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Le roi Louis IX, ou la légende du Saint-Louis

mars 25th, 2013 | Posted by mus in Le Moyen Âge - (Commentaires fermés sur Le roi Louis IX, ou la légende du Saint-Louis)
Saint Louis offrant à manger aux pauvres

Philippe II fait face aux Plantagenêts

La lutte de Philippe Auguste (Philippe II), 7eme roi direct de la dynastie capétienne , contre les puissants Plantagenêts permet aux Capétiens de consolider leur pouvoir. La bataille de Bouvines du 27 juillet 1214 qu’il remporte, le rend particulièrement célèbre. Elle avait opposé les forces royales soutenues par Frédéric II du Saint Empire romain germanique et des milices communales, à une force coalisée anglo-germano-flamande. Son fils Louis contribue de son côté, en remportant notamment la victoire de La Roche-aux-Moines contre Jean sans Terre le roi d’Angleterre. Pour sauver l’empire Plantagenêt du désastre causé par le règne de celui-ci (son fils), Aliénor d’Aquitaine fait marier sa petite- fille Blanche de Castille  au jeune Louis. Celui- ci succède à son père Philippe II mort en 1223 après un long règne, et devient Louis VIII.

Louis VIII, un règne trop court

Fort de l’expérience acquise près de son père, Louis VIII veut en finir avec la menace des Plantagenêts sur le règne des Capétiens. Il s’empare successivement du Poitou, de la Saintonge, de l’Angoumois, du Périgord et d’une partie de la Gascogne. Surnommé « Le Lion » pour sa détermination, sa fougue et ses victoires il s’attaque même aux Albigeois à la demande de l’Eglise catholique. Il s’agit de mettre fin au catharisme et au valdéisme, deux mouvements chrétiens qui s’étaient installés en Province et considérés comme hérétiques. Mais le roi tombe soudainement malade lors du siège d’Avignon. De retour à Paris après sa croisade, il meurt emporté par la dysenterie, causée semble t-il par la contamination des sources. Louis VIII qui n’aura régné que trois ans, confie dans son testament la charge du royaume à sa femme Blanche de Castille jusqu’à la majorité de leur fils Louis (12 ans). Celle-ci n’est autre que la fille Aliénor d’Angleterre, et donc petite-fille d’Aliénor d’Aquitaine et d’Henri II Plantagenêt (reine et roi d’Angleterre 1154-1189).

Blanche de Castille assume

Blanche de Castille est bien comme sa grand-mère, très cultivée et expérimentée elle possède toutes les qualités pour assumer une régence. Elle s’entoure de personnes fidèles ayant servi Philippe II et Louis VIII son défunt mari. La reine de France doit en effet faire face à de nombreux ennemis, qui veulent profiter de la situation. Mais c’est la méconnaître. Elle fait prévaloir son autorité à travers les territoires du royaume, et prend le dessus sur ses adversaires. Elle réussit à maintenir la paix civile en attendant que son fils grandisse, et pour lequel elle s’investit pleinement pour en faire un grand souverain et aussi un chevalier chrétien accompli. Celui-ci reçoit alors une éducation des plus strictes, et non moins pieuse. Pour mettre fin aux ambitions de puissants féodaux, elle le fait couronner en 1226 à l’âge de 15 ans. Il coiffe la couronne à sa majorité en avril 1234, et épouse vite Marguerite de Provence. En le liant à la fille de Raymond-Bérenger IV comte de Provence, Blanche de Castille espère ainsi annexer la Provence au domaine royal. Louis devient Louis IX, neuvième roi de la dynastie des Capétiens.

Louis IX ou le roi pieux et juste

Le règne de Louis IX nous est bien connu grâce au chroniqueur Joinville, confident et ami du roi. Légende ou réalité, le règne de celui qui deviendra Saint Louis, est celui qui va marquer l’époque médiévale. D’une grande piété, juste et bon il force le respect de tous, jusqu’à asseoir aisément son autorité que nul ne conteste. A l’écoute du peuple, s’il compatit pour ses malheurs et aux douleurs des plus démunis, il est par contre d’une redoutable sévérité quand il faut. Il fait construire l’hôpital des Quinze-Vingt, pour accueillir les aveugles et atténuer leurs souffrances. Avec lui la notion d’intérêt général prend le pas sur les excès de la féodalité. L’accord de paix qu’il signe avec Henri III (roi d’Angleterre), lui permet de mettre toute son énergie au service de son royaume et du peuple. Avec  sa mère qui s’occupe de la régence en son absence, ils font de la France le royaume le plus prospère et le plus puissant de la chrétienté.

La France prospère sous son règne

Les progrès de l’agriculture notamment permettent au peuple de manger à sa faim. Exagérément pieux jusqu’à être comparé à un moine, il achète la couronne d’épines que Jésus aurait porté lors de sa Passion pour 135 000 livres. Plus que cela, il fait construire la Sainte-Chapelle rien que pour l’abriter avec d’autres reliques qu’il a acquises comme la Sainte Toile, un morceau du linceul, les clous etc… En 1957 il fait bâtir la Sorbonne, qui va devenir un centre de rayonnement des arts et de la vie intellectuelle. Le français devient la seule langue, en plus du latin, qui est comprise un peu partout en Europe. Avec lui apparaît un autre pouvoir, puisqu’il  est à l’origine de la mise en place les bases du système parlementaire. Un grief tout de même, sa  trop grande piété le pousse à des actes cruels et méprisables. Il ordonne de brûler vifs les hérétiques, de percer au  fer rouge la langue des blasphémateurs…

Un roi qui défend la chrétienté

Louis IX c’est aussi un guerrier. En 1242 il s’en va en guerre contre des Seigneurs du Midi et de l’Ouest, qui se sont ligués contre lui soutenus par Henri III. Il triomphe, de quoi calmer les ardeurs des  autres seigneurs turbulents. Il n’hésite pas à partir en croisade quand la chrétienté est menacée. La première en 1248, qui est la septième croisade du genre, s’est non seulement soldée par un cuisant échec mais il est aussi fait prisonnier. Il est libéré contre le payement d’une rançon. Il se croise une seconde fois (8ème croisade) en 1270, seize ans après le retour de sa première. Elle lui est fatale puisqu’il meurt de dysenterie, épuisé par la chaleur et le manque d’eau tout près de Tunis. Il a droit à d’éclatantes obsèques à Paris, avant que sa dépouille n’aille rejoindre la basilique Saint Denis, où se trouvent également les restes des descendants d’Hugues Capet le fondateur de la dynastie capétienne.

Une trentaine d’années années plus tard, le petit-fils Philippe IV le Bel (1285-1314) arrive à obtenir du pape Boniface VIII un procès de canonisation pour son grand-père. Louis IX est canonisé post mortem le 11 août 1297 et devient Saint-Louis.

PS : De l’union de Louis IX avec Béatrice sont nés onze enfants (par ordre de naissance): Louis (mort en 1260), Philippe qui lui succède, Jean (mort en 1248), Jean-Tristan (comte de Nevers), Pierre (comte d’Alençon), Robert (comte de Clermont), Isabelle (mariée à Thibaut, roi de Navarre), Blanche (morte en 1243), Blanche (mariée à l’infant de Castille Ferdinand de La Corda), Marguerite (mariée à Jean Ier duc de Brabant), Agnès (mariée au duc de Bourgogne Robert II).

Chrétien de Troyes, ou la légende du roi Arthur

mars 19th, 2013 | Posted by mus in Histoire de la littérature française | Litterature médiévale - (Commentaires fermés sur Chrétien de Troyes, ou la légende du roi Arthur)
Arthur tirant Excalibur de la roche

Biographie de l’auteur:

Originaire de Troyes sans doute, il a vécu entre 1135 et 1190 environ. Il est   considéré comme le premier et le plus grand romancier de la littérature française de l’époque médiévale. Le peu qu’on connait de lui vient de ses prologues. Dans celui d’ »Erec et Enide » il se présente au lecteur comme étant   » Crestiens de Troies », avant de préciser dans celui du  » Chevalier de la charrette » qu’il a écrit sur le « comandemant de ma dame de Champagne ». Il s’agit en fait de Marie de Champagne, fille d’Alienor d’Aquitaine et Louis VII reine et roi de France. Ce qui laisse à penser qu’il est poète à la cour de Champagne, où il tient également la fonction d’officier public (héraut d’armes) ou clerc. Il reste néanmoins le protégé de Marie, qui lui dicte presque ce qu’il doit écrire.

Fondateur de la littérature arthurienne (en français), il est celui qui nous restitue le mieux la légende du Roi Arthur et ses héros du cycle de la table ronde issue de la mythologie celtique. Même si avant lui des conteurs et des musiciens colportaient ça et là des légendes celtiques, où les héros souffraient de devoir choisir entre leur devoir moral de chevalier et l’amour. La cour du roi Arthur est le point de départ des aventures des chevaliers, où se mêlent le merveilleux et l’amour, racontées par Troyes. Si dans la chanson de geste, dont la Chanson de Roland (1080) qui rapportent les conquêtes de Charlemagne reste la plus célèbre, le patriotisme est mis en avant au travers des exploits guerriers donc collectifs, chez Troyes les personnages que sont essentiellement les chevaliers sont en quête de reconnaissance personnelle et de découverte des autres. En ce sens il est considéré comme l’un des premiers auteurs de romans de chevalerie, inventeur du roman d’amour où les personnages sont souvent devant le dilemme loyauté chevaleresque – amour qui ne vont pas forcément ensemble.

Œuvres :

Elle tourne donc autour de la légende d’Arthur posé et juste, et qui devient Roi après avoir été le seul à pouvoir arracher l’Excalibur (une épée magique que seul le roi de Bretagne est digne de brandir) planté dans le roc par Merlin. L’Excalibur permet alors au Roi de réaliser des centaines d’exploits, au profit de la Bretagne. Sur conseil de Merlin toujours, il crée une assemblée de chevaliers appelée « Les Chevaliers de la Table Ronde ». La mission de cet ordre est d’accomplir la quête du Graal, le calice dans lequel aurait bu le Christ lors de son dernier repas. Une fois retrouvé, le Graal est sensé assurer la paix et l’harmonie entre les hommes du Royaume. La quête du Saint Graal occupe l’essentiel de la trame, car elle est la plus difficile et la plus grande de l’époque du Roi Arthur.

