Jean de Joinville remet son manuscrit à louis X

Jean (Johan), sire de Joinville (1224 à 1225 – 1317):

Biographie :

Connu surtout pour être le biographe du roi Louis IX, Jean de  Joinville naît d’une famille de la noblesse champenoise entre 1224 et 1225. Il est le neuvième seigneur de Joinville. Il  n’a que huit ans quand son père Simon de Joinville décède. Il reste seul avec sa mère Béatrice d’Auxonne (fille d’Etienne II comte de Bourgogne), avant d’être admis à la cour de Thibaut IV (comte de Champagne et célèbre trouvère). Il y reçoit une éducation et une instruction dignes des jeunes nobles de l’époque, courtoise et chevaleresque. Il hérite de son père le titre de sénéchal près de ce même comte. Il participe en 1248 à la septième croisade, plus pour ne pas faillir à la tradition familiale que par conviction religieuse. C’est là qu’il aurait rencontré pour la première fois Louis IX (initiateur de la croisade et futur Saint Louis), événement qui va changer sa vie puisqu’il en devient l’ami et  le conseiller. Une relation qui se renforce avec leur captivité en Orient, quand ils sont faits prisonniers lors de la défaite de Damiette (Egypte) en 1250. La compagnie du roi le transforme radicalement jusqu’à devenir crédule et superstitieux, lui qui aimait le bon vin et s’adonnait aux vices. C’est lui qui négocie avec les templiers la rançon exigée pour leur libération en 1252. De retour à Paris il est souvent présent à la cour assis à côté du roi, en homme désormais pieux et plus admirateur sincère que courtisan du  monarque. Il y tient une place privilégiée comme confident, à tel point que c’est lui qui est chargé de négocier le mariage de la fille de saint Louis (Isabelle) avec le tout jeune Thibaut V (roi de Navarre). Pourtant Joinville refuse de prendre part avec Louis IX à la huitième croisade qu’il désapprouve. Une croisade qui allait être d’ailleurs fatale au roi, puisqu’il y laissera sa vie (25 août 1270 à Tunis). Il s’expliquera en écrivant « Je leur disais ainsi que, si je voulais œuvre selon la volonté de Dieu, je resterais ici pour aider mon peuple et le défendre ; si j’exposais ma personne aux hasards du pèlerinage de la croix, quand je voyais bien clairement que ce serait au mal et au détriment de mes hommes, j’en susciterais la colère de Dieu, qui exposa son corps pour sauver son peuple. » En 1303 il entreprend d’écrire ses mémoires pour répondre aux supplications de Jeanne de Navarre, reine de France, de faire un livre des saintes paroles et des bons faits du Saint roi Louis. Il le fait peut-être un peu par rapport au roi Philippe le Bel, pour lequel il éprouve de la répugnance. Il ne partage point ses pratiques politiques, et lui reproche de s’être éloigné de la ligne de conduite de son prédécesseur Louis IX. La rêne meurt le 2 avril 1305, quatre ans avant que Joinville ne finisse la rédaction de l’ouvrage (1309). Celui-ci est alors dédicacé à son fils Louis X de France (ou Louis le Hutin), futur  roi de France. Lorsque la papauté mène une enquête pour la canonisation de Louis IX (prononcée par Boniface VIII), c’est à lui que les enquêteurs font appel en tant que témoin privilégié de sa vie, confident et conseiller. Il rapporte notamment que l’écuyer du riche homme sire Gragonès est tombé du navire pendant le retour vers les côtes de Provence. Il ne lui restait qu’à prier la Vierge Marie pour son salut. Un miracle selon Joinville se produisit pour son sauvetage. Sans rien tenter, le naufragé s’est retrouvé dans la galère royale qui revenait de la septième croisade. C’est grâce à ce témoignage que Louis IX devient Saint Louis en 1297.

Jean de Joinville meurt le 24 décembre 1317, quarante sept ans après Saint Louis. Pour avoir vécu 93 ans, ce qui exceptionnel pour l’époque, il a vu régner pas moins de six rois : Louis VIII, Louis IX, Philippe III, Philippe IV, Louis X et Philippe V. Son corps repose dans la chapelle Saint-Joseph de l’église Saint-Laurent du château de Joinville.

Œuvres de Jean de Joinville:

Mémoires du sire de Joinville ou  Histoires des faits de notre saint roi Louis:

L’auteur entreprend d’écrire ses mémoires en 1305 (1305 à 1309), en utilisant une langue qu’on peut situer entre le Lorrain et celui d’Ile de France, comme le ferait un chroniqueur. Écrite dans un style simple, l’œuvre est considérée comme l’une des plus anciennes en prose française. Elle est le travail d’une personne qui a une connaissance quasi parfaite du monarque, dont elle est témoin de son règne et de  la vie quotidienne dans la cour. Si le but est clair dès le départ, faire du roi aux vertus incontestées un modèle et un exemple pour  ses successeurs, Joinville fait preuve d’objectivité puisqu’il n’est pas seulement élogieux. La sincérité dans le compte rendu des faits, donne à l’œuvre une valeur historique incontestable. Le récit est tellement objectif que l’on dit que quiconque n’a pas lu Joinville ne connait ni Saint Louis ni le XIIIe siècle. Ces mémoires font de Louis IX  le roi de France le plus connu, et enrichissent la langue française d’un bon nombre de tournures particulières qui seront  utilisées par toutes les générations à venir.

L’auteur commence son récit par une biographie de Louis IX. Il rapporte ses saintes paroles, et le présente comme très pieux, généreux, sobre, juste et proche de son peuple. Les bons enseignements du saint roi occupent une bonne place. Selon lui le roi se comportait comme un prédicateur, puisque ses paroles porteuses de messages moraux et religieux étaient destinées à renforcer la foi de ses interlocuteurs. Il apporte également un éclairage sur l’exercice du pouvoir et les devoirs de la royauté, tels qu’il les concevait et les exauçait.

Les faits rapportés n’épargnent ni le roi ni le clergé, quand il considère qu’ils ont failli. Il reproche entre autres au roi son insensibilité à l’égard de la reine, ses colères, ses réactions disproportionnées lors de deuils, sa foi enflammée et à la limite du fanatisme…

Il nous raconte dans une seconde partie bien plus longue les faits d’armes du roi, puisqu’il était aussi guerrier. La 7eme croisade d’abord à  laquelle il a participée, mais sans jamais faire part de ses motivations. On sait qu’elles n’étaient pas d’ordre  religieux puisqu’à l’époque Joinville n’était pas encore porté sur la piété, et c’est peut-être cela qui le gênait d’en parler. Le séjour en Egypte (croisade), les hauts faits du roi et de ses chevaliers et sa captivité avec le souverain occupent une bonne partie du récit. Il n’omet pas de relever le courage de la reine pendant tout ce temps, qui a assumé la responsabilité de la poursuite de l’expédition au printemps 1250.

La 8eme croisade à laquelle il n’a pas prit part, et au cours de  laquelle Louis IX est décédé, nous est rapportée grâce au concours de Pierre comte d’Alençon et 5eme fils du roi. Ces deux expéditions et surtout sa mort pour la chrétienté, ont élevé son prestige que les capétiens ont voulu exploiter à travers l’œuvre de Joinville. Notons enfin que Jean de  Joinville fait également une part  belle à sa personne dans son récit. Il nous fait part de ses combats en Orient et ses blessures, ses actions, ses contributions…nous renseignant  ainsi sur les manières de penser, de sentir et d’être d’un homme de cette époque.

Voici un extrait de la dédicace de Joinville en remettant le livre au roi Louis X : «  Au nom de Dieu tout puissant, moi Jean, sire de Joinville, sénéchal de Champagne, fais écrire la vie de notre saint roi Louis IX, ce que j’ai vu et entendu pendant l’espace de six ans au cours desquels je me suis trouvé en sa compagnie au pèlerinage d’outre-mer et après notre retour. Et avant de vous raconter ses hauts faits et sa conduite de chevalier, je vous raconterai ce que j’ai vu et entendu de ses saintes paroles et de ses bons enseignements, afin qu’on puisse les trouver les uns après les autres pour l’édification de ceux qui les entendront… »

Il est clair compte tenu du titre réel « Le Livre des saintes paroles et des bons faits de notre roi Saint Louis » et de cette dédicace, que de Joinville espère bien que le jeune roi va prendre exemple de son grand-père Saint Louis.

Le Credo ou Li romans as ymages des poinz de nostre foi:

On a aussi de Joinville un Credo écrit en 1250 à Acre (Syrie), juste après son retour de captivité, et refait en 1287. Ecrit en prose, il s’agit d’un petit manuel destiné aux fidèles pour leur procurer le salut des âmes. Pour ramener les gens à la foi, il tente de révéler la vérité en s’appuyant sur les prophéties et l’ancien testament avec des images à l’appui. La profondeur de sa foi, qui reste cependant assez loin du fanatisme affiché par son suzerain, est bien affirmé dans ce petit ouvrage. Il y fait une exposition (présence de miniatures), commente et explique  les symboles (Credo) des apôtres. C’est une profession de foi chrétienne dont « je crois en Dieu, le Père tout-puissant, et en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui est né su Saint-Esprit et de la Vierge Marie… »

La lettre au roi Louis X (1315 :

La lettre que de Joinville  adressé à Louis X en 1315 n’est pas également sans intérêt. Alors âgé de 90 ans il reçoit de son suzerain une convocation, au même titre que tous les barons, pour une expédition punitive contre le comte de Flandre qui refuse de prêter l’hommage qu’il doit à son roi. Dans sa  réponse écrite en prose le 8 juin 1315, Jean explique que son âge ne lui permettra pas d’arriver à temps, mais qu’il allait s’y rendre…La lettre originale est conservée au département des manuscrits occidentaux de la Bibliothèque nationale

Epitaphe à son bisaïeule Geoffroi de Joinville (1311) :

Bien curieuse et longue inscription, gravée sur une pierre à côté du tombeau du défunt à l’abbaye de Clairvaux. Il retrace également la généalogie des seigneurs de sa famille. C’est comme un hommage à Geoffroy III, sénéchal du comte Henri le Libérateur, premier prince de Joinville à s’être distingué en croisade.

Hommages :

Sur sa tombe est gravé au XVIIe siècle l’inscription « ingenium (intelligence), candidum (loyal, droit, honnête), affabile (affable) et amabile (aimable) »

Jean de Joinville figurent parmi les 86 statues des Hommes illustres ou Hommes célèbres de France, installées en 1850 autour de la cour Napoléon du Palais du Louvre.

Autre hommage, une statue de bronze est élevée en 1861 à Joinville, sa ville natale.

Quelques écrits sur Joinville :

« Essai sur l’histoire de la généalogie des sires de Joinville (1008-1386) accompagné de chartes », Jules Simonnet 1875.

« Essai sur l’histoire de la généalogie des sires de Joinville (1008-1386) accompagné de chartes »,  Jules Simonnet 1875.

« Jean de Joinville et les seigneurs de Joinville »,  H. F. Delaborde 1894.

« Jean, sire de Joinville », dans Histoire littéraire de la France, Paris 1898.

« Le Credo de Joinville », dans « La vie en France au Moyen Âge », Langlois 1928

« Les seigneurs de Joinville, Humblot 1964.

« Joinville’s Histoire de saint Louis », Billson 1980.

« Joinville, historien de la Croisade ? », dans Les champenois et la Croisade », Strubel 1989.

« Etude des mentalités médiévales », Menard 1989.

« Joinville et l’Orient », L’écrit dans la société médiévale, J. Monfrin 1991

« La méthode historique de Joinville et la réécriture des Grandes chroniques de France » , Boutet 1998.

« Armorial et généalogie des seigneurs et des princes de Joinville et autres Joinvillois », François Membre 2012.

