et d’une famille aristocratique, il reçoit un enseignement clérical. Selon Rita Lejeune, Jean Renart serait son nom de plume. Pour elle il est Hugues de Pierrepont prince-évêque de Liège de 1200 à 1229 et réputé grand chevalier. Ses écrits ne commencent à susciter intérêt qu’à la fin du siècle dernier, pour faire l’objet d’études.

Jean Renart brosse essentiellement un tableau de la société de son temps : ses pontes, ses occupations, ses protagonistes, ses désirs et ses règles. Son réalisme le distingue de ses prédécesseurs et contemporains. Partant d’un conte, il emprunte des fait à la réalité pour donner de la vraisemblance au récit, qu’il amplifie et enrichie pour construire son œuvre. Il introduit des noms de tous les jours, alors qu’avant lui les auteurs attribuaient à leur personnage des noms antiques (romans antiques) ou bretons (romans de la table ronde). Son originalité apparaît également dans la description qu’il fait des villes françaises qu’il lui arrive d’évoquer. Il en fait des lieux animés, attirants et même pittoresques. Il apporte également une nouveauté, en insérant dans ses textes des chansons que dames et chevaliers se font un plaisir de chanter.

Œuvres de Jean Renart :

L’Escoufle (1200-1202):

Ecrite dans le genre fabliaux et roman d’aventure, cette œuvre est dédié à un comte de Hainaut, qui pourrait bien être Baudouin VI comte de Hainaut devenu empereur de Constantinople en 1204 lors de la 4eme croisade. L’auteur nous conte les aventures de Guillaume, fils de Richard un comte imaginaire, et Aleïs fille de l’empereur de Rome et née le même jouir que lui. C’est l’histoire d’un amour contrarié, comme c’était souvent le cas en ce temps, par le père de la fille. Les deux amants pensent s’enfuir pour vivre leur amour, mais entre-temps le garçon perd l’anneau que lui avait offert la fille en gage de son amour. Il a été emporté par un oiseau du nom d’escoufle (milan de nos jours), un rapace à l’époque méprisé et considéré comme porte malheur.Comme s’il voulait mettre l’un et l’autre à l’épreuve, et explorer la profondeur de leurs sentiments. Symbole de leur attachement l’un à l’autre, l’amant doit absolument le retrouver. Commence alors pour lui une quête semée d’embûches de cet anneau, une quête qui les laissent longtemps séparés. L’amour finit par triompher de tous les obstacles, puisque les deux amants se retrouvent et se marient.

Le Lai de l’ombre (1221-1222):

Dédicacé à Milon de Nanteuil évêque élu de Nanteuil, le Lai de l’ombre traite aussi de l’amour courtois. Un élégant chevalier amoureux d’une dame qu’il n’a jamais vu, parie pourtant qu’il allait se faire aimer d’elle. Il la rencontre enfin mais elle repousse ses avances, en refusant l’anneau qu’il lui présente. Devant la résistance de la femme, en galant homme il va trouver un moyen de la convaincre. Il déclare en la regardant tendrement qu’il va alors offrir cet anneau à « celle qu’il aime le plus après la dame », c’est à dire l’image reflétée par l’eau d’un puits. Un geste courtois et subtil qui ne la laisse pas insensible, puisqu’il n’en faut pas plus pour la séduire et la convaincre. Elle accepte l’anneau et accorde son amour au jeune homme.

Le Roman de la Rose ou De Guillaume de Dole (1212-1213)

Selon Rita Lejeune cette grande œuvre serait dédiée à Othon comte de Poitiers, qui deviendra Othon IV empereur du Saint-Empire romain germanique. Il est question aussi de Milon de Nanteuil puisque l’auteur veut en écrivant ce conte que « sa réputation et sa gloire atteignent le pays de Reims en champagne et parviennent jusqu’au beau Milon de Nanteuil, l’un des hommes valeureux de ce siècle ». Le Roman de la Rose a pris le titre de Guillaume de Dole  postérieurement, pour ne pas confondre avec le roman de Guillaume de Loris et Jean de Meun.