Erec et Enide (1170) :

Premier ouvrage de l’auteur, il est question de la délicate conciliation entre l’amour et la chevalerie. Erec est considéré comme l’un des plus brillants chevaliers de la table ronde. Une seule rencontre lui suffit pour s’éprendre de la belle Enide. Les deux jeunes personnes se marient sans tarder, et l’époux doit accorder ses devoirs avec sa passion. Ce qu’il réussit à faire temporairement, avant de commencer à négliger armes et chevalerie. Et ce n’est pas sans conséquences, et la crise s’installe. A chaque fois que cela repart sur la bonne voie, cela s’avère éphémère, et la gravité du problème s’accentue. Et Erec repart encore plus déterminé, en quête de ce difficile équilibre entre chevalier aimant et chevalier guerrier…

Cligès (1176):

Originaire de la Grèce, Cligès est fait chevalier par le roi Arthur mais ne peut rester, car la vengeance l’appel dans son pays. Fénice qu’il aime et qui lui était destinée a été marié à l’empereur (oncle de Cligès), qui a ainsi trahi le serment fait à son frère Alexandre (père de Cligès) de ne pas la prendre comme épouse. Bien qu’elle aime Cligès, Fénice refuse de se laisser entrainer dans une relation adultère. Mais le chevalier arrive à trouver réponse à la trahison de son oncle…par une autre trahison…

Lancelot ou le Chevalier de la charrette (1176 à 1181):

Commandé et dédié à Marie de Champagne, fille d’Aliénor et du roi Louis VII, l’œuvre donne une place prépondérante à l’amour courtois. Un chevalier jusque là inconnu veut séduire la reine Guenièvre, la femme même d’Arthur. Pour cela il donne une image de l’amant le plus courtois, et va jusqu’à lui être soumis. Ce qui ne plaît bien à la suzeraine. Alors que celle ci est enlevée par le roi de Gorre, il entreprend un voyage dans un royaume d’où l’on ne revient jamais, pour la délivrer. Pendant qu’il poursuit le ravisseur il perd son cheval. Quitte à perdre son honneur et pour Guenièvre qu’il aime, il n’hésite pas à continuer son périple en charrette (d’où le nom de chevalier de la charrette)…A son retour il devient Lancelot, son courage et sa fidélité lui valent d’intégrer le groupe des Chevaliers de la Table Ronde…La trame de fond tourne autour de l’adultère.

Yvain ou le Chevalier au lion (1178 à 81):

Le sénéchal Keu lance un défi à Yvain, Chevalier de la Table Ronde, de se battre contre le seigneur de la fontaine d’une forêt. Victorieux il assiste aux funérailles et découvre la veuve Laudine, la plus belle femme sans doute du royaume. Lunette la servante use de malice pour persuader la dame d’épouser Yvain, le seul capable de protéger son domaine. Elle accepte et lui offre son cœur et sa main. Mais Yvain a du mal à vivre sans aventures, n’est ce pas le propre de tout chevalier de sacrifier l’amour pour l’aventure? Laudine l’autorise à partir à condition qu’il soit de retour dans une année au plus. Il part avec Gauvain, un autre Chevalier  de la Table Ronde. D’aventure en aventure l’époux oublie sa promesse. Quand il s’’en rappelle une année était déjà passée. Il est alors furieux contre lui-même, quand il apprend que sa femme ne veut plus de lui. Livré à lui-même et en proie à la folie, il traverse plusieurs épreuves, dont celle de tuer un serpent pour sauver lion. Devenus inséparables, Yvain fait preuve héroïsme dans ses combats. Il devient le Chevalier au lion. Lunette va encore user de ruse pour le réconcilier avec Laudine. L’apparition d’un chevalier qui trouble la fontaine, est à l’origine de déchainement de tempêtes incessantes, que seul le Chevalier au lion peut faire cesser. La servante le présente à sa maîtresse, qui découvre que c’est Yvain son mari. L’époux ne jure plus que par l’amour, et renonce à son rôle de chevalier…

Perceval ou le conte du Graal (1181 inachevé) :

C’est la dernière œuvre de l’auteur qui restera inachevée, et dont plusieurs auteurs tenteront une suite. Tout en indiquant qu’elle est commandée par Philippe, comte de Flandre et courtisant de Marie de Champagne, il en fait l’éloge en le qualifiant de « le plus valeureux des hommes qui soit en l’empire de Rome ». Troyes conte les aventures du chevalier Perceval. D’origine noble celui-ci vit avec sa maman en Pays de Galle, dans un refuge en forêt depuis qu’elle a perdu son mari et deux autres enfants. Pour le protéger elle le maintien dans l’ignorance, et loin de la violence du monde extérieur. Jusqu’au jour où il croise des chevaliers, qui passaient par là. Il est tellement ébloui par leurs armes et leurs armures, qu’il décide de se rendre dans la cour du roi Arthur. Désormais il ne vit que pour se faire chevalier par ce souverain. Ses atouts sont le courage (il mène son premier combat et sort vainqueur) et sa beauté (il séduit Blanchefleur qui va l’aider). Un vieux chevalier entreprend de lui apprendre les bonnes manières, les vertus  chevaleresques. Devenu chevalier, il aperçoit le Graal lors de son  passage dans un château mystérieux. Mais il ne réagit pas. Le lendemain il est pris à parti pour n’avoir rien fait, alors que la quête du Graal est la mission principale des chevaliers. Depuis il ne jure que par le Graal. Il  part à sa recherche, mais d’abord il doit retrouver le mystérieux château…

Autres œuvres:

Chrétien de Troyes serait aussi, comme il l’indique dans le prologue de Cligès, l’auteur de cinq traductions-adaptations. Une version de Tristan et Iseult dont on a retrouvé aucune trace, tout comme quatre des cinq versions de l’Ovide.

Quelques citations de Troyes :

  • A femme qui accorde sa bouche accorde sans peine le surplus.
  • Mauvais est l’homme qui oublie honte et vilenie qu’on lui fit.
  • Trop de paroles, péché certain.
  • Chose que l’on dédaigne vaut bien mieux que l’on croit.
  • Le cœur a des pensées que ne dit pas la bouche
  • M’est avis qu’un homme courtois mort vaut mieux que vilain vivant
  • Qui aux dames ne porte honneur c’est qu’il n’a point d’honneur au cœur
  • Ce n’est pas un vain propos, mais une vérité établie :celui qui accepte conseil n’est pas un sot

Écrits  sur l’auteur :

  • Chrétien de Troyes : l’homme et l’œuvre, Jean Frappier (1957)
  • Chrétien de Troyes, Philippe Walter (1997)
  • La littérature Arthurienne, Thierry Delcourt (2000)
  • Chrétien de Troyes, Estelle Doudet (2009)

Menace Plantagenêt sur le règne Capétien

mars 14th, 2013 | Posted by mus in Le Moyen Âge - (Commentaires fermés sur Menace Plantagenêt sur le règne Capétien)
Alienor ou une vis bien romanesque

Louis VII et Alienor, ou le mariage de raison

Louis VI qui a régné sur la France depuis juillet 1108 meurt en août 1137. Alors qu’il était destiné à une carrière ecclésiastique, son fils Louis VII (Louis le Jeune)lui succède à l’âge de 18 ans à la faveur de la mort accidentelle du fils aîné. Il épouse en 1137 la belle Alienor d’Aquitaine (mariage arrangé avant le décès de Louis VI), petite fille de Guillaume d’Aquitaine que tout oppose : le dévot et pieux avec la sensuelle jeune fille surnommé « la Folle Reine ». Un mariage des plus mal assortis. Ce qui fera dire à celle-ci plus tard « J’ai épousé un moine ». Mais elle est néanmoins un bon parti, car elle fait de lui un monarque riche et puissant. Elle apporte son héritage, le duché hérité de son père Guillaume X qui va de la Loire aux Pyrénées et la côte Atlantique, l’équivalent de 19 départements. La reine est d’une grande culture, elle sait lire et écrire car élevée dans la cour d’Aquitaine où son grand-père Guillaume le troubadour recevait poètes, musiciens et troubadours. Ce qu’elle-même continue de faire. Ce mariage l’arrange aussi car ses biens sont ainsi bien protégés et à l’abri de toute convoitise.

Le divorce

Mais l’union de Louis le Jeune et  d’Alienor bat de l’aile, le roi reprochant à la reine son comportement non vertueux  qui se murmurait même partout dans la ville. Un concile d’évêques annule le mariage qui  avait duré 15 ans en 1152, juste après le retour du roi et de la reine de la 2ème croisade qui s’est soldée par un cuisant échec. Le souverain perd gros dans ce divorce, l’énorme dot d’Alienor en territoires. La désormais reine de France est libre. Mais après cette séparation ses États ne sont plus protégés, il lui faut vite trouver un bon partie. Elle se remarie deux mois après avec  le comte d’Anjou, Henri de Plantagenêt qui ne lui est pas inconnu. Il est plus jeune qu’elle, mais elle est follement  éprise de ce puissant et bel homme. A eux deux ils forment le coupe le plus riche et puissant de l’Europe Occidentale.

Henri II de Plantagenêt, le roi méprisé

De l’autre côté de la manche, Mathilde avait épousé en 1128 le comte d’Anjou , Geoffroy Plantagenêt. Elle est la fille héritière d ’Henri I roi d’Angleterre, fils de Guillaume le Conquérant. Leur fils qui est justement Henri de Plantagenêt succède au père en 1154, et devient Henri II roi d’Angleterre. Il a sous son contrôle l’Aquitaine grâce à son mariage avec Alienor, le Maine et l’Anjou (Normandie) qu’il  avait hérité de son père, et la Bretagne après le mariage de l’un des fils avec l’héritière du duché de Bretagne. Henri II de Plantagénêt se retrouve à la tête d’un immense territoire,  qui  va de l’Ecosse aux Pyrénées soit le tiers de la France. Il étend son règne sur toute l‘Angleterre, et fait des alliances avec  plusieurs seigneurs et comtes (Midi, Montpellier, Narbonne, Narbonne, Barcelone …). De quoi susciter des inquiétudes car cette situation d’hégémonie constitue une menace certaine pour le royaume de France, même si le nouveau roi d’Angleterre demeure  vassal de Louis VII du moins en apparence. Entre les deux souverains, le premier Plantagenêt et le second Capétien donc légitime, le conflit est chronique, il couve. La Guerre de cent ans entre la France et l’Angleterre n’a-t-elle pas déjà commencée ?