 

 

Jeanne d’Arc et la guerre de Cent Ans

avril 29th, 2013 | Posted by mus in Le Moyen Âge -
Jeanne d'Arc à Orléans
La Guerre de Cent Ans (de 1337 à 1453) :
Avant d’être une guerre entre nations, la Guerre de Cent Ans (plus précisément 116 ans) est un conflit qui oppose deux dynasties. D’un côté celle des Capétiens souverains en France, de l’autre les Plantagenêts qui règnent en Angleterre mais qui possèdent l’Aquitaine. Une possession qui fait des rois d’Angleterre des vassaux de ceux de France. A l’origine des nombreuses hostilités entrecoupées de trêves et qui se déroulent sur le sol français, deux raisons essentielles:
Naissance d’une dynastie anglo-normande:
Le 5 janvier 1066 le roi d’Angleterre Edouard dit le Confesseur pour sa grande piété meurt. Harold Godwinson s’empare de la couronne. Guillaume II, dit Guillaume le Conquérant pour ses conquêtes, qui considère que la succession lui revient convoque les grands barons de Normandie. Il obtient leur soutien pour conquérir le royaume d’Angleterre par la force. La même année il s’en empare et devient le roi Guillaume 1er d’Angleterre. Une dynastie anglo-normande est née. Mais son titre de duc de Normandie fait qu’il reste vassal du roi de France. Un statut de roi vassal d’un autre roi qui pose problème. Les Plantagenêts étendent leur puissance et leur influence avec l’arrivée d’Henri II sur le trône d’Angleterre. Déjà duc de Normandie, Comte d’Anjou, du Maine et de Touraine, Aliéanor d’Aquitaine qu’il épouse lui apporte l’Aquitaine. Une menace pour le règne des Capétiens sur le royaume de France, à laquelle Louis VIII puis Philippe II Auguste entreprennent de mettre fin, ne leur laissant qu'une partie de l'Aquitaine, dont la Guyenne.
Une guerre de succession aussi 
Philippe le Bel décède le 29 novembre 1314. Ses trois enfants Louis X (meurt sans héritiers mâles), Philippe V et Charles IV lui succèdent successivement. La dynastie des Capétiens directs s’achève avec la mort de ce dernier en 1328. Cette situation va ouvrir la voie à des querelles. Il a bien une sœur du nom d’Isabelle de France, mais elle ne peut hériter du trône. Un code de loi (la loi salique établie dès le début du règne capétien avec Clovis) exclut de toute succession au trône de France les princesses et leurs héritiers. Isabelle qu’on surnomme la Louve de France avait épousé en 1308 le roi d’Angleterre Edouard II, décédé une année avant Charles IV (septembre 1327). Son fils Edouard III lui succède. Deux hommes sont prétendants au trône d France : Philippe de Valois neveu de Philippe le Bel côté lignée masculine, et Edouard III par la lignée féminine (sa mère Isabelle de France).
Le choix de la noblesse française va vers Philippe VI de Valois cousin germain du défunt roi, pour les motifs qu’il est du pays et plus mûr. Et puis peut-on placer sur le trône de France un noble anglais, fusse t-il un héritier de Guillaume le Conquérant duc de Normandie puis roi d’Angleterre ? Edouard III qui venait juste de monter sur le trône d’Angleterre, et dont le pouvoir n’est pas encore stable ne proteste pas même s’il plus proche du roi en tant que neveu. Du moins pour l’instant, surtout qu’il a toujours ses possessions en Guyenne (Aquitaine) qui font de lui vassal du souverain français. Celui-ci lui rappelle d’ailleurs qu’il lui doit hommage. Une situation offensante qui fait rechigner de l’autre côté de la Manche. Philippe VI décide finalement de déchoir son rival d’Angleterre qui ne veut plus du duché Guyenne, c'est-à-dire la dernière possession des Plantagenêts en France. Edouard est fou de rage, de Wetminster (7 octobre 1337) il s‘autoproclame roi de France et défie publiquement le souverain français. C’est le premier prétexte de ce qui va être la guerre de cents ans. Cinq souverains de chaque côté de la manche et trois générations vont se trouver plus d’un siècle durant plongés dans des troubles et des combats.
Faits marquants de la guerre de Cent Ans
Edouard III envahie la Thiérache :
Déchu du duché de Guyenne par Philippe VI pour avoir cessé de le reconnaître comme suzerain, Edouard III attaque en 1339 l’Ecluse (port flamand aujourd’hui Sluis) dans l’ancienne Thiérache. Il  écrase la flotte française, et envahie toute la région ravageant tout sur son passage. Une trêve est signée une année plus tard pour une durée de cinq ans. Mais en 1341 Français et Anglais sont de nouveau en conflit, mais indirectement. Après la mort du duc Jean III, deux hommes se disputent le duché de Bretagne. Le premier est soutenu par le roi de France : Charles de Blois le revendique car sa femme n’est autre que Jeanne de Penthièvre (nièce de Jean III). Le second est soutenu par Edouard III : Jean de Montmort (mari de Jeanne de Flandres), veut la succession en tant que frère de Jean III. Le clan Jean de Montmort-Jeanne de Flandres et les Anglais sont vainqueurs.
La bataille de Crécy (26 août 1346)
Après une trêve de quelques années, Edouard III déclenche de nouveau les hostilités en 1346. Son fils Édouard d'Angleterre, prince de Galles, dit le Prince Noir (pour la tenue qu’il arbore) participe alors qu’il n’a que 16 ans. Il débarque cette fois dans le Cotentin et envahie la Normandie. Il marche même sur Paris, mais devant l’impressionnante armée de Philippe VI il fait un repli plutôt tactique. C’est à Crécy dans la Somme qu’il décide de monter son campement, et d’attendre les Français. Sachant que ceux-ci vont être épuisé par la marche, lui Il profite pour faire reposer ses troupes et s’approvisionner en vivres. Le 26 août le roi de France et ses hommes sont en vue. Parlant des volées de flèches anglaise qui s’abattent sur les Français, Jean Froissart chroniqueur médiéval disait « Ce semblait neige ». Mieux organisée et disciplinée, l’armée d’Edouard III remporte la bataille de Crécy. Après cette victoire, il s’en va faire le siège à Calais pour créer une tête de pont.
La grande peste
Alors que la France souffre des combats, des pillages et de la famine plus que l’Angleterre du fait que cette guerre se déroule sur son sol, un autre fléau vient semer la mort. La peste envahie l’Italie et le Sud de la France ramenée d’Orient par les bateaux marchands génois. Très vite elle se propage vers le nord et touche toute la France, l’Allemagne, l’Angleterre etc. Accusés de propager la maladie en contaminant l’eau, les Juifs et les lépreux sont massacrés. Des pénitents mettent ce fléau sur le compte de la colère de Dieu, et invitent la population à expier ses fautes. En 1350 en pleine épidémie Philippe VI décède. Son fils Jean le Bon lui succède donc en pleine tourmente, et doit faire face à cette situation ravageuse et continuer la lutte contre le roi d’Angleterre alors que les moyens manquent. De 1348 à 1353 ce qui est alors qualifié de peste noire, tue 25 millions de personnes soit le tiers de la population européenne. Seules les régions montagneuses, et à un degré moindre les campagnes, sont épargnées. Jean le Bon hérite donc d’une situation catastrophique, aggravée par la  menace du Prince Noir sur le royaume de France. Il convoque les états généraux en 1356, durant lesquels il est décidé de réunir les fonds et de lever une armée.
La bataille de Poitiers (19 septembre 1356)
Jean II le Bon monte son armée pour se lancer à la poursuite du Prince Noir, et le stopper dans sa chevauchée dévastatrice à travers la France. Les butins de celui-ci sont considérables. En 1356 le Plantagenêt se lance dans une expédition de pillage des Pays de Loire. Le roi de France a trop laissé faire, il marche enfin vers le sud à la poursuite d’Edouard d’Angleterre. Avec deux fois plus d’hommes il est sur, trop sur même, de lui. Ce qui va lui être fatal car il ne prévoit rien, ne fait  pas de calculs, fonce sans aucune véritable stratégie. Le Prince Noir plus prudent l’attend tranquillement au sud de Poitiers, où il met en place la même stratégie qu’à Crécy. Les deux armées se retrouvent de nouveau face à face le 19 septembre 1356. La bravoure du roi de France, roi le plus puissant de la Chrétienté, n’est pas suffisante d’autant plus que des nobles fuient le champ de bataille dès les premières charges. La bataille tourne vite en faveur d’Edouard, dont les archers écrasent l’armée française. Encerclés Jean II le Bon, son fils Philippe le Hardi et quelques fidèles sont obligés de se rendre. Une défaite bien plus humiliante que celle de Crécy. Ils sont conduits à Bordeaux, avant d’être emprisonnés dans la Tour de Londres. La France est alors plongée dans le chaos, et le royaume capétien va vivre une grave crise tout le temps que durera la captivité du roi. Celui-ci finit par proposer au roi d’Angleterre, en échange de sa libération, 4 millions d’écus d’or et la restitution de toutes les possessions des Plantagenêts (duché d’Aquitaine). Lors du traité Brétigny-Calais en 1360 Edouard III obtient même plus : le Périgord, le Quercy, la Bigorre, le Limousin, le Rouergue, le Poitou, la Saintonge, l’Angoumois et le comté d’Armagnac. En contrepartie il renonce à revendiquer la couronne de France. Le souverain français paye une partie de la rançon, mais des otages dont son fils Louis d’Anjou sont retenus jusqu’à payement de la totalité. Pour célébrer sa libération Jean le Bon crée le franc, une pièce représentant le roi à cheval, alors qu’Edouard est  nommé prince d’Aquitaine par son père.
Ne pouvant payer le reste des écus d’or, Jean le Bon se rend à Londres fin décembre 1363 et se constitue prisonnier. Il espère renégocier le traité de Brétigny mais il tombe malade quelques jours après son arrivée. Il meurt le 8 avril 1364 en captivité à l’hôtel de Savoie. Rapatrié, son corps est inhumé dans la basilique Saint-Denis.
La bataille d’Azincourt (25 octobre 1415)
L’assassinat de Louis d’Orléans en 1407 sur ordre de Jean sans Peur, crée un conflit entre Armagnacs et Bourguignons et déchire la France. La folie du roi Charles VI fragilise encore plus le royaume. Une situation dont profite le roi d’Angleterre Henri V (fils d’Henri IV) considéré comme un usurpateur, car il a assassiné Richard II  (héritiers des Plantagenêts) pour s’emparer du trône. Non seulement il remet  en cause la trêve conclue en 1396 entre son prédécesseur Richard II et Charles VI, mais il revendique carrément le trône de France. Il demande la main de sa fille Catherine, qui lui est refusé. Henri V s’est trouvé des prétextes d’aller en guerre. A la tête d’une armée d’environ 11 000 hommes, il débarque en Normandie le 13 août 1415, fort du soutien du duc de Bourgogne qui a des comptes à régler avec Louis duc d’Orléans (Armagnac). Les combats et surtout les maladies lui font perdre une partie de son effectif après la prise de Harfleur en septembre. Il décide de se retrancher à Calais chargé de butins, pour reprendre des forces et attendre le printemps pour continuer sa conquête. Il est rattrapé près d’Azincourt (ex Agincourt) par les troupes françaises fortes de quelques 30 000 hommes, qui cherchent à lui barrer la route de Calais. Après une nuit très pluvieuse, persuadés que la victoire est pour eux en raison de leur écrasante supériorité numérique, les chevaliers foncent sur les lignes anglaises pour contrer les redoutables archers gallois. Les chevaux  s’embourbent dans des terrains fraîchement retournés. Ils continuent à pied sans aucune organisation, engagent un combat au corps à corps. Une fois de plus l’organisation anglaise, et la force de frappe des archers triomphent. La bataille s’achève alors que la chevalerie française est décimée, Henri V s’empare de la Normandie.
La bataille d’Azincourt est considérée comme l’une des plus meurtrières du Moyen-âge.  On dénombre 10 000 morts côté français dont de nombreux barons, la moitié côté anglais. Charles d’Orléans neveu  du roi de France est fait prisonnier et restera 25 ans en Angleterre.  Après le massacre commis à Harfleur,  Henri V de Lancastre ordonne même de tuer les prisonniers (utilisés habituellement pour demander des rançons), et  d’achever les centaines de blessés restés sur le champ de bataille. Ce qui fait de lui un véritable criminel de guerre du Moyen-âge.
Le siège d’Orléans
Pour venger l’assassinat de Louis 1er d’Orléans (duc d’Orléans) survenu le 23 novembre 1407 à Paris, deux proches conseillers de Charles l'héritier du trône de France assassinent à Montereau le 10 septembre 1419 Jean sans Peur (duc de Bourgogne, comte de Flandre, d’Artois…). Celui-ci avait éliminé son rival d’Orléans car devenu amant de la reine Isabeau de Bavière, il avait ses faveurs et donc de plus en plus de pouvoir. Charles VI le Fou et sa femme déshéritent leur fils Charles commanditaire du crime. Celui-ci serait fils illégitime du duc d’Orléans et d’Isabeau. Affaiblie par la défaite d’Azincourt, la France n’avait pas besoin d’une nouvelle querelle entre Bourguignons et Armagnacs, qui se disputaient déjà le pouvoir au sein de la régence présidée par la reine depuis que le roi est mentalement atteint. Autres conséquences, Philippe III le Bon (successeur de Jean sans Peur) fait alliance avec les Anglais alors qu' Henri V d’Angleterre (un Plantagenêt) est reconnu au traité de Troyes le 21 mai 1420 comme héritier de la couronne de France. La France n’existe plus. Le 21 octobre 1422 Charles VI décède, son fils Henri VI jeune lui succède. Mais son frère Charles VII (dit « le Victorieux ») déshérité par ses parents se proclame roi de France de Bourges. Le roi d’Angleterre de son côté veut la couronne, conformément au traité de Troyes. Il débarque en Normandie et l’occupe. Profitant de la faiblesse du nouveau roi de France, démuni et sans soutiens, il marche sur Orléans. C’est une   importante cité notamment sur le plan stratégique, bien défendue car entourée de remparts elle ne tient qu’un pont sur la Loire. Il en fait le siège avec ses alliés Bourguignons le 12 octobre 1428, sachant que sa chute lui faciliterait la conquête de tout le pays. Jean (dit Dunois) demi-frère du duc Charles d’Orléans, prisonnier en Angleterre depuis Azincourt, défend la ville du mieux qu’il peut et avec courage. Orléans est tout près de la reddition, le roi sur le point de renoncer quand un « miracle » se produit. Une femme du nom de Jeanne arrive dans la ville, elle prétend avoir une mission divine. Elle aurait entendu les voix de l’archange Saint Michel, de Sainte Catherine et de sainte Marguerite lui demandant de chasser les Anglais et de mener  Charles VII sur le trône de France.
Jeanne d’Arc délivre Orléans
Jeanne est une jeune fille de Lorraine, qui se dit envoyée de Dieu pour sauver la France. A 17 ans alors qu’Orléans est sous le siège, elle s’en va à Chinon rencontrer Charles VII le 25 février 1429. Celui-ci qui finit par croire en sa mission divine la confie à Jean d’Aulan, un bon écuyer, pour faire son éducation militaire. Elle prend ensuite la tête d’une armée de 4 000 hommes et fonce sur Orléans. Chemin faisant des centaines d’hommes armées se joignent à elle. Elle réussit le 29 avril à s’infiltrer dans Orléans qui n’est ceinturé que par une douzaine de bastilles anglaises car il aurait fallu beaucoup plus d’hommes pour fermer les trois kilomètres de remparts. Elle prend vite la situation en main. Elle défile en compagnie de Jean Dunois (dit le Bâtard d’Orléans) qui défend la cité depuis des mois. La population assiégée reprend confiance. Avant d’engager une quelconque action contre les Anglais, elle tente une solution pacifique en leur envoyant le message  « vous, hommes d’Angleterre, qui n’avez aucun droit en ce royaume, le roi des Cieux vous mande et ordonne, par moi, Jeanne la Pucelle, que vous quittiez vos bastilles et retourniez en votre pays… » dont il se moque.
Jeanne commence à attaquer les bastilles l’une après l’autre dès le lendemain, obligeant les Anglais à s’y réfugier  Ne pouvant plus communiquer entre eux, ils paniquent et beaucoup se jettent dans la Loire. Le dernier assaut, durant lequel la Pucelle est blessée par une flèche à l’épaule, est donné le 7 mai au petit matin. Le soir l’assaut contre la bastille entraîne la mort du capitaine Glasdale qui se noie dans la Loire. Le capitaine John Talbot, commandant de l’armée anglaise, décide le lendemain 8 mai de lever le siège et se retire. Le 13 mai suivant, Jeanne d’Arc accueille Charles VII.
Sacre de Charles VII et atroce fin de Jeanne d’Arc
L’avènement de Jeanne a surtout le mérite de redonner confiance aux Français et à leur armée, complètement désorientés et perdus depuis l’occupation anglaise. Orléans délivré et forts de cette exploit, certains préconisent de continuer sur la lancée pour chasser les Anglais de France. Ce n’est pas l’avis de Jeanne d’Arc qui pense qu’il est plus urgent de donner un roi légitime à la France, qui conduira la suite des opérations. Charles VII prend la route de Reims avec le jeune fille à la tête d’une armée pour organiser le sacre du roi. Ils atteignent la ville le 16 juillet 1429, après une chevauchée périlleuse en terre sous contrôle Anglo-bourguignons. La cérémonie se déroule le lendemain dans la cathédrale de Reims, où sont sacrés tous les rois de France. Le rituel est vieux de quatre siècles. La main sur l’Evangile le roi prononce le serment selon lequel il respectera la justice et la loi, défendra l’Eglise et son Peuple, en particulier les veuves et les orphelins, de tous les ennemis, de l’intérieur comme de l’extérieur. Sept ans après la mort de son père, l’héritier des Valois Charles VII devient le seul roi légitime des Français, au grand regret de l’héritier des Plantagenêts Henri V. A l’issue du sacre Jeanne se jette en larme à ses pieds : « O gentil roi, maintenant est fait le plaisir de Dieu, qui voulait que je fisse lever le siège d'Orléans et que je vous amenasse en votre cité de Reims recevoir votre saint sacre, montrant que vous êtes vrai roi, et qu'à vous doit appartenir le royaume de France».
Jeanne d’Arc décide alors de marcher sur Paris tenue par les Bourguignons, pour continuer sa mission.  Elle est capturée le 23 mai 1430, sous les remparts de Compiègne, par le bourguignon Jean de Luxembourg. Elle restera emprisonnée six mois durant, avant qu'il ne la cède aux Anglais pour 10 000 livres. Son procès pour hérésie s’ouvre début février de l’année suivante, et va durer jusqu’à la fin mars. Le roi ne fait aucun geste pour elle. Pierre Cauchon (évêque de Beauvais) instruit, avec l’aide d’un tribunal formé de clercs fidèles aux Anglo-Bourguignons, un procès joué d’avance. Elle refuse devant ses juges qui la pressent, de renier les voix qu’elle affirme avoir entendues. Elle lance à leur face « Je sais bien que ces Anglais me feront mourir, parce qu’ils croient après ma mort gagner le royaume de France. Mais seraient-ils cent mille Godons de plus qu’ils ne sont à présent, ils n’auront pas le royaume ». Condamnée au bûcher, elle est brûlée vive à  Rouen (Haute-Normandie) sur la place du Vieux-Marché le 30 mai 1431. Elle paye de sa vie l’humiliation qu’elle a infligée aux Anglais, pour qui la pucelle est envoyée  par le diable. Elle n’a pas encore vingt ans.
PS : En 1909 Jeanne d’Arc est béatifiée, avant d’être canonisée comme Sainte le 16 mai 1920 sous le pontificat de Benoit XV.
Reconquête de la France, et fin de la guerre.
Fort de sa légitimité, Charles VII entreprend la conquête du royaume, mais non sans avoir au préalable mis fin au conflit entre Bourguignons et Armagnacs pour unifier les rangs. Le duc de Bourgogne Philippe le Bon signe le 21 septembre 1435  le traité d’Arras que lui soumet le nouveau souverain. Il met un terme à son alliance avec Henri V d’Angleterre et à la guerre civile, en échange de nouvelles terres. L’année d’après Paris se démarque des Anglais, alors que la Normandie qui a le plus souffert de cette guerre de cent ans se soulève en 1449. En avril 1450 la bataille de Formigny permet de récupérer la basse vallée de la Seine. Il ne reste aux Anglais que leur ancienne possession la Guyenne (Aquitaine), acquise avec le mariage d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri II d’Angleterre.
Favorable aux Anglais, les Gascons demandent l’aide du roi Henri VI pour empêcher l’armée  royale de Charles VI de prendre Bordeaux. Le capitaine John Talbot arrive dans la ville le 20 octobre 1452 à la tête 3 000 hommes. Il est suivi peu de temps après par 2 000 autres menés par son propre fils. Ils se retrouvent à Castillon le 17 juillet 1453 face à une armée franco-bretonne forte d’environ 10 000 hommes, équipée en plus d’une  puissante artillerie. La bataille qui s’en suit, celle de Castillon est meurtrière. Elle se solde par une nouvelle victoire des Français le 20 du même mois. Trois mois plus tard Bordeaux se rend, et les Anglais quittent les lieux après avoir perdu  Talbot et des milliers d’hommes. Cette même année de 1453 à l’Est de l’Europe, Constantinople  (précédemment Byzance capitale de l’Empire romain d’Orient) tombe aux  mains des Ottomans. Le Moyen Âge va  progressivement laisser place à la Renaissance.
Il faut attendre plus d’une vingtaine d’années, pour  qu’il soit officiellement mis un terme à la guerre de Cent Ans. Le traité de Picquigny est signé le 29 août 1475. Louis XI dit le Prudent (fils de Charles VII et  Marie d’Anjou),  et son homologue d’Angleterre Edouard IV  (fils de Richard  Plantagenêt et Cécile Neville)  successeur d’Henri VI en sont les signataires. Néanmoins les rois d’Angleterre  ne renonceront au  titre de «rois  de France » qu’avec George III en 1802, cinq cents ans plus tard.
 