Cette œuvre dans laquelle la poésie lyrique est fortement présente, est considérée comme l’une des plus remarquables de l’époque médiévale. L’auteur y a inséré plus de 40 chansons que des trouvères et troubadours ont écrites. Il nous plonge dans le monde de la jalousie et de la chasteté. L’empereur d’Allemagne Conrad est amoureux de Liénor la sœur de Guillaume de Dole, qu’il n’a pourtant connu qu’à travers la chanson d’un trouvère. Il saisit l’opportunité d’un tournoi organisée dans son château, pour inviter le frère à y participer. Jaloux de l’intrus, l’officier de  justice de  la cour (sénéchal) entreprend de torpiller ce rapprochement. Il obtient malicieusement de  la mère de  la fille un détail intime, et va annoncer à l’empereur qu’il ne peut l’épouser car elle s’est donné à lui. La preuve qu’il avance est cette tache de naissance en forme de rose (d’où le titre) sur la cuisse de Liénor, information qu’il a eu de la maman. La malicieuse héroïne va trouver la riposte nécessaire. Usant d’un stratagème, elle va piéger le sénéchal et le désavouer. Elle obtient pour cela la complicité d’une jeune  femme, qu’il n’a en vain cesse de courtiser, pour le faire accuser de viol. La vérité éclate et Conrad épouse la dame, alors que l’officier est puni en l’obligeant à se croiser.

Le Roman de Galerian (1126-1220) :

Inspiré certainement du « Lai de Frêne » un conte de Marie de France, on attribue à Jean Renart également ce merveilleux roman idyllique.

Galeran est le fils du comte de Bretagne. Frêne est une fille abandonnée et séparée de sa sœur jumelle Fleurie par sa mère, et retrouvée sous un arbre d’où son nom. Elle est recueillie pour être élevé avec Galeran dans une Abbaye de Beauséjour par la tante du jeune homme. Ils reçoivent une parfaite éducation, et sont deux modèles d’éducation. Galeran devient dresseur de bête pour la chasse, un excellent cavalier et tireur à l’arc. Elle joue merveilleusement à la harpe et manie bien l’aiguille. Courtois et sages, ils sont en plus tous les d’une rare beauté. Ils sont faits l’un pour l’autre, mais leur amour sans certitude du lendemain va connaître quelques contrariétés.

Galeran apprend que ses parents sont morts, il se rend en Angleterre pour recevoir du roi (son souverain) ses fiefs et succède à son père comme comte de Bretagne. Une séparation qu’ils ont du mal à supporter. De retour l’appel des armes les sépare de nouveau. Lasse des persécutions, des insultes et des  moqueries de son entourage lui suggérant même de se faire nonne, comme si elle était une femme délaissé par le comte de Bretagne, Frênes monte sur une mule et s’en va par les chemins vers l’inconnu. De retour à la maison Galeran apprend la mauvaise nouvelle. Une année durant il envoie des messagers à sa recherche en vain. La croyant disparue à jamais, il se résigne à épouser Fleurie la sœur jumelle de son amie d’enfance. La date des noces est fixée, et la nouvelle parvient jusqu’à Frêne qui ne peut se faire à l’idée que son amoureux prenne une autre femme. Elle se déguise et se rend au château du comte où le mariage est célébré. Elle est reconnue par ses proches, et Galeron déclare que c’est elle qu’il aime devant tous les invités. Les retrouvailles sont forts émouvantes, Frêne triomphe alors que sa sœur Fleurie rentre au couvent.

Quelques écrits sur Jean Renart :

Rita Lejeune, « l’œuvre de Jean Renart » 1935

Rita Lejeune, « Jean Renart, pseudonyme littéraire de l’évêque de Liège, Hugues de Pierrepont »

Nancy Vine Durling, « Jean Renart and the Art of Romance : essays on Guillaume de Dole » 1997.

 

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