Richard Cœur de Lion arrive

De l’union d’Henri II et Alienor naissent quatre garçons : Richard, Henry, Geoffrey, Jean et trois filles : Mathilde, Alienor et Jeanne. La famille jusque là heureuse et unie commence à battre de l’aile. Le souverain devient de plus en plus autoritaire avec les siens, et despotique avec son peuple jusqu’à se faire détester. Sa liaison extra-conjugale avec la belle Rosemonde, envenime encore plus la situation. Commencent alors les intrigues, manipulés par Louis VII ses enfants Henri et Richard rentrent en conflit avec lui. Il partage à ses enfants son énorme territoire pour les calmer. Furieux il finit par jeter sa femme en prison, l’accusant de comploter contre lui avec les vassaux de France. Elle s’échappe pour aller demander  aide à son ex- époux Louis VII, mais elle est rattrapée avant d’arriver à Paris. Pendant qu’Henri II file le bel amour avec sa maîtresse, Alienor est enfermée dans la tour de Salisbury mais libre de circuler à l’intérieur. Sa captivité dure une quinzaine d’années entre le château de Salisbury et divers autres en Angleterre. Quant au roi il se réfugie en 1189 dans son château de Chinon, une de ses résidences françaises, où il décède le 6 juillet dans l’indifférence et presque seul. Son fils Richard qui deviendra Richard Cœur de Lion lui succède. Il libère sa mère et ramène la paix en Angleterre. Dix ans plus tôt (1 novembre 1179) en France, Louis VII gravement malade avait sacré son fils Philippe Auguste à la tête du royaume.

La croisade de Richard

Richard n’est pas souverain à rester assis sur son trône et attendre sans agir. Arrière-petit -fils de Guillaume le troubadour et fils de Alienor d’Aquitaine, il est cultivé et a lu tous les exploits guerriers du Moyen-Âge. Il rêve de gloire. L’opportunité se présente vite avec  la reprise de Jérusalem, la ville sainte, par les musulmans. Il décide de partir pour la troisième  croisade. Le nouveau roi de France se joint à l’expédition. Mais celui-ci, prétextant son mauvais état de santé, rentre au pays laissant Richard poursuivre la croisade. Celui-ci arrive à reprendre les principales villes de Palestine, mais pas Jérusalem. Flairant que la croisade ne peut aboutir et que son royaume est en danger, il négocie avec Saladin. Après avoir arraché une trêve et des droits pour les chrétiens, il prend le chemin du retour en octobre 1192. Il est arrêté à Corfou par Léopold V le duc d’Autriche. Celui-ci le livre à son ennemi, l’empereur germanique Henri VI, qui exige cent mille marcs pour le remettre en liberté.

La trahison

Pendant ce temps deux hommes vont exploiter cette situation. Jean le frère cadet de Richard (dit Jean sans Terre car il est le seul qui en est dépourvu) qui convoite la couronne d’Angleterre, prête hommage au roi de France pour l’aider. Il lui cède même une partie de la Normandie pour mille marcs d’argent, au moment où Philippe Auguste commence à envisager de s’attaquer aux biens des Plantagenêts en terre française. La détention de Richard Cœur de Lion dure deux longues années. Sa mère Alienor d’Aquitaine réussit à réunir la rançon, et obtient sa libération. Il rentre au pays mais ne tarde pas à débarquer en Normandie pour récupérer ses possessions. Entre Capétiens et Plantagenêts c’est de nouveau une guerre d’escarmouches, seulement pour  l’instant. Il meurt lors de l’une d’elles, le siège du château de Châlus-Chabrol (Limousin) le 6 avril 1199. Le royaume d’Angleterre est affaibli, Philippe Auguste en profite et déclare Jean qui a succédé à Richard déloyal. Un motif pour saisir les domaines dont le Plantagenêt a hérités, même par les armes. Il part en campagne début 1202 et s’empare de la Normandie, de la vallée de la Loire, de la Bretagne… et établie la domination capétienne sur la France. Alienor n’y survivra pas, elle assiste impuissante au déclin du pouvoir de son dernier fils. Pire elle apprend que le très symbolique Château- Gaillard (Limousin), bâti par son fils Richard Cœur de Lion est tombé entre les mains du roi de France. elle meurt quelques semaines après à l’âge de 82 ans (en mars 1204) à Poitiers, où elle s’était réfugiée. Mais entre-temps Jean tente bien une incursion en terre française, en débarquant en février 1214 à la Rochelle. C’est Louis fils de Philippe (pris ailleurs) qui lui fait face et le met en déroute. Le roi anglais revient en septembre pour  signer  une trêve de cinq ans, et céder  ses droits sur toutes ses possessions du nord de la Loire. La menace Plantagenêt est écartée, du moins pour quelques temps.

Benoist de Sainte Maure (XIIe), au service d’Henri II

mars 11th, 2013 | Posted by mus in Histoire de la littérature française | Litterature médiévale - (Commentaires fermés sur Benoist de Sainte Maure (XIIe), au service d’Henri II)
Le Cheval rentrant dans Troie

Un chroniqueur pour les ducs de Normandie

On sait peu de choses de ce trouvère et chroniqueur anglo-normand du XIIe siècle. Il est originaire sans doute des environs de Tours, où il est clerc. Son œuvre se limite à deux grands ouvrages, qui seraient commandés par Henri II Plantagenêt (duc de Normandie puis roi d’Angleterre) et Aliénor d’Aquitaine (la Reine). On lui connaît un penchant pour les récits de bataille (ce qui fait de lui un chroniqueur), où les exploits guerriers des héros se mêlent  au romanesque et à l’amour courtois.

« Le roman de Troie » : écrit entre 1160 et 1170 ce roman est la principale œuvre qui traite de la guerre de Troie au Moyen Âge. Il fait partie des trois plus grands classiques des romans antiques avec le «Roman de Thèbes»(1150) et « Roman d’Énéas » (1160). Benoist  met en roman les courts récits latins rapportés par Darès de Phrygie et Dictys de Crète, considérés comme témoins oculaires de cette guerre.

Priam roi de Troie, enlève Hèlène l’épouse de Melenas roi de Sparte, qu’il considère comme lui revenant de droit car promise par Aphrodite. Telle est l’origine principale de cette guerre. Le chroniqueur nous plonge dans l’antiquité latine, et le destin d’une splendide cité grecque Troie. Le mérite de Benoist, est de s’être inspiré des écrits latins de deux témoins oculaires du siège de Troie et de la bataille. Il s’agit de Darès un Phrygien et Dictis un Crétois. Dans cette trame de l’histoire et de légendes, exploits guerriers de héros qu’ils soient Grecs ou Troyens, aventures galantes et amours impossibles s’entremêlent pour nous conter la guerre de Troie. L’amour de Pâris et d’Hélène, de Jason et Médée, celui d’Achille et Polixène …étaient inéluctablement condamnés. Son récit intègre d’autres événements, puisqu’il commence avec la naissance même de la Cité. On y  retrouve l’expédition des Argonautes à l’origine de la première destrtuction de Troie, puis l’auteur nous mène de la conquête de la Toison d’or à la mort d’Ulysse. Benoist nous renvoie bien, l’image d’une cité et d’une civilisation enchanteresses.

« Chronique des Ducs de Normandie » (1180) : écrit également à la demande d’Henri II Plantagenêt (Duc de Normandie puis roi d’Angleterre) et d’Aliénor d’Aquitaine (La reine), avec notamment « La Vie de Guillaume le Conquérant » et « Les Vikings en Normandie ».

Il puise ses sources de chroniqueurs, et fouille dans le passé normand soucieux des origines et de l’hérédité. En réalité la demande des Plantagenets n’est pas innocente, elle est même guidée. Elle a pour but d’établir une lignée illustre de la famille pour justifier sa domination sur le royaume d’Angleterre et du duché de Normandie. Les ancêtres maternels Henri II sont exagérément glorifiés et rattachés à la Normandie, pour légitimer leur occupation du trône d’Angleterre. Dans les « Vikings en Normandie », il veut convaincre les Scandinaves de Neustrie qu’ils sont bien Normands, pour encourager leur assimilation. Benoît fait des ducs de Normandie des héros exemplaires de la société courtoise du XIIe siècle. Il va plus loin. Pour glorifier encore plus la famille régnante et ses sujets, il leur trouve même une origine troyenne, considérée comme prestigieuse et honorable (légende de l’origine troyenne des Normands). Ce qui permet en plus, éventuellement, d’avoir des prétentions dans l’Europe latine.

« Quand Ilion fut détruite, Antênor fut exilé,

Emportant maints grands trésors avec tous les gens qu’il avait ;

Il vogua sur les mers, tant qu’il put ; Souvent il fut assailli,

Subit des revers et fut défait jusqu’à ce qu’il arrive en ce pays,

Dont vous m’entendez parler.

Alors avec ses gens il s’y établit ; jamais ensuite défection ni abandon

Personne ne lui fit ; Et de lui sont issus les Danois » 

La vie de Guillaume le Conquérant : (1035-1087) l’auteur retrace le parcours extraordinaire d’un homme hors du commun, le plus célèbre sans doute des ducs de Normandie.

Né à Falaise en 1027-1028, huit ans après il devient le 7e duc de Normandie (Guillaume II de Normandie) suite au décès de son père. Né hors mariage, ce qui lui vaut le surnom de « Guillaume le Bâtard », les barons de Normandie conteste son autorité dès sa majorité, alors qu’il est Vassal du roi de France Henri 1er. Après avoir échappé à plusieurs tentatives d’assassinat, il se réfugie à Falaise. Le roi lui apporte son soutien, et l’aide à reconquérir son Duché. Pour assoir et élargir son pouvoir, il s’appuie sur des alliances et épouse  même le fille du comte de Flandre, nièce du roi. Ce qui lui confère une certaine autorité sur tout le nord de la France. Ce qui va inquiéter Henri 1er , qui voit en lui une menace pour son propre trône. Il envoie des troupes pour le combattre mais il résiste. Alors que le trône d’Angleterre est occupé par un Normand du nom Édouard le Confesseur, Guillaume se considère comme son successeur, en l’absence d’héritiers. Il y a en effet un lien de parenté entre lui, et la mère du roi d’Angleterre. A la mort de celui-ci, un aristocrate anglo-saxon du nom d’Harold Godwinson s’empare du trône. Guillaume le Conquérant refuse le fait accompli, il envahit l’Angleterre sur laquelle il va régner 20 ans durant, soit jusqu’à sa mort suite à une blessure accidentelle.