 
L'Amant pénètre dans le sanctuaire

GUILLAUME de LORRIS (vers 1200- vers 1240) 

Biographie

Poète français du Moyen Âge, on ne sait pas grand-chose de lui à part qu’il est né vers 1200 à Lorris dans le Gâtinais. Il aurait étudié à la Faculté des Arts d’Orléans. Issu de la noblesse, il était le protégé de Guillaume III comte de Poitiers. Il est connu pour « Le roman de la Rose » l’un des tous derniers écrits ayant pour thème l’amour courtois. Mort jeune, il n’a pas eu le temps d’achever cette unique œuvre (environ 4000 vers seulement).

Jean de Meung se chargera quarante ans plus tard (entre 1269 et 1278) d’écrire une suite pour en faire un long roman (22 000 vers). De son vrai nom Jean Clopinel, il est né à Meung-sur-Loire. Il fait des études à l’Université de Paris, où il passe d’ailleurs l’essentiel de sa vie. Il est également connu pour avoir été un défenseur  acharné de Guillaume de Saint-Amour, condamné par le pape Alexandre IV puis expulsé de France par le roi Louis IX pour avoir osé attaquer les ordres mendiants. On le considère de nos jours comme l’un des plus grand érudits de son époque, jusqu’à le comparer à Voltaire.

Oeuvre de Guillaume de Lorris:

Le Roman de la Rose

Le Roman de la Rose est l’un, sinon le plus célèbre et le plus beau, des  romans du moyen âge. Il est certainement le plus représentatif de l’amour courtois, de la philosophie courtoise. Ce qui suppose que l’auteur a bien pris connaissance de « L’Art d’Aimer »  du poète Ovide (l’An 1), et des romans de Christian de Troyes. L’œuvre est née d’une vision imaginaire, allégorique. Le narrateur dans son errance se retrouve dans un jardin secret paradisiaque. Il est captivé par l’une des roses qui s’y trouvent, dont il s’est follement et soudainement épris. Sa seule obsession est dès lors de la cueillir. De Lorris y décrit les désirs et les souffrances de l’Amant, dans une longue quête du cœur d’une jeune fille représentée par cette Rose. Pour y parvenir  il doit faire face à plusieurs épreuves, dans une atmosphère où des forces personnifiées par des allégories se livrent bataille. D’un côté il y a Vénus, Pitié, Largesse et Bel Accueil, de l’autre leur opposées c’est-à-dire Danger, Peur, et surtout Jalousie. Justement la Rose Jalousie va s’en mêler, au moment où le jeune homme embrasse la Rose. Pour protéger la fleur tant convoitée des avances de l’Amoureux, elle l’enferme dans une tour (le Château Jalousie). L’Amant désespéré se retrouve séparé de la Rose, et voit s’éloigner son destin amoureux. Les obstacles de plus en plus difficiles rendent  ses souffrances encore plus atroces. Le Roman de la Rose qui a longtemps gardé sa popularité, est un chef d’œuvre en son genre sur l’Art d’Aimer selon les règles d’une société qui se veut courtoise.

Citations Guillaume de Lorris:

  • Le temps qui ne peut séjourner – Mais va toujours sans retourner – Comme l’eau qui s’écoule toute – Sans que n’en remonte une goutte…
  • Vilenie fait les vilains; – C’est pourquoi il n’est pas juste que je l’aime: – Le vilain est félon, sans pitié, – Sans obligeance et sans amitié.
  • Il est vrai que les épreuves par où doivent passer les amants sont les plus terribles qu’il y ait au monde. Pas plus qu’on ne pourrait épuiser la mer, nul ne saurait énumérer dans un livre les maux de l’amour.
  • Honte, répondit Jalousie, j’ai grand’peur d’être trahie, car Débauche est devenue très puissante. Elle règne partout. Même en abbaye et en cloître, Chasteté n’est plus en sûreté.

JEAN DE MEUNG (1240 -1305 environ)  

Jean de Meung, considéré comme le Voltaire du Moyen Âge, a donné dans sa suite une autre tournure à l’œuvre de Guillaume de Lorris. Au début de cette deuxième partie « Le miroir aux amoureux », l’Amant continue sa quête. Il s’en prend avec acharnement à la  forteresse érigée par Jalousie, et finit par atteindre et cueillir  enfin  la Rose. Mais courtoisie et délicatesse dans le récit il n’y en a plus. L’auteur lui substitue réalisme et la Raison devient plus importante que l’Amour. Le roman devient plus loin une violente satire de la société humaine. Rien n’est épargné : la noblesse, la vie religieuse (ordres monastiques, ordres mendiants et Saint-Siège), la royauté, les institutions établies, les superstitions…  Il fait surtout la part belle aux femmes et leur dangerosité, au mariage, allant jusqu’à exposer les moyens de déjouer leurs pièges selon son « art d’amour » à lui. Ce qui vaut à l’œuvre d’être attaqué un siècle plus tard par Guillaume de Digulleville (Pèlerinage de la vie humaine) et surtout Christine de Pison (Epitre au Dieu d’Amour) à la fin XIV siècle. Celle-ci est à l’origine de la Querelle des Dames, elle a osé défendre la femme qui jouit d’une opinion négative dans une société dominée par les hommes. Jean de Meung est à ce titre le premier à déclencher la toute première querelle féministe de l’histoire.

Autres œuvres de Jean de Meung :

Le livre de Végèce de l’art de chevalerie (1284) : traduction en français de  De Re Militari de Végèce (écrivain romain fin du IV – début du V siècle.

Traduction du latin de  De consolatione philosophiae de Séverin Boèce (philosophe et homme politique romain 470-530).

Testament (entre 1291 et 1296) : contient une satire contre tous les ordres du royaume.

Codicille : il est question des  mystères de la religion. L’ouvrage contient sept articles de foi.

Dodechedron de fortune : L’auteur enseigne à découvrir l’avenir en manipulant un curieux dé (Dodechedron) à 12 faces et 20 angles, une parfaite figure de géométrie.  

Les remontrances de Nature à l’alchimiste errant… : c’est une cantilène de Dame Nature, qui se plaint et dit sa douleur à un alchimiste.

Il est également l’auteur de la première version en français des Épîtres (lettres) d’Abelard et Héloïse. Il a encore traduit Le Livre des merveilles d’Hirlande de Gerald de Barri (ecclésiastique gallois).

Citations de Jean de Meung :

  • Jadis il en allait autrement; maintenant tout va en empirant.
  • Car il n’est femme, si honnête soit-elle, – Vieille ou jeune, mondaine ou nonne, – Il n’est dame si pieuse soit-elle, – Si chaste soit-elle de corps et d’âme, – Si l’on va louant sa beauté, – Qui ne se délecte en écoutant.
  • Toutes, vous autres femmes – … – Vous êtes, vous serez, vous fûtes – De fait, ou de volonté, putes.
  • Les princes ne méritent pas – Qu’un autre annonce leur trépas – Plutôt que la mort d’un autre homme – Leur corps ne vaut pas une pomme.
  • Le mariage est un lien détestable… Nature nous a faits… toutes pour tous et tous pour toutes.
Le Roman de la Rose, chef-d'oeuvre médiéval

Considéré comme l’héritier de Chrétien de Troyes, on connaît peu de chose de cet écrivain français dont la vie se situe en pleine période des romans de la table ronde. Sur le plan littéraire, l’existence de Jean Renart qui se situe entre 1170-80 et 1250 passe presque inaperçue. Ses œuvres nous apportent par déduction quelques brides d’informations, notamment sur les dates d’écriture de ses œuvres et ceux à qui elles sont dédiées. Originaire de l’Oise et d’une famille aristocratique, il reçoit un enseignement clérical. Selon Rita Lejeune, Jean Renart serait son nom de plume. Pour elle il est Hugues de Pierrepont prince-évêque de Liège de 1200 à 1229 et réputé grand chevalier. Ses écrits ne commencent à susciter intérêt qu’à la fin du siècle dernier, pour faire l’objet d’études.

Jean Renart brosse essentiellement un tableau de la société de son temps : ses pontes, ses occupations, ses protagonistes, ses désirs et ses règles. Son réalisme le distingue de ses prédécesseurs et contemporains. Partant d’un conte, il emprunte des fait à la réalité pour donner de la vraisemblance au récit, qu’il amplifie et enrichie pour construire son œuvre. Il introduit des noms de tous les jours, alors qu’avant lui les auteurs attribuaient à leur personnage des noms antiques (romans antiques) ou bretons (romans de la table ronde). Son originalité apparaît également dans la description qu’il fait des villes françaises qu’il lui arrive d’évoquer. Il en fait des lieux animés, attirants et même pittoresques. Il apporte également une nouveauté, en insérant dans ses textes des chansons que dames et chevaliers se font un plaisir de chanter.

Œuvres de Jean Renart :

L’Escoufle (1200-1202):

Ecrite dans le genre fabliaux et roman d’aventure, cette œuvre est dédié à un comte de Hainaut, qui pourrait bien être Baudouin VI comte de Hainaut devenu empereur de Constantinople en 1204 lors de la 4eme croisade. L’auteur nous conte les aventures de Guillaume, fils de Richard un comte imaginaire, et Aleïs fille de l’empereur de Rome et née le même jouir que lui. C’est l’histoire d’un amour contrarié, comme c’était souvent le cas en ce temps, par le père de la fille. Les deux amants pensent s’enfuir pour vivre leur amour, mais entre-temps le garçon perd l’anneau que lui avait offert la fille en gage de son amour. Il a été emporté par un oiseau du nom d’escoufle (milan de nos jours), un rapace à l’époque méprisé et considéré comme porte malheur.Comme s’il voulait mettre l’un et l’autre à l’épreuve, et explorer la profondeur de leurs sentiments. Symbole de leur attachement l’un à l’autre, l’amant doit absolument le retrouver. Commence alors pour lui une quête semée d’embûches de cet anneau, une quête qui les laissent longtemps séparés. L’amour finit par triompher de tous les obstacles, puisque les deux amants se retrouvent et se marient.

Le Lai de l’ombre (1221-1222):

Dédicacé à Milon de Nanteuil évêque élu de Nanteuil, le Lai de l’ombre traite aussi de l’amour courtois. Un élégant chevalier amoureux d’une dame qu’il n’a jamais vu, parie pourtant qu’il allait se faire aimer d’elle. Il la rencontre enfin mais elle repousse ses avances, en refusant l’anneau qu’il lui présente. Devant la résistance de la femme, en galant homme il va trouver un moyen de la convaincre. Il déclare en la regardant tendrement qu’il va alors offrir cet anneau à « celle qu’il aime le plus après la dame », c’est à dire l’image reflétée par l’eau d’un puits. Un geste courtois et subtil qui ne la laisse pas insensible, puisqu’il n’en faut pas plus pour la séduire et la convaincre. Elle accepte l’anneau et accorde son amour au jeune homme.

Le Roman de la Rose ou De Guillaume de Dole (1212-1213)

Selon Rita Lejeune cette grande œuvre serait dédiée à Othon comte de Poitiers, qui deviendra Othon IV empereur du Saint-Empire romain germanique. Il est question aussi de Milon de Nanteuil puisque l’auteur veut en écrivant ce conte que « sa réputation et sa gloire atteignent le pays de Reims en champagne et parviennent jusqu’au beau Milon de Nanteuil, l’un des hommes valeureux de ce siècle ». Le Roman de la Rose a pris le titre de Guillaume de Dole  postérieurement, pour ne pas confondre avec le roman de Guillaume de Loris et Jean de Meun.

Cette œuvre dans laquelle la poésie lyrique est fortement présente, est considérée comme l’une des plus remarquables de l’époque médiévale. L’auteur y a inséré plus de 40 chansons que des trouvères et troubadours ont écrites. Il nous plonge dans le monde de la jalousie et de la chasteté. L’empereur d’Allemagne Conrad est amoureux de Liénor la sœur de Guillaume de Dole, qu’il n’a pourtant connu qu’à travers la chanson d’un trouvère. Il saisit l’opportunité d’un tournoi organisée dans son château, pour inviter le frère à y participer. Jaloux de l’intrus, l’officier de  justice de  la cour (sénéchal) entreprend de torpiller ce rapprochement. Il obtient malicieusement de  la mère de  la fille un détail intime, et va annoncer à l’empereur qu’il ne peut l’épouser car elle s’est donné à lui. La preuve qu’il avance est cette tache de naissance en forme de rose (d’où le titre) sur la cuisse de Liénor, information qu’il a eu de la maman. La malicieuse héroïne va trouver la riposte nécessaire. Usant d’un stratagème, elle va piéger le sénéchal et le désavouer. Elle obtient pour cela la complicité d’une jeune  femme, qu’il n’a en vain cesse de courtiser, pour le faire accuser de viol. La vérité éclate et Conrad épouse la dame, alors que l’officier est puni en l’obligeant à se croiser.

Le Roman de Galerian (1126-1220) :

Inspiré certainement du « Lai de Frêne » un conte de Marie de France, on attribue à Jean Renart également ce merveilleux roman idyllique.

Galeran est le fils du comte de Bretagne. Frêne est une fille abandonnée et séparée de sa sœur jumelle Fleurie par sa mère, et retrouvée sous un arbre d’où son nom. Elle est recueillie pour être élevé avec Galeran dans une Abbaye de Beauséjour par la tante du jeune homme. Ils reçoivent une parfaite éducation, et sont deux modèles d’éducation. Galeran devient dresseur de bête pour la chasse, un excellent cavalier et tireur à l’arc. Elle joue merveilleusement à la harpe et manie bien l’aiguille. Courtois et sages, ils sont en plus tous les d’une rare beauté. Ils sont faits l’un pour l’autre, mais leur amour sans certitude du lendemain va connaître quelques contrariétés.