Son corps repose toujours au sein de l’église  Saint-Étienne de Caen. A Bayeux où se trouve un cimetière anglais, on peut lire l’inscription « Nous vaincus par Guillaume, avons libéré la patrie du vainqueur »

 

Marie de France, première fabuliste française

mars 8th, 2013 | Posted by mus in Litterature médiévale - (Commentaires fermés sur Marie de France, première fabuliste française)
Marie de France, fabuliste médiévale

MARIE DE FRANCE (1154-1189) 

Poétesse et fabuliste contemporaine de Chrétien de Troyes (conteur arthurien), on ne connaît pas grand-chose. On pense qu’elle serait issue d’une grande famille parisienne proche de la cour d’Henri II Plantagenêt (roi d’Angleterre) et Aliénor d’Aquitaine (la reine et petite fille de Guillaume d’Aquitaine), et donc qu’elle a vécu surtout en Angleterre. On sait aussi que première écrivaine en langue française, elle était polyglotte: latin, anglais, et français. Ce n’est qu’au début du XVI siècle que le nom de Marie de France lui est attribué. Dans l’épilogue de ses « Fables » elle se présente en effet : « Marie ai num, si sui de France » (Marie est mon nom, je suis de l’Île de France).

Elle commence par traduire du latin des thèmes de l’antiquité, avant de se tourner vers l’écriture soucieuse de préserver les contes qu’elle a entendus. Son inspiration elle la tire de l’antiquité et des traditions et légendes bretonnes et celtes en général. Elle se met à écrire des fables en vers qu’elle appelle lais. Ce qui fait d’elle la première fabuliste française. En celte lai qualifie le chant du merle, puis plus tard un poème accompagné à la harpe. Ces lais ne dépassent jamais six cents vers, donc courts et s’intéressent essentiellement aux personnages et pas au milieu. C’est l’amour courtois et aussi l’adultère qui revient le plus souvent dans ses écrits, avec ces vaillants chevaliers à qui arrivent de galantes aventures. Certains par contre son dédié au roi et à la reine Aliénor, bien connue pour être une patronne des troubadours et autres artistes, et qui l’aurait encouragée à écrire. Elle loue l’amour courtois et pour autrui dans plusieurs adaptations de légendes. Le réalisme et le féerique s’y mêlent étroitement. Preuve de sa célébrité, ses lais sont traduits en Scandinavie.

On lui connaît 14 lais : si certains traitent de l’amour courtois, d’autres sont une invitation à tirer des leçons, notamment concernant l’amour égoïste. Voici quelque uns des plus célèbres :

Lais:

Le lai des deus Amanz (Le lai des deux amants) : un roi en Normandie veuf de son état, n’a plus que sa fille comme consolation. Son entourage lui reproche de repousser tous les prétendants, bien que riches et de bonne famille. Pour ne plus avoir l’air de ne pas vouloir accorder la main de sa fille, il imagine un défi à relever pour tout soupirant. Il annonce « Qui ma fille voudra avoir, devra la porter sans jamais la poser jusqu’au sommet du mont » Tous ceux qui tentent leur chance échouent au grand bonheur du roi. Mais un jour elle et le fils d’un comte s’éprennent l’un de l’autre. Sachant qu’il ne peut relever le défi, le beau jeune homme lui propose de l’emmener loin. Mais la belle ne veut pas attrister son père. Elle lui préconise d’aller chez une parente, spécialiste en herbes magiques. Dans la lettre la jeune fille explique à sa tante que son amoureux a besoin d’un breuvage, pour avoir la force de la porter jusqu’au mont. De retour le jeune homme demande au roi la main de sa fille. Lors de l’ascension du mont, il s’abstient de prendre la potion magique, malgré l’insistance de la fille quand elle le sent sur le point de fléchir « Belle je sens mon cœur tout fort… ». Arrivé au but, il tombe raide mort. Elle s’allonge près de lui, l’étreint très fort et meurt de chagrin. On les enterre sur ce mont, qui devient celui « des deux amants »

Le lai de Lanval : un lai arthurien qui a trait aux chevaliers de la table ronde, qui illustre bien l’amour courtois. Deux ravissantes jeunes filles présentent au chevalier Lanval leur maîtresse, une créature, une fée dotée d’une beauté exceptionnelle. Il est émerveillé, hypnotisé, son cœur est vite ravi. Elle lui offre ce qu’elle a de mieux et surtout son cœur, en échange de quoi il s’engage à ne jamais faire allusion à son existence, sous peine de ne plus le revoir. Dans la cour du roi Arthur qui la néglige, la reine Geneviève lui fait la cour mais il rejette ses avances. Furieuse elle fait circuler la rumeur selon laquelle Laval préfère les hommes. Devant cette accusation gravissime, il n’a plus le choix que d’avouer sa secrète liaison avec la plus belle fille du monde. Blessée par cet aveu, la reine manipule Arthur qui oblige le chevalier à apporter des preuves. L’amante apparaît pour sauver Lanval malgré sa trahison, et l’emmène dans son monde magique…

Le lai de Chevrefoil (chèvrefeuille): il a trait aux amours de Tristan et Iseult de la légende galloise. Tristan orphelin, est pris par son oncle le roi Marc de Cornouailles sous sa protection. Dans la cour il est remarqué pour son courage. Le roi veut épouser Iseut la blonde. Il charge son neveu d’aller la ramener d’Irlande. Au retour les deux jeunes personnes boivent par erreur, le filtre d’amour que la maman de la jeune fille avait préparé pour les nouveaux mariés. Ils s’éprennent éperdument l’un de l’autre. La nuit de noces, craignant que Marc ne découvre qu’elle n’est plus chaste, Iseult se fait remplacer par Brangien sa fidèle. Tristan et Iseult continuent de s’aimer secrètement. « Ni vous sans moi, ni moi sans vous » lui écrit-il sur le tronc de l’arbre où ils se retrouvent ou lui laisse des messages. Découverts ils sont condamnés au bûcher, mais par miracle ils arrivent à fuir, pour vivre dans la misère dans la forêt. Un jour le roi en personne les découvre dans une cabane endormis. L’épée de Tristan plantée entre eux, lui fait croire qu’il ne s’est rien passé. Il les épargne. Le jeune homme s’exile en Bretagne où il épouse Iseult- aux-Blanches-Mains. Mais l’amour est trop fort. Il revient en prenant divers déguisements, pour rencontrer sa bien-aimée. De retour en Bretagne il est blessé à mort lors d’un combat. Il réclame Iseult la Blonde qui seule peut le sauver de la mort. « Que Dieu nous sauve, Yseult et moi !» Elle accourt à son secours, mais la femme de Tristan par jalousie lui fait croire qu’elle n’est pas dans le bateau. La tristesse, le désespoir de voir son amour le laisser tomber accélère sa mort. « Puisque vous ne voulez pas venir à moi, votre amour me tue. Je ne peux plus retenir ma vie. Je meurs pour vous, Yseult ma belle amie » Iseult arrive et découvre le drame. « Ami Tristan, quand je vous vois mort, il m’est impossible de trouver une bonne raison de vivre. Vous êtes mort de l’amour que vous me portiez, et moi je meurs, ami, de tendresse, puisque je n’ai pas pu venir à temps vous guérir de votre mal »  Elle se jette sur le corps de son ami et meurt.

Le lai de Yonec : C’est une histoire d’amour entre une femme mal mariée et un jeune chevalier. C’est un amour impossible et secret. La femme est enfermée et très surveillée par le vieux mari jaloux et méfiant, « Maudits soient mes parents, Ainsi que tous les autres, Qui ont donné mon âme à ce jaloux, et ont unis mon corps au sien,… Maudit soit ma naissance ! Ma destinée est très dur » Un jour, un oiseau rentre par sa fenêtre. Elle est subjugué de le voir se transformer en un beau chevalier, qu’elle s’exclama « chevaler bel e gent devint » (beau et noble chevalier il devint). Il est là pour la consoler, lui tenir compagnie mais il lui avoue « cela fait longtemps que je vous aime et je vous ai beaucoup désirée dans mon cœur. Jamais je n’ai aimé d’autre femme que vous ». Les amants sont découverts et dénoncés, le mari tue l’amant, alors que sa femme est enceinte. Yonec fruit de la liaison des deux amants vient au monde. Dès qu’il grandit, sa mère lui remet une épée, celle du chevalier disparu, et venge son père…

Le lai Bisclavret : Bisclavret seigneur et ami du roi, est obligé de s’absenter deux à trois jours par mois. Devant l’insistance de sa femme qui le soupçonne d’infidélité, il avoue se transformer en loup-garou à chaque pleine lune. C’est dans la forêt, après avoir pris soin d’enlever et cacher ses vêtements, que la mue s’opère. Son épouse arrive même à lui faire dire où il cache ses vêtements. Elle appelle un jeune chevalier épris d’elle et lui promet mariage s’il lui ramenait les habits de son mari, la prochaine lune. Privé de ses habits Bisclarvet ne peut retrouver sa forme humaine…Les circonstances font qu’il est recueilli par le roi, et mis en présence des deux amants, il les attaque, alors qu’il est inoffensif avec les autres. Torturés ils avouent leur forfait…

Autres lais : 

Lai de Frêne, Lai du Chaitivel, Lai de Milun, Lai d’Eliduc, Lai de Guigemard, Lai d’ Equitain, Lai du Loastic.

Ysopet :

Recueil de fables adaptées des fables d’Esope, le Grec supposé être le créateur du genre. Elles sont au nombre de cent trois, dont voici quelques titres :

En ancien français: Dou Chien é dou Fourmaige, Dou Lion malade et dou Goupil, La Mort et le Bosquillon, de la Soris é de la Renoille, Dou Chien é d’une Berbis, Dou Corbel é d’un Werpilz.

En français nouveau : L’Abeille et la Mouche, L’Ane et le Chien, Les Corbeaux, Le Blaireau et le Cochon, Le Bouc et le Cheval, le Chameau et la Puce, Le Chat qui se fit Evêque.

Roman :

L’Espurgatoire saint Patrice : vieillissante (plus de 60 ans) l’auteur nous emmène dans l’au-delà. Elle décrit avec des détails ahurissants l’enfer et les souffrances du Purgatoire, les peines de l’autre monde, qui attendent le commun des mortels. Elle le fait à travers le voyage d’un chevalier (Owen) dans l’au-delà, qui va affronter une dizaine d’affreux et intenables tourments. Le châtiment pour la Luxure par exemple est la suspension par les organes sexuels (genitailles en moyen français). L’Orgueil est puni en attachant les suppliciés à une roue qui tournent et les élève vers un brasier…Le roman nous plonge dans la représentation qu’on se faisait au Moyen Âge des péchés et du châtiment divin.