Galeran apprend que ses parents sont morts, il se rend en Angleterre pour recevoir du roi (son souverain) ses fiefs et succède à son père comme comte de Bretagne. Une séparation qu’ils ont du mal à supporter. De retour l’appel des armes les sépare de nouveau. Lasse des persécutions, des insultes et des  moqueries de son entourage lui suggérant même de se faire nonne, comme si elle était une femme délaissé par le comte de Bretagne, Frênes monte sur une mule et s’en va par les chemins vers l’inconnu. De retour à la maison Galeran apprend la mauvaise nouvelle. Une année durant il envoie des messagers à sa recherche en vain. La croyant disparue à jamais, il se résigne à épouser Fleurie la sœur jumelle de son amie d’enfance. La date des noces est fixée, et la nouvelle parvient jusqu’à Frêne qui ne peut se faire à l’idée que son amoureux prenne une autre femme. Elle se déguise et se rend au château du comte où le mariage est célébré. Elle est reconnue par ses proches, et Galeron déclare que c’est elle qu’il aime devant tous les invités. Les retrouvailles sont forts émouvantes, Frêne triomphe alors que sa sœur Fleurie rentre au couvent.

Quelques écrits sur Jean Renart :

Rita Lejeune, « l’œuvre de Jean Renart » 1935

Rita Lejeune, « Jean Renart, pseudonyme littéraire de l’évêque de Liège, Hugues de Pierrepont »

Nancy Vine Durling, « Jean Renart and the Art of Romance : essays on Guillaume de Dole » 1997.

 

Prise de Constantinople vue par Villehardoin

Biographie :

Chroniqueur et non moins chevalier français, Geoffroi de Villehardoin est né entre 1150- 1154 et 1212-1218 d’une famille noble près de Troyes dans le château de Villehardoin. Il est nommé sénéchal de Champagne à compter de 1185, un peu grâce à ses qualités personnelles. Bon diplomate, orateur et négociateur il est sollicité dans plusieurs affaires administratives et politiques en tant que médiateur et arbitre. Lorsque la quatrième croisade est décidée à l’appel de Foulques de Neuilly, c’est lui qui est envoyé en compagnie de Conon de Béthune  (militant et trouvère) négocier avec le doge de Venise Enrico Dandalo le transport par mer des croisés. Il est placé chef de file de cette croisade, à la faveur de son titre de maréchal de Champagne et y jouera un rôle très important.

Œuvre de Villehardoin :

Histoire de la conquête de Constantinople(1207 – 1212)

Les motivations de l’auteur

C’est en tant que témoin, observateur avisé et participant à la quatrième croisade qu’il est amené à écrire sur cette expérience: Histoire de la conquête de Constantinople (ou encore Chronique des empereurs Baudoin et Henri de Constantinople). Cet ouvrage, le seul qu’on connaisse de lui et qui fait de lui un historien, serait écrit entre 1207 et 1212. Un ouvrage qui restera longtemps sujet à controverse, car directement impliqué son impartialité est remise en cause par certains. On pense notamment à la version qu’il donne du détournement de la croisade de l’Egypte et Jérusalem à Constantinople. Sa partialité ne concerne pas les faits, qu’on considère rapporté le plus rigoureusement possible, mais les responsabilités. Soucieux de faire l’apologie des chefs croisés et de ne pas les froisser, sans mentir il justifie le détournement de cette croisade de ses buts premiers. RB Shaw, Frank Marzials et Colin Morris considèrent quant à eux que globalement, la chronique de Villehardouin peut être considérée comme honnête juste et précise. On pourrait aussi penser que l’auteur a voulu répondre aux nombreuses critiques, dont celle du pape, sur le déroulement de la croisade à laquelle il a pris part activement. En effet il n’omet pas d’écrire que la cohésion de la croisade a été maintenue, grâce aux énormes efforts qu’il a du consentir. Il accuse les barons qui étaient opposés à la tournure qu’ont pris les choses, de vouloir disperser l’armée. La chronique reste malgré tout une production remarquable, qui a en plus le mérite d’être le premier écrit à caractère historiographique. Usant de clarté, de sobriété, de fermeté et d’un style austère, il nous transmet un récit qui est aussi celui d’un grand stratège déplorant les erreurs commises sur le plan miliaire.

La 4e croisade vue par l’auteur

L’œuvre se compose de neuf parties ou livres, dans lesquels l’auteur tente de donner un sens à une croisade qui a failli à sa mission. Dans le premier il nous invite à découvrir les prémices de cette quatrième croisade. Le second se rapporte aux négociations qu’il a lui-même menées auprès de la République de Venise. « Seigneurs, les barons de France les plus hauts et les plus puissants nous ont envoyé à vous. Ils vous supplient de prendre pitié de Jérusalem, qui est en l’esclavage des Turcs, et au nom de Dieu de bien vouloir de leur société pour venger la honte de Jesus Christ. Ils vous ont ici choisis pour cette raison qu’ils savent que nulles gens qui soient sur mer n’ont aussi grand pouvoir que vous et votre nation. Ils nous ont commandé de tomber à vos pieds et de ne pas nous en relever avant que vous vous ayez accordé d’avoir pitié de la Terre Sainte d’outre-mer.

Dans la troisième il révèle l’insuffisance des fonds pour faire face aux obligations contenues dans l’accord conclu. De  nouvelles négociations ont été entamées avec le doge de Venise, pour permettre malgré tout à la croisade de continuer. Il termine en relatant l’embarquement des croisés en août 1202. Dans le suivant il nous rapporte la prise de Zara, qui n’était pas initialement prévu au programme mais exigé par Enrico Dandalo suite à l’insuffisance des fonds récoltés par les croisés pour le payement de la flotte. Il n’omet pas de faire mention de  la colère du pape Innocent III et de nombreux barons, qui n’ont pas apprécié que la croisade soit utilisée pour attaquer des Chrétiens. Dans la cinquième partie on découvre la mission qu’il a accomplie en Grèce. L’arrivée des croisés devant Constantinople est écrite dans le sixième livre, avec son siège qui a duré une semaine avant la capitulation le 18 juillet 1203. Alexis IV obtient alors son couronnement à la tête du premier Empire latin de Constantinople, pour lequel la croisade avait dévié. Certaines pages de cette sixième partie sont considérées comme les plus belles et plus passionnantes de toutes.

Dans les trois derniers livres il fait le récit parfois passionnant, parfois répugnant, de la reconquête de Constantinople et des territoires environnant le 12 avril 1204 suite à l’assassinat d’Alexis IV.  Baudouin de Flandre est couronné à la tête de l’Empire Il nous fait part aussi de la cupidité qui s’est emparé des croisés à ce moment là, avec le pillage de la ville. Nobles et personnes de haut rang français et vénitiens se partagent le meilleur des richesses amassées. Pour lui cette avidité matérielle priva les croisés de l’aide de Dieu.

Quelques écrits sur Villehardoin :

  • « Les écrivains de la Quatrième croisade : Villehardouin et Clari » Dufournet,1073.
  • « Les sires de Villehardouin » Petit,  1913.
  • « Recherches sur la vie de Geoffroy de Villehardouin» et « Catalogue des Actes de Villehardoine ». Bibliothèque de l’Ecole des Hautes Etudes, 1939.
  • « La quête et la croisade. Villehardouin, Clari et le Lancelot en prose ».Hartman, 1977.
  • « Geoffroy de Villehardouin. La question de sa sincérité ». Faral dans Revue historique, 1936
Saint Louis offrant à manger aux pauvres

Philippe II fait face aux Plantagenêts

La lutte de Philippe Auguste (Philippe II), 7eme roi direct de la dynastie capétienne , contre les puissants Plantagenêts permet aux Capétiens de consolider leur pouvoir. La bataille de Bouvines du 27 juillet 1214 qu’il remporte, le rend particulièrement célèbre. Elle avait opposé les forces royales soutenues par Frédéric II du Saint Empire romain germanique et des milices communales, à une force coalisée anglo-germano-flamande. Son fils Louis contribue de son côté, en remportant notamment la victoire de La Roche-aux-Moines contre Jean sans Terre le roi d’Angleterre. Pour sauver l’empire Plantagenêt du désastre causé par le règne de celui-ci (son fils), Aliénor d’Aquitaine fait marier sa petite- fille Blanche de Castille  au jeune Louis. Celui- ci succède à son père Philippe II mort en 1223 après un long règne, et devient Louis VIII.

Louis VIII, un règne trop court

Fort de l’expérience acquise près de son père, Louis VIII veut en finir avec la menace des Plantagenêts sur le règne des Capétiens. Il s’empare successivement du Poitou, de la Saintonge, de l’Angoumois, du Périgord et d’une partie de la Gascogne. Surnommé « Le Lion » pour sa détermination, sa fougue et ses victoires il s’attaque même aux Albigeois à la demande de l’Eglise catholique. Il s’agit de mettre fin au catharisme et au valdéisme, deux mouvements chrétiens qui s’étaient installés en Province et considérés comme hérétiques. Mais le roi tombe soudainement malade lors du siège d’Avignon. De retour à Paris après sa croisade, il meurt emporté par la dysenterie, causée semble t-il par la contamination des sources. Louis VIII qui n’aura régné que trois ans, confie dans son testament la charge du royaume à sa femme Blanche de Castille jusqu’à la majorité de leur fils Louis (12 ans). Celle-ci n’est autre que la fille Aliénor d’Angleterre, et donc petite-fille d’Aliénor d’Aquitaine et d’Henri II Plantagenêt (reine et roi d’Angleterre 1154-1189).

Blanche de Castille assume

Blanche de Castille est bien comme sa grand-mère, très cultivée et expérimentée elle possède toutes les qualités pour assumer une régence. Elle s’entoure de personnes fidèles ayant servi Philippe II et Louis VIII son défunt mari. La reine de France doit en effet faire face à de nombreux ennemis, qui veulent profiter de la situation. Mais c’est la méconnaître. Elle fait prévaloir son autorité à travers les territoires du royaume, et prend le dessus sur ses adversaires. Elle réussit à maintenir la paix civile en attendant que son fils grandisse, et pour lequel elle s’investit pleinement pour en faire un grand souverain et aussi un chevalier chrétien accompli. Celui-ci reçoit alors une éducation des plus strictes, et non moins pieuse. Pour mettre fin aux ambitions de puissants féodaux, elle le fait couronner en 1226 à l’âge de 15 ans. Il coiffe la couronne à sa majorité en avril 1234, et épouse vite Marguerite de Provence. En le liant à la fille de Raymond-Bérenger IV comte de Provence, Blanche de Castille espère ainsi annexer la Provence au domaine royal. Louis devient Louis IX, neuvième roi de la dynastie des Capétiens.

Louis IX ou le roi pieux et juste

Le règne de Louis IX nous est bien connu grâce au chroniqueur Joinville, confident et ami du roi. Légende ou réalité, le règne de celui qui deviendra Saint Louis, est celui qui va marquer l’époque médiévale. D’une grande piété, juste et bon il force le respect de tous, jusqu’à asseoir aisément son autorité que nul ne conteste. A l’écoute du peuple, s’il compatit pour ses malheurs et aux douleurs des plus démunis, il est par contre d’une redoutable sévérité quand il faut. Il fait construire l’hôpital des Quinze-Vingt, pour accueillir les aveugles et atténuer leurs souffrances. Avec lui la notion d’intérêt général prend le pas sur les excès de la féodalité. L’accord de paix qu’il signe avec Henri III (roi d’Angleterre), lui permet de mettre toute son énergie au service de son royaume et du peuple. Avec  sa mère qui s’occupe de la régence en son absence, ils font de la France le royaume le plus prospère et le plus puissant de la chrétienté.