La croisade de trop de Saint-Louis

février 28th, 2013 | Posted by mus in Histoire de la littérature française | Le Moyen Âge - (Commentaires fermés sur La croisade de trop de Saint-Louis)
Mort de Louis IX sous une tente à Tunis

Baybars envahit tout l’Orient

Après le passage de Louis IX en Terre Sainte  les Mongols ont envahi la région du Moyen-Orient. S’alliant avec  la principauté d’Antioche et  le royaume d’Arménie , ils ont conquis les importants émirats de Damas et d’Alep. En face les Mamelouks d’Egypte se sont alliés le royaume de jérusalemem et le comté de Tripoli pour défendre leurs possessions. Mais le décès du chef mongole  le grand khan Mongka, a obligé les envahisseurs à rentrer chez eux pour les funérailles. Les Mongoles menés cette fois par le khan de Perse Hulagu, sont  revenus peu après  pour  récupérer leurs précédentes conquêtes. Mais cette fois ils ont été battus par Sayf ad-Dîn Qutuz, le sultan mamelouk, à Aïn Djallout en septembre 1260. Fort de cette victoire il s’est emparé de Damas et d’Alep, avant d’encercler les royaumes francs. Baybars avait participé activement au renversement de la dynastie ayyoub au profit de celle des mamelouk. Il a alors réclamé à Qutuz, en guise de récompense,  le poste de gouverneur de Damas. Devant le refus du sultan il le renverse. Plus ambitieux et redoutable guerrier, il a entreprit d’attaquer ce qui reste des Etats latin d’Orient. Ils s’est emparé entre 1261 et 1268 de Césarée, de la forteresse des Templiers (Safed), Haïfa, Toron, Nazareth, Arsouf , Jaffa et Antioche.

Louis IX repart en croisade 

En Europe  Louis IX dit « Saint-Louis » et le pape Urbain IV notamment suivent avec inquiétude ces évènements. Les Etats latins d’Orient sont plus que jamais menacés par un Baybars déterminé à les détruire. L’Occident chrétien va de nouveau devoir aller au secours de l’Orient chrétien. Le souverain pontife décide avec le soutien du roi de France de lever un impôt pour soutenir les chrétiens d’Orient, et organiser une autre croisade. Seize ans après sa première, qui s’est soldé par un humiliant échec, l’occasion de prendre sa revanche en Terre Sainte se présente pour Saint-Louis. Celui-ci envoie même des émissaires pour conclure avec le khan Hulagu (qui a aussi une revanche à prendre) une alliance, pour en finir avec  le sultan mamelouk.

Cette huitième croisade bien que mal accueillie, est décidée pour mai 1270. La flotte de Louis IX part de Cagliari (Italie) le 15 juillet 1270. Le roi est accompagné de ses 3 fils et de plusieurs  personnalités de la noblesse. Le prince Edouard d’Angleterre  doit les rejoindre  avec  sa propre flotte plus tard. Les croisés débarquent à Tunis le 18 juillet, avec l’idée de se rallier en chemin n le sultan Mohammed Mostanser en le convertissant. Celui-ci au contraire appelle Baybars à son secours. Le roi et  ses hommes sont alors sans cesse harcelés  par les musulmans.

Les croisés dans l »enfer de Tunis

Leur séjour en terre tunisienne tourne vite au cauchemar à cause de la canicule, et du manque d’eau potable. La maladie se propage dans le camp croisé, emportant  Jean Tristan (fils du roi) le 2 août, puis le roi lui-même le 25 du même mois. D’autres morts sont à déplorer : Alphonse de Brienne (légat du pape), Hugues XII de Lusignan (comte de la Marche et d’Angoulême), le Maréchal Gautier de Nemours, Raoul Grosparmy (homme d’église, garde des sceaux) et de bien d’autres. Philippe III dit le Hardi prend la place de son père, mais c’est Charles Ier d’Anjou (frère de Louis IX et roi de Sicile) qui dirige les opérations. Etant donnée la situation  il négocie avec le sultan de Tunis une indemnisation, en contrepartie de l’évacuation de Tunis. Il obtient  210 000 onces d’or,  en plus de la liberté pour les chrétiens de prêcher, prier et commercer librement. C’est à ce moment que le prince Édouard d’Angleterre arrive au large de Tunis, où il apprend la conclusion de l’accord. Il continue sa route vers la Terre Sainte avec un millier d’hommes pour sa propre croisade, la neuvième puisque la huitième a déjà  échouée. Son frère Edmond le rejoint en septembre avec  ses propres hommes, puis le roi Hugues III.

La croisade du roi Edouard d’Angleterre 

Après une tentative pour combattre, avec le concours d’Hugues III, roi de Chypre, et des Mongoles (qui n’ont fait que piller et rentrer chez eux), Edouard se rend compte qu’il n’a pas les moyens de défaire Baybars. Il fait alors preuve d’une grande sagesse, et de beaucoup d’intelligence dans la gestion de sa croisade. Avec  Hugues III et l’arbitrage de Charles Ier d’Anjou, il conclut à Césarée le 22 mai 1272 une trêve de dix ans avec le sultan égyptien. L’accord va permettre au royaume chrétien (réduit à Saint-Jean-d’Acre et ses environs) de survivre encore une vingtaine d’année, et d’assurer  dix ans de paix aux chrétiens d’Orient. Mais à peine la trêve arrivée à terme, les Mamelouks repartent  pour  conquérir les dernières possessions des croisés en Terre Sainte. Les derniers Etats latins d’Orient  tombent l’un après l’autre,  la citadelle de Thabor et Saint-Jean-d’Acre aussi  vers la fin mai 1291 malgré la résistance des Templiers et des chevaliers de l’Hospital.  Toute la Palestine retombe entre les  mains des musulmans, sonnant la fin de l’empire latin d’Orient et des croisades.

Abelard et Héloïse, ou un amour médiéval

février 27th, 2013 | Posted by mus in Litterature médiévale - (Commentaires fermés sur Abelard et Héloïse, ou un amour médiéval)
Le maître et l'élève surpris par l'oncle

ABELARD (1079-1142) et HÉLOÏSE (1110-1164)

« En doutant nous venons à la recherche, en cherchant nous percevons la vérité » dixit Abélard.

Professeur, philosophe et théologien, Pierre Abélard est né à Le Pallet un bourg de Bretagne d’une famille de la petite noblesse. Surdoué pour son époque, il se retrouve à Loches entre 1093 et 1099 où il a comme maître Roschelin (célèbre pour son introduction du nominalisme en logique). Il arrive à Paris vers 1100. A l’Ecole cathédrale de Paris, où il est un brillant élève, il a comme maître Guillaume de Champeaux (archidiacre de Paris et chanoine de Notre-Dame).

Dialecticien avéré maniant le langage et la grammaire à merveille, ses idées agacent même les grands maîtres au point de lui valoir des déboires. Il ose par exemple confronter foi et raison en abordant la théologie (sacrée) avec la rigueur et la méthode du philosophe. Il est se met à la recherche de lien entre la science et la religion, et devient vite un maître de la logique, dépassant ses maîtres. Il est le premier à utiliser le vocable théologie, pour désigner un ouvrage exclusivement consacré aux religions. Écarté pour ses idées de l’enseignement, il crée sa propre école en 1110 sur la Montagne Sainte-Geneviève pour instruire sur la rhétorique et la philosophie scolastique. Il y reçoit des auditeurs de toutes les nations. Cette école deviendra un siècle plus tard Université (la Sorbonne installée par Robert de Sorban). Il Mais il revient par la grande porte, quand on lui offre une chaire dans la prestigieuse Ecole Cathédrale de Paris où la gloire l’attend. Les élèves affluent toujours de partout même de l’étranger pour suivre le maître. Chassé de nouveau par ceux qui combattent ses idées, il se retrouve moine à l’abbaye royale de Saint-Denis, ermite au Paraclet (Champagne) et même abbé réformateur en Bretagne. Il revient à Paris enseigner quelques années, avant de se retirer à cause de ses déboires avec l’Eglise. Il restera le logicien, l’humaniste, le moraliste le plus célèbre de son époque. On lui doit d’être l’un des principaux fondateurs de la méthode scolastique, mais aussi l’acteur le plus important du renouveau des arts du langage de son époque. « En doutant nous venons à la recherche, en cherchant nous percevons la vérité » dixit Abelard.

La rencontre avec Héloïse :

La jeune fille est accueillie par son oncle Fulbert (chanoine laïc dans Notre-Dame) dans l’enceinte de Notre Dame. Elle est déjà brillante avec ses connaissances en lettres classiques (latin, grec et même hébreu). Le chanoine engage alors Abélard comme tuteur de sa nièce pour parfaire son éducation. Elle a 18 ans et lui 40, mais ils tombent vite amoureux l’un de l’autre. L’oncle soupçonneux les surveille. L’amante écrira plus tard « « Sous prétexte d’étudier, nous nous livrions entiers à l’amour …. Notre ardeur connut toutes les phases de l’amour, et  tous les raffinements insolites que l’amour imagine, nous en fîmes l’expérience ».

Les malheurs d’un couple devenu mythique :

Héloïse tombe enceinte quelques temps après. Elle se rend  en Bretagne chez la sœur d’Abelard pour accoucher secrètement, puis les deux amoureux légitiment leur union par le mariage. De retour à Paris elle se réfugie au couvent d’Argenteuil, brillante elle en devient l’Abbesse. L’oncle jaloux et furieux se venge de cette liaison qu’il n’approuve pas d’une manière criminelle, en envoyant ses amis castrer Abélard. Alors que la jeune femme est chassée du couvent, son mari l’installe au Paraclet. Lui-même trouve pour un temps refuge comme moine dans l’abbaye de Saint-Denis. Ils échangent une correspondance de plus de 113 lettres, célèbres par leur contenu. Ainsi par exemple, de sa retraite l’amante écrit même devenue religieuse « les plaisirs amoureux que nous avons goûtés ensemble ont pour moi tant de douceur, que je ne parviens pas à me les délester… » Même durant ses prières elle ne cesse de penser à lui « Au cours même des solennités de la messe, où la prière devrait être plus pure encore, des images obscènes assaillent ma pauvre âme (…). Loin de gémir des fautes que j’ai commises, je pense en soupirant à celles que je ne peux plus commettre ». Le couvent d’Argenteuil chasse la jeune femme, Abélard lui propose de s’installer au Paraclet

Pendant ce temps Bernard de Clairvaux (moine conservateur et prêcheur de la seconde croisade et non moins son ennemi juré) s’acharne sur lui pour ses convictions religieuses certes, mais plus pour son immense célébrité et ses prouesses dialectiques. Il est condamné au concile de Soissons en 1121, puis à celui de Sens en 1141. La condamnation est  même confirmée cette fois par le pape Eugène III, initiateur de la deuxième croisade. Son dernier livre est également condamné.

Unis pour l’éternité 

Leur correspondance qu’ils ont entretenue  séparés, mélange de passion et de piété ( qui correspond bien à l’amour courtois de  l’époque), montre bien que les deux amants ont continué à s’aimer toute leur vie. Héloïse devient abbesse d’un couvent à Provins qu’elle gérera elle-même. Adélard n’est pas loin, il fonde non loin de là à Paraclet son monastère. Se voient-ils tout ce temps secrètement ? Nul ne peut l’affirmer, puisque qu’il n’est pas fait mention dans aucune des lettres. Ils y demeurent jusqu’à leur mort, lui une vingtaine d’années avant elle. Ils resteront unis dans la mort pour l’éternité, puisqu’ils seront mis dans le même cercueil main dans la main. Sur l’initiative de la Mairie de Paris, leurs ossements sont transférés tout comme ceux de Molière, La Fontaine et de pères jésuites en 1817 au lendemain de la Révolution. Ils figurent désormais dans la collection du musée des monuments français, au cimetière Père Lachaise.  Ce couple mythique n’a pas laissé indifférent. Jean Jacques Rousseau lui-même s’est inspiré de la vie d’Héloïse en écrivant « Julie ou la Nouvelle Héloïse » en 1761. Plus près de nous  en 1991, un jardin de 8000m2  « le square Héloïse et Abélard » dans le 13ème arrondissement  leur est dédié. Plus près encore le chanteur américain Frank Black, chante « Héloïse », une chanson inspirée de l’héroïne du Moyen âge.

Œuvres de Pierre Abélard :

De unitate et trinitate divina, sive Theologia Summi Boni (De l’unité et de la trinité divine, ou Théologie du Bien Suprême, 1120) :

Dans cet ouvrage, on découvre le terme théologie que l’auteur est donc le premier à utiliser. Il est écrit que Dieu ou substance divine est trois personnes « le Père », « le Fils », et « le Saint-Esprit », c’est à dire puissance, sagesse et bonté. Pourtant il n’y a qu’un seul Dieu, formé de la réunion de ces trois aussi différents les uns des autres. Pour l’auteur la foi est l’opinion que l’on se fait des réalités cachées, non évidentes. Il est accusé de trithéisme, alors que l’ouvrage est condamné lors du concile de Soissons en 1121 sous la pression de Bernard de Clairvaux, ennemi juré d’Abelard.

Sic et Non (Oui et Non, ou c’est ça ou ce n’est pas ça, 1122):

L’ensemble de l’ouvrage est disposé selon trois catégories. Foi, sacrements et charité sont abordés avec l’esprit d’un maître es arts du langage. L’auteur y relève les contradictions qu’il y a dans les écrits des Pères de l’Eglise. Il pose un certain nombre de questions sur leurs affirmations qui s’opposent souvent, et auxquelles il tente de répondre. Pour lui le respect à l’autorité de ces gens ne doit pas empêcher l’effort de s’interroger et de chercher la vérité. La critique doit être libre car elle permet d’exciter la personne en quête de vérité clé de la connaissance. « En doutant nous venons examiner, et en examinant nous atteignant la vérité » résume bien sa pensée. Abelard semble bel et bien remettre en cause l’autorité établie, ce qui lui vaut une fronde d’Hommes d’Eglise.

Ethica sive Scito te ipsum (Éthique, ou Connais-toi toi-même, 1139 ou 1125) :

L’auteur s’inspire des propos d’Héloïse dans cette œuvre de logique. Ils lui suggèrent que toute théorie morale est fondée avant tout sur l’intention, c’est-à-dire pas ce qui se fait mais plutôt dans quel état d’esprit cela se fait. « La culpabilité n’est pas dans l’acte mais dans la disposition de l’esprit. La justice pèse, non les actes, mais les intentions. Or mes intentions à ton égard, tu es le seul qui peut en juger, puisque tu es le seul à les avoir mises à l’épreuve » dixit Héloïse. C’est  ainsi  qu’Abelard considère que le péché ce n’est pas tant mal faire (le résultat), mais plutôt l’intention de  nuire. Pour  lui donc ce n’est pas le résultat de l’action (qu’il considère matérialisme moral) qui doit être jugé mais plutôt l’intention elle-même.

Dialogus inter Philosophum, Christianum et Iudaeum, sive Collationes (« Dialogue entre un philosophe, un chrétien et un juif, ou conférences », 1136-1139 ou 1125-1127) :

L’auteur traite dans cet ouvrage du dialogue interculturel. Il met en scène des personnages imaginaire ou qui lui apparaissent dans un rêve qui s’engage dans un débat sur le bien suprême et le bonheur. Alors que le philosophe dit ne suivre que la raison naturelle, le chrétien défend la chrétienté selon un angle philosophique et le juif suit l’ancienne loi.

Carmen ad Astralabium (Poème à Astrolabe, 1132-1139) :

Poème dans lequel la plus grande partie des vers contient des instructions morales assez générales et traditionnelles. On y trouve de nombreuses références aux saintes Ecritures, et aux œuvres des Pères de l’Eglise. Texte didactique de nature morale dédié à son fils Astrolabe, c’est tout un programme de formation éthique pour un jeune homme de l’époque qui est proposé.

Historia calamitatum (Histoire de mes malheurs, vers 1132) :

Il s’agit d’une longue lettre adressée à un ami inconnu mais dans la peine comme lui (qui n’est peut-être qu’un personnage imaginaire), dans laquelle Abélard expose les épreuves, les persécutions, le martyr dont il a été victime à cause de ses idées et de son amour pour Héloïse. La lettre commence par « Aussi, après vous avoir fait entendre de vive voix quelques consolations, je veux retracer à vos yeux le tableau de mes propres infortunes : j’espère qu’en comparant mes malheurs et les vôtres, vous reconnaîtrez que vos épreuves ne sont rien ou qu’elles sont peu de chose… » Il fait état de sa rencontre avec Héloïse et de leur amour, qui leur a valu bien des malheurs « …nous fûmes d’abord réunis par le même toit, puis par le cœur. Sous prétexte d’étudier, nous étions tout entiers à l’amour… » Il raconte son ascension fulgurante jusqu’à faire des jaloux et des ennemis. A propos de son premier maître Guillaume de Champeaux, il écrit « … je ne tardai pas à lui devenir incommode, parce que je m’attachais à réfuter certaines de ses idées,…les partisans les plus passionnés de ce grand docteur et mes adversaires les plus violents l’abandonnèrent pour accourir à mes leçons… »

Sententiae Parisienses (Sentences de Paris ou Sentences théologiques, après 1138):

Cette œuvre nous renseigne bien sur les idées qu’il se fait de la foi en Dieu et du Christ, tout comme des sacrements et de la morale. Elle consacre son principe selon lequel toute vertu est charité. Sententiae Parisienses sont un véritable enseignement moral.

Confessio fidei ad Heloisam (Profession de foi à Héloïse, 1141)

Abelard répond pour la troisième fois indirectement à Saint Bernard qui l’accuse d’hérésie. Il s’explique et se justifie en ce qui concerne sa position théologique, ses croyances divines. Dans ce qui est considéré comme la dernière lettre de l’amant à sa femme, il le fait d’une manière accessible à tous pour être bien compris.

« Ma soeur Héloïse, toi qui m’étais autrefois si chère dans le siècle et qui m’es aujourd’hui plus chère encore en Jésus-Christ, la logique m’a rendu odieux au monde. Des pervers qui pervertissent tout et dont la sagesse est toute occupée à nuire… Je renonce au titre de philosophe, si je dois être en désaccord avec Saint Paul; je ne veux pas être un philosophe pour être séparé du Christ….  Je crois en Dieu, le Père, le Fils et le Saint Esprit, seul et vrai Dieu, qui admet la Trinité dans les personnes sans jamais cesser de conserver l’unité dans la substance… Je reconnais que le Saint Esprit est consubstantiel et égal en toutes choses au Père et au Fils, et je l’ai souvent désigné dans mes écrits sous le nom de bonté suprême… »

Autres œuvres :

Theologia Christiana (Théologie chrétienne, 1124)

Theologia Scholarium (« Théologie scolaire, Introduction à la théologie, 1133-1137)

Commentaria In Epistolam Pauli ad Romanos (Commentaires sur l’épître aux Romains de saint Paul vers 1139).

Apologia contra Bernardum (Apologie contre Bernard de Clairvaux,1139-1140) : Première réponse aux accusations d’hérésie de Bernard Clairvaux (Saint Bernard plus tard).

Confessio fidei Universis (Profession de foi universelle) : Deuxième réponse à Saint Bernard.

Epistolae I-VIII ( Règle pour le Parac

Ecrivains médiévaux,Guillaume IX de Poitiers le troubadour

février 23rd, 2013 | Posted by mus in Litterature médiévale - (Commentaires fermés sur Ecrivains médiévaux,Guillaume IX de Poitiers le troubadour)
Guillaume IX le comte-poète

Les écrivains du Moyen Âge : 

Sans tous ces hommes et ces femmes, nous ne connaîtrions pas grand-chose du moyen âge. Nous commençons avec Guillaume IX, la présentation des écrivains et poètes de cette époque ainsi que leurs oeuvres.

GUILLAUME IX de Poitiers (1071-1126) :

Né le 22 octobre 1071 Guilhem IX de Peitieus en limousin est le premier troubadour, fondateur de la poésie occitane donc en langue romane (ou vulgaire de l’Europe médiévale). Duc d’Aquitaine et Comte de Poitiers, grand-père d’Aliénor d’Aquitaine (reine de France puis d’Angleterre), puissant et riche seigneur prince, héros même d’épopées (première croisade, campagne contre les Maures en Espagne…), il est le premier poète médiéval depuis saint Fortuna (Vie siècle). Il est considéré comme l’un des précurseurs de l’amour courtois. Même s’il évoque la guerre et ses conséquences, il traite surtout de la joie de vivre, des femmes et de l’amour. Ce qui fait de lui certainement, le premier poète à s’engager dans l’écriture érotique. L’expression littéraire de Guillaume dévoile deux aspects contradictoire de sa personne : dérision et cynisme d’un côté, grande courtoisie de l’autre.