La France prospère sous son règne

Les progrès de l’agriculture notamment permettent au peuple de manger à sa faim. Exagérément pieux jusqu’à être comparé à un moine, il achète la couronne d’épines que Jésus aurait porté lors de sa Passion pour 135 000 livres. Plus que cela, il fait construire la Sainte-Chapelle rien que pour l’abriter avec d’autres reliques qu’il a acquises comme la Sainte Toile, un morceau du linceul, les clous etc… En 1957 il fait bâtir la Sorbonne, qui va devenir un centre de rayonnement des arts et de la vie intellectuelle. Le français devient la seule langue, en plus du latin, qui est comprise un peu partout en Europe. Avec lui apparaît un autre pouvoir, puisqu’il  est à l’origine de la mise en place les bases du système parlementaire. Un grief tout de même, sa  trop grande piété le pousse à des actes cruels et méprisables. Il ordonne de brûler vifs les hérétiques, de percer au  fer rouge la langue des blasphémateurs…

Un roi qui défend la chrétienté

Louis IX c’est aussi un guerrier. En 1242 il s’en va en guerre contre des Seigneurs du Midi et de l’Ouest, qui se sont ligués contre lui soutenus par Henri III. Il triomphe, de quoi calmer les ardeurs des  autres seigneurs turbulents. Il n’hésite pas à partir en croisade quand la chrétienté est menacée. La première en 1248, qui est la septième croisade du genre, s’est non seulement soldée par un cuisant échec mais il est aussi fait prisonnier. Il est libéré contre le payement d’une rançon. Il se croise une seconde fois (8ème croisade) en 1270, seize ans après le retour de sa première. Elle lui est fatale puisqu’il meurt de dysenterie, épuisé par la chaleur et le manque d’eau tout près de Tunis. Il a droit à d’éclatantes obsèques à Paris, avant que sa dépouille n’aille rejoindre la basilique Saint Denis, où se trouvent également les restes des descendants d’Hugues Capet le fondateur de la dynastie capétienne.

Une trentaine d’années années plus tard, le petit-fils Philippe IV le Bel (1285-1314) arrive à obtenir du pape Boniface VIII un procès de canonisation pour son grand-père. Louis IX est canonisé post mortem le 11 août 1297 et devient Saint-Louis.

PS : De l’union de Louis IX avec Béatrice sont nés onze enfants (par ordre de naissance): Louis (mort en 1260), Philippe qui lui succède, Jean (mort en 1248), Jean-Tristan (comte de Nevers), Pierre (comte d’Alençon), Robert (comte de Clermont), Isabelle (mariée à Thibaut, roi de Navarre), Blanche (morte en 1243), Blanche (mariée à l’infant de Castille Ferdinand de La Corda), Marguerite (mariée à Jean Ier duc de Brabant), Agnès (mariée au duc de Bourgogne Robert II).

Arthur tirant Excalibur de la roche

Biographie de l’auteur:

Originaire de Troyes sans doute, il a vécu entre 1135 et 1190 environ. Il est   considéré comme le premier et le plus grand romancier de la littérature française de l’époque médiévale. Le peu qu’on connait de lui vient de ses prologues. Dans celui d’ »Erec et Enide » il se présente au lecteur comme étant   » Crestiens de Troies », avant de préciser dans celui du  » Chevalier de la charrette » qu’il a écrit sur le « comandemant de ma dame de Champagne ». Il s’agit en fait de Marie de Champagne, fille d’Alienor d’Aquitaine et Louis VII reine et roi de France. Ce qui laisse à penser qu’il est poète à la cour de Champagne, où il tient également la fonction d’officier public (héraut d’armes) ou clerc. Il reste néanmoins le protégé de Marie, qui lui dicte presque ce qu’il doit écrire.

Fondateur de la littérature arthurienne (en français), il est celui qui nous restitue le mieux la légende du Roi Arthur et ses héros du cycle de la table ronde issue de la mythologie celtique. Même si avant lui des conteurs et des musiciens colportaient ça et là des légendes celtiques, où les héros souffraient de devoir choisir entre leur devoir moral de chevalier et l’amour. La cour du roi Arthur est le point de départ des aventures des chevaliers, où se mêlent le merveilleux et l’amour, racontées par Troyes. Si dans la chanson de geste, dont la Chanson de Roland (1080) qui rapportent les conquêtes de Charlemagne reste la plus célèbre, le patriotisme est mis en avant au travers des exploits guerriers donc collectifs, chez Troyes les personnages que sont essentiellement les chevaliers sont en quête de reconnaissance personnelle et de découverte des autres. En ce sens il est considéré comme l’un des premiers auteurs de romans de chevalerie, inventeur du roman d’amour où les personnages sont souvent devant le dilemme loyauté chevaleresque – amour qui ne vont pas forcément ensemble.

Œuvres :

Elle tourne donc autour de la légende d’Arthur posé et juste, et qui devient Roi après avoir été le seul à pouvoir arracher l’Excalibur (une épée magique que seul le roi de Bretagne est digne de brandir) planté dans le roc par Merlin. L’Excalibur permet alors au Roi de réaliser des centaines d’exploits, au profit de la Bretagne. Sur conseil de Merlin toujours, il crée une assemblée de chevaliers appelée « Les Chevaliers de la Table Ronde ». La mission de cet ordre est d’accomplir la quête du Graal, le calice dans lequel aurait bu le Christ lors de son dernier repas. Une fois retrouvé, le Graal est sensé assurer la paix et l’harmonie entre les hommes du Royaume. La quête du Saint Graal occupe l’essentiel de la trame, car elle est la plus difficile et la plus grande de l’époque du Roi Arthur.

Erec et Enide (1170) :

Premier ouvrage de l’auteur, il est question de la délicate conciliation entre l’amour et la chevalerie. Erec est considéré comme l’un des plus brillants chevaliers de la table ronde. Une seule rencontre lui suffit pour s’éprendre de la belle Enide. Les deux jeunes personnes se marient sans tarder, et l’époux doit accorder ses devoirs avec sa passion. Ce qu’il réussit à faire temporairement, avant de commencer à négliger armes et chevalerie. Et ce n’est pas sans conséquences, et la crise s’installe. A chaque fois que cela repart sur la bonne voie, cela s’avère éphémère, et la gravité du problème s’accentue. Et Erec repart encore plus déterminé, en quête de ce difficile équilibre entre chevalier aimant et chevalier guerrier…

Cligès (1176):

Originaire de la Grèce, Cligès est fait chevalier par le roi Arthur mais ne peut rester, car la vengeance l’appel dans son pays. Fénice qu’il aime et qui lui était destinée a été marié à l’empereur (oncle de Cligès), qui a ainsi trahi le serment fait à son frère Alexandre (père de Cligès) de ne pas la prendre comme épouse. Bien qu’elle aime Cligès, Fénice refuse de se laisser entrainer dans une relation adultère. Mais le chevalier arrive à trouver réponse à la trahison de son oncle…par une autre trahison…

Lancelot ou le Chevalier de la charrette (1176 à 1181):

Commandé et dédié à Marie de Champagne, fille d’Aliénor et du roi Louis VII, l’œuvre donne une place prépondérante à l’amour courtois. Un chevalier jusque là inconnu veut séduire la reine Guenièvre, la femme même d’Arthur. Pour cela il donne une image de l’amant le plus courtois, et va jusqu’à lui être soumis. Ce qui ne plaît bien à la suzeraine. Alors que celle ci est enlevée par le roi de Gorre, il entreprend un voyage dans un royaume d’où l’on ne revient jamais, pour la délivrer. Pendant qu’il poursuit le ravisseur il perd son cheval. Quitte à perdre son honneur et pour Guenièvre qu’il aime, il n’hésite pas à continuer son périple en charrette (d’où le nom de chevalier de la charrette)…A son retour il devient Lancelot, son courage et sa fidélité lui valent d’intégrer le groupe des Chevaliers de la Table Ronde…La trame de fond tourne autour de l’adultère.

Yvain ou le Chevalier au lion (1178 à 81):

Le sénéchal Keu lance un défi à Yvain, Chevalier de la Table Ronde, de se battre contre le seigneur de la fontaine d’une forêt. Victorieux il assiste aux funérailles et découvre la veuve Laudine, la plus belle femme sans doute du royaume. Lunette la servante use de malice pour persuader la dame d’épouser Yvain, le seul capable de protéger son domaine. Elle accepte et lui offre son cœur et sa main. Mais Yvain a du mal à vivre sans aventures, n’est ce pas le propre de tout chevalier de sacrifier l’amour pour l’aventure? Laudine l’autorise à partir à condition qu’il soit de retour dans une année au plus. Il part avec Gauvain, un autre Chevalier  de la Table Ronde. D’aventure en aventure l’époux oublie sa promesse. Quand il s’’en rappelle une année était déjà passée. Il est alors furieux contre lui-même, quand il apprend que sa femme ne veut plus de lui. Livré à lui-même et en proie à la folie, il traverse plusieurs épreuves, dont celle de tuer un serpent pour sauver lion. Devenus inséparables, Yvain fait preuve héroïsme dans ses combats. Il devient le Chevalier au lion. Lunette va encore user de ruse pour le réconcilier avec Laudine. L’apparition d’un chevalier qui trouble la fontaine, est à l’origine de déchainement de tempêtes incessantes, que seul le Chevalier au lion peut faire cesser. La servante le présente à sa maîtresse, qui découvre que c’est Yvain son mari. L’époux ne jure plus que par l’amour, et renonce à son rôle de chevalier…

Perceval ou le conte du Graal (1181 inachevé) :

C’est la dernière œuvre de l’auteur qui restera inachevée, et dont plusieurs auteurs tenteront une suite. Tout en indiquant qu’elle est commandée par Philippe, comte de Flandre et courtisant de Marie de Champagne, il en fait l’éloge en le qualifiant de « le plus valeureux des hommes qui soit en l’empire de Rome ». Troyes conte les aventures du chevalier Perceval. D’origine noble celui-ci vit avec sa maman en Pays de Galle, dans un refuge en forêt depuis qu’elle a perdu son mari et deux autres enfants. Pour le protéger elle le maintien dans l’ignorance, et loin de la violence du monde extérieur. Jusqu’au jour où il croise des chevaliers, qui passaient par là. Il est tellement ébloui par leurs armes et leurs armures, qu’il décide de se rendre dans la cour du roi Arthur. Désormais il ne vit que pour se faire chevalier par ce souverain. Ses atouts sont le courage (il mène son premier combat et sort vainqueur) et sa beauté (il séduit Blanchefleur qui va l’aider). Un vieux chevalier entreprend de lui apprendre les bonnes manières, les vertus  chevaleresques. Devenu chevalier, il aperçoit le Graal lors de son  passage dans un château mystérieux. Mais il ne réagit pas. Le lendemain il est pris à parti pour n’avoir rien fait, alors que la quête du Graal est la mission principale des chevaliers. Depuis il ne jure que par le Graal. Il  part à sa recherche, mais d’abord il doit retrouver le mystérieux château…

Autres œuvres:

Chrétien de Troyes serait aussi, comme il l’indique dans le prologue de Cligès, l’auteur de cinq traductions-adaptations. Une version de Tristan et Iseult dont on a retrouvé aucune trace, tout comme quatre des cinq versions de l’Ovide.

Quelques citations de Troyes :

  • A femme qui accorde sa bouche accorde sans peine le surplus.
  • Mauvais est l’homme qui oublie honte et vilenie qu’on lui fit.
  • Trop de paroles, péché certain.
  • Chose que l’on dédaigne vaut bien mieux que l’on croit.
  • Le cœur a des pensées que ne dit pas la bouche
  • M’est avis qu’un homme courtois mort vaut mieux que vilain vivant
  • Qui aux dames ne porte honneur c’est qu’il n’a point d’honneur au cœur
  • Ce n’est pas un vain propos, mais une vérité établie :celui qui accepte conseil n’est pas un sot

Écrits  sur l’auteur :

  • Chrétien de Troyes : l’homme et l’œuvre, Jean Frappier (1957)
  • Chrétien de Troyes, Philippe Walter (1997)
  • La littérature Arthurienne, Thierry Delcourt (2000)
  • Chrétien de Troyes, Estelle Doudet (2009)
Alienor ou une vis bien romanesque

Louis VII et Alienor, ou le mariage de raison

Louis VI qui a régné sur la France depuis juillet 1108 meurt en août 1137. Alors qu’il était destiné à une carrière ecclésiastique, son fils Louis VII (Louis le Jeune)lui succède à l’âge de 18 ans à la faveur de la mort accidentelle du fils aîné. Il épouse en 1137 la belle Alienor d’Aquitaine (mariage arrangé avant le décès de Louis VI), petite fille de Guillaume d’Aquitaine que tout oppose : le dévot et pieux avec la sensuelle jeune fille surnommé « la Folle Reine ». Un mariage des plus mal assortis. Ce qui fera dire à celle-ci plus tard « J’ai épousé un moine ». Mais elle est néanmoins un bon parti, car elle fait de lui un monarque riche et puissant. Elle apporte son héritage, le duché hérité de son père Guillaume X qui va de la Loire aux Pyrénées et la côte Atlantique, l’équivalent de 19 départements. La reine est d’une grande culture, elle sait lire et écrire car élevée dans la cour d’Aquitaine où son grand-père Guillaume le troubadour recevait poètes, musiciens et troubadours. Ce qu’elle-même continue de faire. Ce mariage l’arrange aussi car ses biens sont ainsi bien protégés et à l’abri de toute convoitise.

Le divorce

Mais l’union de Louis le Jeune et  d’Alienor bat de l’aile, le roi reprochant à la reine son comportement non vertueux  qui se murmurait même partout dans la ville. Un concile d’évêques annule le mariage qui  avait duré 15 ans en 1152, juste après le retour du roi et de la reine de la 2ème croisade qui s’est soldée par un cuisant échec. Le souverain perd gros dans ce divorce, l’énorme dot d’Alienor en territoires. La désormais reine de France est libre. Mais après cette séparation ses États ne sont plus protégés, il lui faut vite trouver un bon partie. Elle se remarie deux mois après avec  le comte d’Anjou, Henri de Plantagenêt qui ne lui est pas inconnu. Il est plus jeune qu’elle, mais elle est follement  éprise de ce puissant et bel homme. A eux deux ils forment le coupe le plus riche et puissant de l’Europe Occidentale.

Henri II de Plantagenêt, le roi méprisé

De l’autre côté de la manche, Mathilde avait épousé en 1128 le comte d’Anjou , Geoffroy Plantagenêt. Elle est la fille héritière d ’Henri I roi d’Angleterre, fils de Guillaume le Conquérant. Leur fils qui est justement Henri de Plantagenêt succède au père en 1154, et devient Henri II roi d’Angleterre. Il a sous son contrôle l’Aquitaine grâce à son mariage avec Alienor, le Maine et l’Anjou (Normandie) qu’il  avait hérité de son père, et la Bretagne après le mariage de l’un des fils avec l’héritière du duché de Bretagne. Henri II de Plantagénêt se retrouve à la tête d’un immense territoire,  qui  va de l’Ecosse aux Pyrénées soit le tiers de la France. Il étend son règne sur toute l‘Angleterre, et fait des alliances avec  plusieurs seigneurs et comtes (Midi, Montpellier, Narbonne, Narbonne, Barcelone …). De quoi susciter des inquiétudes car cette situation d’hégémonie constitue une menace certaine pour le royaume de France, même si le nouveau roi d’Angleterre demeure  vassal de Louis VII du moins en apparence. Entre les deux souverains, le premier Plantagenêt et le second Capétien donc légitime, le conflit est chronique, il couve. La Guerre de cent ans entre la France et l’Angleterre n’a-t-elle pas déjà commencée ?

Richard Cœur de Lion arrive

De l’union d’Henri II et Alienor naissent quatre garçons : Richard, Henry, Geoffrey, Jean et trois filles : Mathilde, Alienor et Jeanne. La famille jusque là heureuse et unie commence à battre de l’aile. Le souverain devient de plus en plus autoritaire avec les siens, et despotique avec son peuple jusqu’à se faire détester. Sa liaison extra-conjugale avec la belle Rosemonde, envenime encore plus la situation. Commencent alors les intrigues, manipulés par Louis VII ses enfants Henri et Richard rentrent en conflit avec lui. Il partage à ses enfants son énorme territoire pour les calmer. Furieux il finit par jeter sa femme en prison, l’accusant de comploter contre lui avec les vassaux de France. Elle s’échappe pour aller demander  aide à son ex- époux Louis VII, mais elle est rattrapée avant d’arriver à Paris. Pendant qu’Henri II file le bel amour avec sa maîtresse, Alienor est enfermée dans la tour de Salisbury mais libre de circuler à l’intérieur. Sa captivité dure une quinzaine d’années entre le château de Salisbury et divers autres en Angleterre. Quant au roi il se réfugie en 1189 dans son château de Chinon, une de ses résidences françaises, où il décède le 6 juillet dans l’indifférence et presque seul. Son fils Richard qui deviendra Richard Cœur de Lion lui succède. Il libère sa mère et ramène la paix en Angleterre. Dix ans plus tôt (1 novembre 1179) en France, Louis VII gravement malade avait sacré son fils Philippe Auguste à la tête du royaume.

La croisade de Richard

Richard n’est pas souverain à rester assis sur son trône et attendre sans agir. Arrière-petit -fils de Guillaume le troubadour et fils de Alienor d’Aquitaine, il est cultivé et a lu tous les exploits guerriers du Moyen-Âge. Il rêve de gloire. L’opportunité se présente vite avec  la reprise de Jérusalem, la ville sainte, par les musulmans. Il décide de partir pour la troisième  croisade. Le nouveau roi de France se joint à l’expédition. Mais celui-ci, prétextant son mauvais état de santé, rentre au pays laissant Richard poursuivre la croisade. Celui-ci arrive à reprendre les principales villes de Palestine, mais pas Jérusalem. Flairant que la croisade ne peut aboutir et que son royaume est en danger, il négocie avec Saladin. Après avoir arraché une trêve et des droits pour les chrétiens, il prend le chemin du retour en octobre 1192. Il est arrêté à Corfou par Léopold V le duc d’Autriche. Celui-ci le livre à son ennemi, l’empereur germanique Henri VI, qui exige cent mille marcs pour le remettre en liberté.

La trahison

Pendant ce temps deux hommes vont exploiter cette situation. Jean le frère cadet de Richard (dit Jean sans Terre car il est le seul qui en est dépourvu) qui convoite la couronne d’Angleterre, prête hommage au roi de France pour l’aider. Il lui cède même une partie de la Normandie pour mille marcs d’argent, au moment où Philippe Auguste commence à envisager de s’attaquer aux biens des Plantagenêts en terre française. La détention de Richard Cœur de Lion dure deux longues années. Sa mère Alienor d’Aquitaine réussit à réunir la rançon, et obtient sa libération. Il rentre au pays mais ne tarde pas à débarquer en Normandie pour récupérer ses possessions. Entre Capétiens et Plantagenêts c’est de nouveau une guerre d’escarmouches, seulement pour  l’instant. Il meurt lors de l’une d’elles, le siège du château de Châlus-Chabrol (Limousin) le 6 avril 1199. Le royaume d’Angleterre est affaibli, Philippe Auguste en profite et déclare Jean qui a succédé à Richard déloyal. Un motif pour saisir les domaines dont le Plantagenêt a hérités, même par les armes. Il part en campagne début 1202 et s’empare de la Normandie, de la vallée de la Loire, de la Bretagne… et établie la domination capétienne sur la France. Alienor n’y survivra pas, elle assiste impuissante au déclin du pouvoir de son dernier fils. Pire elle apprend que le très symbolique Château- Gaillard (Limousin), bâti par son fils Richard Cœur de Lion est tombé entre les mains du roi de France. elle meurt quelques semaines après à l’âge de 82 ans (en mars 1204) à Poitiers, où elle s’était réfugiée. Mais entre-temps Jean tente bien une incursion en terre française, en débarquant en février 1214 à la Rochelle. C’est Louis fils de Philippe (pris ailleurs) qui lui fait face et le met en déroute. Le roi anglais revient en septembre pour  signer  une trêve de cinq ans, et céder  ses droits sur toutes ses possessions du nord de la Loire. La menace Plantagenêt est écartée, du moins pour quelques temps.

Le Cheval rentrant dans Troie

Un chroniqueur pour les ducs de Normandie

On sait peu de choses de ce trouvère et chroniqueur anglo-normand du XIIe siècle. Il est originaire sans doute des environs de Tours, où il est clerc. Son œuvre se limite à deux grands ouvrages, qui seraient commandés par Henri II Plantagenêt (duc de Normandie puis roi d’Angleterre) et Aliénor d’Aquitaine (la Reine). On lui connaît un penchant pour les récits de bataille (ce qui fait de lui un chroniqueur), où les exploits guerriers des héros se mêlent  au romanesque et à l’amour courtois.

« Le roman de Troie » : écrit entre 1160 et 1170 ce roman est la principale œuvre qui traite de la guerre de Troie au Moyen Âge. Il fait partie des trois plus grands classiques des romans antiques avec le «Roman de Thèbes»(1150) et « Roman d’Énéas » (1160). Benoist  met en roman les courts récits latins rapportés par Darès de Phrygie et Dictys de Crète, considérés comme témoins oculaires de cette guerre.

Priam roi de Troie, enlève Hèlène l’épouse de Melenas roi de Sparte, qu’il considère comme lui revenant de droit car promise par Aphrodite. Telle est l’origine principale de cette guerre. Le chroniqueur nous plonge dans l’antiquité latine, et le destin d’une splendide cité grecque Troie. Le mérite de Benoist, est de s’être inspiré des écrits latins de deux témoins oculaires du siège de Troie et de la bataille. Il s’agit de Darès un Phrygien et Dictis un Crétois. Dans cette trame de l’histoire et de légendes, exploits guerriers de héros qu’ils soient Grecs ou Troyens, aventures galantes et amours impossibles s’entremêlent pour nous conter la guerre de Troie. L’amour de Pâris et d’Hélène, de Jason et Médée, celui d’Achille et Polixène …étaient inéluctablement condamnés. Son récit intègre d’autres événements, puisqu’il commence avec la naissance même de la Cité. On y  retrouve l’expédition des Argonautes à l’origine de la première destrtuction de Troie, puis l’auteur nous mène de la conquête de la Toison d’or à la mort d’Ulysse. Benoist nous renvoie bien, l’image d’une cité et d’une civilisation enchanteresses.

« Chronique des Ducs de Normandie » (1180) : écrit également à la demande d’Henri II Plantagenêt (Duc de Normandie puis roi d’Angleterre) et d’Aliénor d’Aquitaine (La reine), avec notamment « La Vie de Guillaume le Conquérant » et « Les Vikings en Normandie ».

Il puise ses sources de chroniqueurs, et fouille dans le passé normand soucieux des origines et de l’hérédité. En réalité la demande des Plantagenets n’est pas innocente, elle est même guidée. Elle a pour but d’établir une lignée illustre de la famille pour justifier sa domination sur le royaume d’Angleterre et du duché de Normandie. Les ancêtres maternels Henri II sont exagérément glorifiés et rattachés à la Normandie, pour légitimer leur occupation du trône d’Angleterre. Dans les « Vikings en Normandie », il veut convaincre les Scandinaves de Neustrie qu’ils sont bien Normands, pour encourager leur assimilation. Benoît fait des ducs de Normandie des héros exemplaires de la société courtoise du XIIe siècle. Il va plus loin. Pour glorifier encore plus la famille régnante et ses sujets, il leur trouve même une origine troyenne, considérée comme prestigieuse et honorable (légende de l’origine troyenne des Normands). Ce qui permet en plus, éventuellement, d’avoir des prétentions dans l’Europe latine.

« Quand Ilion fut détruite, Antênor fut exilé,

Emportant maints grands trésors avec tous les gens qu’il avait ;

Il vogua sur les mers, tant qu’il put ; Souvent il fut assailli,

Subit des revers et fut défait jusqu’à ce qu’il arrive en ce pays,

Dont vous m’entendez parler.

Alors avec ses gens il s’y établit ; jamais ensuite défection ni abandon

Personne ne lui fit ; Et de lui sont issus les Danois » 

La vie de Guillaume le Conquérant : (1035-1087) l’auteur retrace le parcours extraordinaire d’un homme hors du commun, le plus célèbre sans doute des ducs de Normandie.