Comme ses poèmes sont considérés obscènes et vulgaires, jusqu’à faire état de ses prouesses sexuelles, il est présenté comme un débauché. Sa vie privée (aventures avec les femmes) fait scandale, ce qui lui vaut d’être excommunié par l’évêque de Poitiers. Mais la passion qu’il voue à la Dangerosa (sa maitresse) lui fait découvrir l’amour pur, et que l’homme peut tout aussi bien aimer à la perfection : c’est le « fin’amor » qui l’entraine vers la chanson d’amour pure pour donner naissance à la poésie courtoise. Les textes de Guillaume sont de courts poèmes, des trobars (poèmes chantés) dont il définit lui-même les règles. En ce sens ils contrastent avec les longs récits d’épopées. Il est également connu pour sa passion pour les arts et les lettres. C’est pourquoi sa cour ne désemplit pas, il reçoit souvent des artistes qui viennent parfois de loin.

Troubadour qu’il est, il ne reste pas indifférent aux graves évènements de son époque. S’il profite du départ du comte Raymond IV en croisade (première croisade de  Godefroy De Bouillon) pour annexer Toulouse sa ville, il rejoint celle-ci en mars 1101 accompagné de ses frères Beaudoin et Eustache à la tête de 30 000 hommes. Jérusalem reconquise, il prolonge son séjour pour combattre en Anatolie. Battu puis captif après avoir perdu la presque totalité de ses hommes, il rentre en France une année plus tard (1102). Il part pour une autre croisade en 1220 en Espagne cette fois. Il se bat pendant trois ans dans le royaume de Valence, contre les musulmans pour la Reconquista.

Après une vie de luxure et de débauche dans sa cour, le roi des troubadours consacre la fin de ses jours à la religion avant de mourir en février 1127. Entre-temps il fait reconstruire le palais des comtes de Poitiers, et fait d’importantes donations à l’Eglise. De l’œuvre de Guillaume de Poitiers, malheureusement seules onze pièces et chansons nous sont parvenues. Dans certaines il évoque l’amour, dans d’autres la guerre et ses conséquences sur lui mais de manière plaisante néanmoins (captivité en orient lors des Croisades).

Œuvre connue du troubadour :

Poèmes ou chansons:

Genre descriptif :

« Pos de chantar m’es pres talens »

(Je peux chanter tout ce que m’est pris du talent)

Je peux chanter de mon talent,
Je fais un vers des sentiments,
Je ne serai jamais servant
En Poitou et en Limousin
 
Je partirai, selon l’exil
De la grande peur et du péril,
En guerre, au fils, à ma grande file
Feront, le grand mal, ses voisins.
 
Je quitterai pour l’amitié
La seigneurie de Poitier
Foucon d’Angers, la moitié
De toute ma terre, oh son cousin!…

« Farai un vers de dreyt nien »

(Je ferai un vers d’aucun droit)

Je fais un vers d’aucun giguant
Ni de moi ni d’autre gent
Ni de l’amour ni des jeunes femmes
D’aucun sur vos_rues
Je me trouve alors qu’en dormant
Sur les chevaux_où

 

Je ne sais pas quand je suis né
Ne suis jovial ni irrité,
Ni étranger comme ni privé
N’en puis aller_crû
La nuit où je la dote les fées
Par fois du haut_nu…

« Pus vezem de novelh florir »

(Puisque nous voyons de nouveau fleurir)»

Nous voyons, de nouveau, fleurir
Les vergers avec les prés verdir
Que les fontaines fassent le plaisir,
Souffle le vent
Que la joie lui soit départie
Plus doucement.
 
Dis bien d’Amour, et je le loue
Pourquoi je n’ai ni peu ni prou?
Car je le chante je cave le trou
Que la grande joie
Nous soit donné plus aisément,
J’observe ses lois…
 
« Ben vuelh que sapchon li pulzor »(version 1)

(Bien on veut que on sache le contraste)

 Je voudrais bien comme la plupart des gens de savoir
si ce verset est bien conçu.
J’ai le produire à partir de mon atelier,
depuis que je suis vraiment le champion de cet art
et il est vrai
et je venir comme témoin ce verset lui-même
quand il est fait.
 
Je sais que la sagesse et la folie bien,
et je sais que la honte et de l’honneur
et je dois à la fois peur et le courage;
et si vous proposez un amour du jeu
, je ne suis pas si stupide
que je ne peux pas dire le meilleur
parmi les médiocres.
 
Je sais bien que ceux qui veulent du bien
et ceux qui me haïssent aussi bien
et je sais qui rend joyeux avec moi,
et si messieurs enojy mon entreprise,
je suis tout à fait conscient
que je dois prendre soin de leur confort
et de leur amusement…
 
« Ben vuelh que sapchan li pulzor»(version 2)

(Je veux qu’on chante de la pudeur)

Je veux qu’on chante de la pudeur
Qu’on sache s’elle est de bonne couleur
Ce « vers » très bref prend son auteur
De son métier, j’emporte la fleur,
En vérité,
J’ai le témoin du « vrai acteur »
Qui est lacé.
 
J’ai vu les fous et les penseurs,
J’ai vu la honte avec l’honneur
Et j’ai connu l’audace, la peur
Et son amour, comme leur jongleur,
Je n’en suis pas
Sot que je ne sois pas meilleur
Parmi les choix…
 
Narration sarcastique :

«I Companho, faray un vers … convien »

(Compagnon, je ferai un vers… convenable)

Amis, je ferai un vers qui vous intéresse
 
Amis, je ferai un vers qui vous intéresse
Parce qu’il aura plus de folie que de sagesse,
Trouvez le pêle-mêle l’amour, la joie, la jeunesse.
 
Tenez-le pour un vilain celui qui ne comprend
Jamais, et par cœurs des volontiers je ne l’apprends
 
Pas. Ils se séparent de l’amour selon leur talent.
 
J’ai pour ma selle deux chevaux, alors je suis content;
L’un se dresse au combat, par contre l’autre est vaillant
L’un ne supporte pas l’autre, et ils n’écoutent pas les gens…
 

«II Compaigno, non puosc mudar qu’eo no m’effrei »

(Compagnons, je ne me défends pas de quelque émoi)

Compagnons, je ne me défends pas de quelque émoi
Au thème des nouvelles, je les entends et je les vois
A savoir les gardiens violés qu’une dame appelle à moi
Elle dit qu’ils ne voudraient accepter ni droit ni loi,
Alors qu’ils la tiennent enfermée toujours à eux trois,
L’un lâche un peu, d’autant l’autre lui resserre la courroie.
Tels sont les souffrances qu’ils lui causent, alors c’est pourquoi
Avec elle l’un est le charmant chevalier très courtois
Ils mènent beaucoup le grand bruit que la « mission » du roi…
 

 «V Farai un vers, pos mi sonelh »

(Je ferai un vers puisque je suis endormi)

Je fais un vers fils du sommeil
Je me fatigue sous le soleil
Sache que les dames du mal conseil,
Font le scandale,
Selon l’amour d’un chevalier
Elles tournent au mal.
 
La dame fait un péché mortel
Elle n’aime pas son chevalier miel.
Qui aime un moine et un clerc ciel?
Quelle est raison?
Par le droit, l’homme doit la bruler
Comme un tison.
 
Quand, en Auvergne, en Limousin,
Je vais sans bruit comme le copain
Je trouvai deux femmes: de sire Garin
Et de Bernard;
Elles me saluèrent aimablement
Pour saint Leonard…

«VIII Farai chansoneta nueva »

(Je ferai la chansonnette nouvelle).

Moi, ferai-je une chanson nouvelle
Avant qu’il vente ou pleuve ou gèle;
Ma femme me prouve qu’elle m’est fidèle.
Elle me remue: je suis son chien.
Que ne soient pas mes males querelles
Je ne veux pas perdre son lien.
 
Je me rends, me livrez pensées,
Qu’elle m’ait dans sa charte en français.
Qu’on ne me tient pas d’insensé,
Sans ma bonne femme, si je l’aime,
Je ne vis nulles lois confessées
Tellement de l’amour, j’ai faim…
 

Genre Lyrique :

« Mout jauzens me prenc en amar »

(Gai et jovial je me prends à aimer)

Plaisir, je me prends а aimer,
Je dois partir, bien de la joie,
Je veux revenir et c’est pourquoi
je vais aux mieux si comme jamais
Je te cherche, je suis honoré
Qu’on sache je t’entends: je te vois.
 
C’est la coutume de me vanter
Ni selon les louanges, sais bien dire,
Jamais aucune joie put fleurir
Plus que l’autre, mais elle doit porter
Graine, à coup s’éclaire la beauté…
 

« Ab la dolchor del temps novel »

(A la douceur du temps nouveau) 

Par la douceur d’un temps nouveau
Feuillent les bois et les oiseaux
Chantent chacun en son latin
Selon les vers d’un chant nouveau
Donc il est bien de rechercher
Ce que tout homme a plus envie
 
Pendant que tout m’est bel et bon
Je ne vois signe ou messager
Aussi mon cœur ne dort ni rit
Et je n’ose éloigner mes pas
Pour savoir si sera la fin
Telle ainsi que je le désire
 
De notre amour il va ainsi
Comme une branche d’aubépine
Qui est sur l’arbre et dans la crainte
La nuit au gel ou à la pluie
Mais le matin sous le soleil
Feuille et verdit tout le rameau…
 
Discographie:

Comprend l’intégrale des chansons de Guillaume de Poitiers:

  • Companhon farai un vers qu’er convinen- Companho tant ai agut d’avols conres
  • Ben vuelh que sapchan li plusor-Companho non puosc mudar qu’eo non m’effrei
  • Pus vezem de novelh florir-Mout jauzens me prec en amar / Farai un vers de dreyt nien
  • Farai chansoneta nueva-Ab la dolchor del temps nouvel
  • Farai un vers pos mi soneilh-Pos de chantar m’es pres talens
  • Las Cansos del Coms de Peitieus

Bibliographie sur Guillaume:

  • Les poètes françois, depuis le XIIe siècle jusqu’à Malherbe
  • Pierre René Auguis, 1824
  • Les chansons de Guillaume IX, duc d’Aquitaine (1071-1127)
  • Jeanroy. Paris : Champion, 1913, 1927
  • Les Chansons d’amour et de Joy de Guillaume de Poitiers, IXe duc d’Aquitaine.
  • Jean de Poitiers. Paris: Eugène Figuière, 1926
  • Le Prince d’Aquitaine : essai sur Guillaume IX, son oeuvre et son érotique
  • Jean-Charles Payen. Paris: H. Champion, 1980
  • L’amour libérée ou L’érotique initiale des troubadours
  • Jean-Claude Marol. Paris : Dervy, 1998
  • Guillaume le Troubadour : duc d’Aquitaine fastueux et scandaleux
  • Bernard Félix. Anglet : Aubéron, 2002
  • Le comte de Poitiers, premier troubadour : à l’aube d’un verbe et d’une érotique
  • Pierre Bec. Montpellier : Centre d’études occitanes, 2004

 

La croisade de Louis IX

février 21st, 2013 | Posted by mus in Histoire de la littérature française | Le Moyen Âge - (Commentaires fermés sur La croisade de Louis IX)
Guillaume IX le comte-poète

Les musulmans reprennent Jérusalem 

Frédéric II avait réussi par la négociation à rendre Jérusalem aux chrétiens (traité de Jaffa 1229). Mais il avait quitté la cité précipitamment, inquiet pour ses terres, laissant le chaos en Terre Sainte. La trêve arrivant  à terme, la ville tant convoitée est de nouveau à la merci de tout prédateur. L’émir Al-Nasir Dâwûd, qui avait été chassé de Damas par son oncle El Kamil lors de la sixième croisade, s’était installé en Transjordanie tout près de la Palestine. Il n’attendait en fait que la fin de la trêve pour prendre sa revanche. Il s’empare de Jérusalem en 1239, et s’empresse de raser  la Tour David l’unique forteresse de la ville.