Né à Falaise en 1027-1028, huit ans après il devient le 7e duc de Normandie (Guillaume II de Normandie) suite au décès de son père. Né hors mariage, ce qui lui vaut le surnom de « Guillaume le Bâtard », les barons de Normandie conteste son autorité dès sa majorité, alors qu’il est Vassal du roi de France Henri 1er. Après avoir échappé à plusieurs tentatives d’assassinat, il se réfugie à Falaise. Le roi lui apporte son soutien, et l’aide à reconquérir son Duché. Pour assoir et élargir son pouvoir, il s’appuie sur des alliances et épouse  même le fille du comte de Flandre, nièce du roi. Ce qui lui confère une certaine autorité sur tout le nord de la France. Ce qui va inquiéter Henri 1er , qui voit en lui une menace pour son propre trône. Il envoie des troupes pour le combattre mais il résiste. Alors que le trône d’Angleterre est occupé par un Normand du nom Édouard le Confesseur, Guillaume se considère comme son successeur, en l’absence d’héritiers. Il y a en effet un lien de parenté entre lui, et la mère du roi d’Angleterre. A la mort de celui-ci, un aristocrate anglo-saxon du nom d’Harold Godwinson s’empare du trône. Guillaume le Conquérant refuse le fait accompli, il envahit l’Angleterre sur laquelle il va régner 20 ans durant, soit jusqu’à sa mort suite à une blessure accidentelle.

Son corps repose toujours au sein de l’église  Saint-Étienne de Caen. A Bayeux où se trouve un cimetière anglais, on peut lire l’inscription « Nous vaincus par Guillaume, avons libéré la patrie du vainqueur »

 

Marie de France, fabuliste médiévale

MARIE DE FRANCE (1154-1189) 

Poétesse et fabuliste contemporaine de Chrétien de Troyes (conteur arthurien), on ne connaît pas grand-chose. On pense qu’elle serait issue d’une grande famille parisienne proche de la cour d’Henri II Plantagenêt (roi d’Angleterre) et Aliénor d’Aquitaine (la reine et petite fille de Guillaume d’Aquitaine), et donc qu’elle a vécu surtout en Angleterre. On sait aussi que première écrivaine en langue française, elle était polyglotte: latin, anglais, et français. Ce n’est qu’au début du XVI siècle que le nom de Marie de France lui est attribué. Dans l’épilogue de ses « Fables » elle se présente en effet : « Marie ai num, si sui de France » (Marie est mon nom, je suis de l’Île de France).

Elle commence par traduire du latin des thèmes de l’antiquité, avant de se tourner vers l’écriture soucieuse de préserver les contes qu’elle a entendus. Son inspiration elle la tire de l’antiquité et des traditions et légendes bretonnes et celtes en général. Elle se met à écrire des fables en vers qu’elle appelle lais. Ce qui fait d’elle la première fabuliste française. En celte lai qualifie le chant du merle, puis plus tard un poème accompagné à la harpe. Ces lais ne dépassent jamais six cents vers, donc courts et s’intéressent essentiellement aux personnages et pas au milieu. C’est l’amour courtois et aussi l’adultère qui revient le plus souvent dans ses écrits, avec ces vaillants chevaliers à qui arrivent de galantes aventures. Certains par contre son dédié au roi et à la reine Aliénor, bien connue pour être une patronne des troubadours et autres artistes, et qui l’aurait encouragée à écrire. Elle loue l’amour courtois et pour autrui dans plusieurs adaptations de légendes. Le réalisme et le féerique s’y mêlent étroitement. Preuve de sa célébrité, ses lais sont traduits en Scandinavie.

On lui connaît 14 lais : si certains traitent de l’amour courtois, d’autres sont une invitation à tirer des leçons, notamment concernant l’amour égoïste. Voici quelque uns des plus célèbres :

Lais:

Le lai des deus Amanz (Le lai des deux amants) : un roi en Normandie veuf de son état, n’a plus que sa fille comme consolation. Son entourage lui reproche de repousser tous les prétendants, bien que riches et de bonne famille. Pour ne plus avoir l’air de ne pas vouloir accorder la main de sa fille, il imagine un défi à relever pour tout soupirant. Il annonce « Qui ma fille voudra avoir, devra la porter sans jamais la poser jusqu’au sommet du mont » Tous ceux qui tentent leur chance échouent au grand bonheur du roi. Mais un jour elle et le fils d’un comte s’éprennent l’un de l’autre. Sachant qu’il ne peut relever le défi, le beau jeune homme lui propose de l’emmener loin. Mais la belle ne veut pas attrister son père. Elle lui préconise d’aller chez une parente, spécialiste en herbes magiques. Dans la lettre la jeune fille explique à sa tante que son amoureux a besoin d’un breuvage, pour avoir la force de la porter jusqu’au mont. De retour le jeune homme demande au roi la main de sa fille. Lors de l’ascension du mont, il s’abstient de prendre la potion magique, malgré l’insistance de la fille quand elle le sent sur le point de fléchir « Belle je sens mon cœur tout fort… ». Arrivé au but, il tombe raide mort. Elle s’allonge près de lui, l’étreint très fort et meurt de chagrin. On les enterre sur ce mont, qui devient celui « des deux amants »

Le lai de Lanval : un lai arthurien qui a trait aux chevaliers de la table ronde, qui illustre bien l’amour courtois. Deux ravissantes jeunes filles présentent au chevalier Lanval leur maîtresse, une créature, une fée dotée d’une beauté exceptionnelle. Il est émerveillé, hypnotisé, son cœur est vite ravi. Elle lui offre ce qu’elle a de mieux et surtout son cœur, en échange de quoi il s’engage à ne jamais faire allusion à son existence, sous peine de ne plus le revoir. Dans la cour du roi Arthur qui la néglige, la reine Geneviève lui fait la cour mais il rejette ses avances. Furieuse elle fait circuler la rumeur selon laquelle Laval préfère les hommes. Devant cette accusation gravissime, il n’a plus le choix que d’avouer sa secrète liaison avec la plus belle fille du monde. Blessée par cet aveu, la reine manipule Arthur qui oblige le chevalier à apporter des preuves. L’amante apparaît pour sauver Lanval malgré sa trahison, et l’emmène dans son monde magique…

Le lai de Chevrefoil (chèvrefeuille): il a trait aux amours de Tristan et Iseult de la légende galloise. Tristan orphelin, est pris par son oncle le roi Marc de Cornouailles sous sa protection. Dans la cour il est remarqué pour son courage. Le roi veut épouser Iseut la blonde. Il charge son neveu d’aller la ramener d’Irlande. Au retour les deux jeunes personnes boivent par erreur, le filtre d’amour que la maman de la jeune fille avait préparé pour les nouveaux mariés. Ils s’éprennent éperdument l’un de l’autre. La nuit de noces, craignant que Marc ne découvre qu’elle n’est plus chaste, Iseult se fait remplacer par Brangien sa fidèle. Tristan et Iseult continuent de s’aimer secrètement. « Ni vous sans moi, ni moi sans vous » lui écrit-il sur le tronc de l’arbre où ils se retrouvent ou lui laisse des messages. Découverts ils sont condamnés au bûcher, mais par miracle ils arrivent à fuir, pour vivre dans la misère dans la forêt. Un jour le roi en personne les découvre dans une cabane endormis. L’épée de Tristan plantée entre eux, lui fait croire qu’il ne s’est rien passé. Il les épargne. Le jeune homme s’exile en Bretagne où il épouse Iseult- aux-Blanches-Mains. Mais l’amour est trop fort. Il revient en prenant divers déguisements, pour rencontrer sa bien-aimée. De retour en Bretagne il est blessé à mort lors d’un combat. Il réclame Iseult la Blonde qui seule peut le sauver de la mort. « Que Dieu nous sauve, Yseult et moi !» Elle accourt à son secours, mais la femme de Tristan par jalousie lui fait croire qu’elle n’est pas dans le bateau. La tristesse, le désespoir de voir son amour le laisser tomber accélère sa mort. « Puisque vous ne voulez pas venir à moi, votre amour me tue. Je ne peux plus retenir ma vie. Je meurs pour vous, Yseult ma belle amie » Iseult arrive et découvre le drame. « Ami Tristan, quand je vous vois mort, il m’est impossible de trouver une bonne raison de vivre. Vous êtes mort de l’amour que vous me portiez, et moi je meurs, ami, de tendresse, puisque je n’ai pas pu venir à temps vous guérir de votre mal »  Elle se jette sur le corps de son ami et meurt.

Le lai de Yonec : C’est une histoire d’amour entre une femme mal mariée et un jeune chevalier. C’est un amour impossible et secret. La femme est enfermée et très surveillée par le vieux mari jaloux et méfiant, « Maudits soient mes parents, Ainsi que tous les autres, Qui ont donné mon âme à ce jaloux, et ont unis mon corps au sien,… Maudit soit ma naissance ! Ma destinée est très dur » Un jour, un oiseau rentre par sa fenêtre. Elle est subjugué de le voir se transformer en un beau chevalier, qu’elle s’exclama « chevaler bel e gent devint » (beau et noble chevalier il devint). Il est là pour la consoler, lui tenir compagnie mais il lui avoue « cela fait longtemps que je vous aime et je vous ai beaucoup désirée dans mon cœur. Jamais je n’ai aimé d’autre femme que vous ». Les amants sont découverts et dénoncés, le mari tue l’amant, alors que sa femme est enceinte. Yonec fruit de la liaison des deux amants vient au monde. Dès qu’il grandit, sa mère lui remet une épée, celle du chevalier disparu, et venge son père…

Le lai Bisclavret : Bisclavret seigneur et ami du roi, est obligé de s’absenter deux à trois jours par mois. Devant l’insistance de sa femme qui le soupçonne d’infidélité, il avoue se transformer en loup-garou à chaque pleine lune. C’est dans la forêt, après avoir pris soin d’enlever et cacher ses vêtements, que la mue s’opère. Son épouse arrive même à lui faire dire où il cache ses vêtements. Elle appelle un jeune chevalier épris d’elle et lui promet mariage s’il lui ramenait les habits de son mari, la prochaine lune. Privé de ses habits Bisclarvet ne peut retrouver sa forme humaine…Les circonstances font qu’il est recueilli par le roi, et mis en présence des deux amants, il les attaque, alors qu’il est inoffensif avec les autres. Torturés ils avouent leur forfait…

Autres lais : 

Lai de Frêne, Lai du Chaitivel, Lai de Milun, Lai d’Eliduc, Lai de Guigemard, Lai d’ Equitain, Lai du Loastic.

Ysopet :

Recueil de fables adaptées des fables d’Esope, le Grec supposé être le créateur du genre. Elles sont au nombre de cent trois, dont voici quelques titres :

En ancien français: Dou Chien é dou Fourmaige, Dou Lion malade et dou Goupil, La Mort et le Bosquillon, de la Soris é de la Renoille, Dou Chien é d’une Berbis, Dou Corbel é d’un Werpilz.

En français nouveau : L’Abeille et la Mouche, L’Ane et le Chien, Les Corbeaux, Le Blaireau et le Cochon, Le Bouc et le Cheval, le Chameau et la Puce, Le Chat qui se fit Evêque.

Roman :

L’Espurgatoire saint Patrice : vieillissante (plus de 60 ans) l’auteur nous emmène dans l’au-delà. Elle décrit avec des détails ahurissants l’enfer et les souffrances du Purgatoire, les peines de l’autre monde, qui attendent le commun des mortels. Elle le fait à travers le voyage d’un chevalier (Owen) dans l’au-delà, qui va affronter une dizaine d’affreux et intenables tourments. Le châtiment pour la Luxure par exemple est la suspension par les organes sexuels (genitailles en moyen français). L’Orgueil est puni en attachant les suppliciés à une roue qui tournent et les élève vers un brasier…Le roman nous plonge dans la représentation qu’on se faisait au Moyen Âge des péchés et du châtiment divin.