L’Europe orientale est en ce début des années 40 (1241) considérablement affaiblie par les invasions mongoles et Tartares. Les Karismiens dont l’empire avait été détruit par les Tartares, errent le long de l’Euphrate semant  la terreur sur leur passage (1241). Ils font jonction avec le sultanat d’Egypte, qui leur offre de s’établir en Palestine. Ils s’emparent de la ville sainte en août 1244, après avoir massacré une partie de population. Chrétiens du Royaume de Jérusalem rescapés, alliés aux musulmans de Homs et Transjordanie sous domination égyptienne décident de réagir. Une bataille celle de Forbie (Ghaza en Palestine) les oppose alors aux Karismiens, qualifiés de mercenaires, alliés aux Ayyoubides du sultan As-Salîh Ayyûb d’Egypte (qui régnaient également sur le territoire de Homs et Transjordanie). Elle se déroule les 17et 18 octobre 1244, et voit la victoire des seconds  qui vont régner sur la ville sainte. Pendant ce temps en Europe, le pape Innocent IV (élu le 25 juin 1243) est chassé de Rome par Frédéric II. Le souverain pontife se réfugie en 1244 à Lyon où il installe la cour de Rome.

Le voeux du roi

Durant tous ces évènements le roi de France Louis IX est gravement malade. De mauvaises nouvelles lui arrivent d’Orient. Il fait le vœu et s’engage en décembre 1244 d’aller en croisade s’il se rétablit. Le 24 juin 1245 est organisé un concile à Lyon. Les patriarches d’Antioche et Constantinople tirent la sonnette d’alarme sur la situation des chrétiens en Orient. L’évêque de Béryte (actuelle Beyrouth) lit même une lettre des prélats de Palestine, dans laquelle ils supplient leurs frères d’Occident de venir vite à leur secours. Outre la confirmation de l’excommunication de Frédéric II, le concile prêche une croisade à laquelle tient surtout Louis IX. Une croisade pour laquelle toute l’Europe doit se mobiliser, et de concert pour qu’elle ne connaisse pas le même sort que les précédentes. L’idée d’une septième croisade est lancée.

La Septième croisade s’ébranle

Le 27 août 1248 la septième croisade dite des nobles, celle du roi Louis IX  dont le vœu s’est miraculeusement exaucé (guérison), s’ébranle vers l’Orient. Il est accompagné de son épouse Marguerite de Provence, du Comte Robert d’Artois et de Charles d’Anjou, ses frères  et de nombreux chevaliers de grande ascendance comme Joinville, Bourgogne, Chateaubriand, Poitiers, Beaujeu, Pierre de Dreux, Montfort, Coucy, Soissons  etc. L’époque est favorable pour les croisés, car l’empire ayyoubide de Saladin est divisé entre le sultan d’Égypte, l’émir de Damas et celui d’Alep, qui se font la guerre. Mais les circonstances vont être défavorables aux croisés, composés essentiellement de Français, avec quelques milliers d’Allemands, de Norvégiens, d’Italiens, d’Anglais et Ecossais.  Frédéric II avait entre temps envoyé un émissaire avertir le sultan des intentions de Louis IX. De plus la République de Venise, qui ne veut pas perdre ses contrats commerciaux, n’est pas favorable à une expédition en Egypte. Autre contre temps, Ils sont obligés d’hiverner huit mois durant à Chypre, ce qui permet  au sultan Malik al-Salih Ayyoub d’Egypte de mieux se préparer. C’est dans ses conditions que le roi de France et son armée de 8000 chevaliers  embarqué dans une impressionnante  flotte, arrivent à Damiette (Egypte) qu’ils occupent. L’idée est de prendre aussi le Caire pour les échanger contre Jérusalem. Autre contre temps, la crue du Nil les contraint d’attendre, temps qui permet à l’ennemie de se reconstruire.

La croisade échoue 

Le 20 novembre 1249 les croisés  prennent la route du Caire, mais un autre malheur s’abat sur eux : ils sont décimés par la malaria et la dysenterie. Affaiblis, ils sont massacrés par les musulmans à Mansourah, et le roi est fait prisonnier alors que son frère meurt au combat. Le Duc de Bretagne obtient par la négociation la libération de Louis IX, en contre partie de l’évacuation de Damiette et une rançon de 500.000 livres tournois exigée par l’ennemi. Devant le refus des Templiers de prêter cette somme roi, celui-ci envoie le sénéchal Joinville la prendre par la force. Libre, saint- Louis et les survivants quittent le sol égyptien le 8 mai 1250 en direction de Saint Jean d’Acre. Le roi est  bien accueilli malgré la défaite  par les chrétiens d’Orient, notamment les maronites du Liban venus jusque là le saluer et lui manifester leur reconnaissance. Il y passera quatre année pour fortifier  Acre, Césarée de Judée, de Jaffa et de Sidon qui pourraient  être menacés par les mamelouks d’Égypte, plus fanatiques encore que leurs prédécesseurs Ayyoubides. Le roi de France embarque pour l’Europe de Saint-Jean-D’acre le 24 avril 1254. Il est canonisé par l’Eglise romaine en 1297 et devient Saint Louis.

La croisade pacifique de Frédéric II

février 19th, 2013 | Posted by mus in Histoire de la littérature française | Le Moyen Âge - (Commentaires fermés sur La croisade pacifique de Frédéric II)
Frederic II et Al Kamil signe le traité

La sixième croisade est considérée comme celle de Fréderic II, fils d’Henri VI,  petit fils de Barberousse Frédéric (troisième croisade), empereur romain germanique et roi des Deux-Siciles. En conflit permanent avec la papauté comme l’était son grand-père, il a fait faux bond lors de la quatrième et cinquième croisade. Ce qui lui a valu le surnom de l’Antéchrist.

Frédéric II au secours d’El Kamil 

En 1224 les princes Ayyoubides d’Egypte, de Damas et d’Alep qui s’étaient dressés ensemble pour faire échec à la dernière croisade, sont de nouveau en conflit. En difficulté face à son frère Al’Muazzam prince de Damas, El Kamil d’Egypte fait appel à Frédéric II. Les deux hommes s’étaient liés d’amitié à travers divers ambassades. L’Egyptien propose en échange d’une aide militaire contre son frère, la rétrocession de Jérusalem. Ce qu’il avait déjà offert à Jean de Brienne, mais que Pélage avait rejeté lors de la cinquième édition, causant l’échec de celle-ci. C’est le moment aussi (1226) que choisit le pape Grégoire IX pour ordonner à l’empereur germanique d’aller en croisade, pour récupérer le la Terre Sainte perdue depuis Saladin, sous peine d’excommunion. Frédéric II se contente d’abord d’envoyer des troupes et des chevaliers, sous le commandement du duc Henri IV de Limbourg et Riccardo Filangieri (noble italien et maréchal impérial du royaume de Sicile) pour épauler El Kamil. Le pape n’apprécie pas  ses tergiversations, il l’excommunie une nouvelle fois le 28 septembre 1227 tout en lui défendant de partir en croisade.

Frédéric II le diplomate

Frédéric II s’embarque pourtant le 28 juin 1228 en direction de la Syrie, sans savoir qu’entre temps qu’El Mu’azzam  l’émir de Damas est mort le 11 novembre 1227. Son but n’est pas de se battre, mais de récupérer Jérusalem par la diplomatie au grand dam des chrétiens et de la papauté. Il débarque  à Saint-Jean-d’Acre le 7 septembre. Il  doit attendre qu’El Kamil en finisse avec le successeur d’El Mu’azzan, son neveu al-Nasir Dâwûd.  Entre temps en Europe, Jean de Brienne son beau frère envahit ses domaines de Naples pour se venger de se qu’il considère comme une trahison. Le souverain européen ne pouvait rentrer à la hâte, au risque de subir une grande humiliation de n’avoir rien fait. Ce n’est que le 18 février 1229 qu’il conclut avec l’égyptien le traité de Jaffa. Le premier  s’engage à la neutralité dans les affaires ayyoubides, en contre partie de quoi le second restitue le Royaume de Jérusalem, Nazareth, Bethléem et leurs environs aux Francs. Ils s’engagent par ailleurs à respecter une trêve de dix ans. Néanmoins l’accord n’est pas du tout apprécié par les populations musulmanes de ces villes cédées. Elles maudissent El Kamil qui les a trahies. Tout comme les chrétiens d’Europe, qui ne conçoivent pas la reconquête de Jérusalem sans les armes.

Une croisade inachevée?

Avant même de séjourner à  Jérusalem devenue chrétienne, l’empereur germain jouissait plutôt d’une bonne réputation chez les musulmans. D’abord il parle couramment l’arabe, et il a toujours manifesté une certaine admiration pour la civilisation musulmane. Dans la ville sainte il se prononce pour le respect de leur religion et leur culture, et leur droit de les pratiquer. Mais il quitte soudainement Jérusalem au bout de trois jours, sans avoir pris le temps de renforcer les fortifications de la ville. Sans roi les institutions du royaume sont livrées à elles-mêmes, les pillards en profitent. La ville est de nouveau à la merci du premier émir venu. Même si les officiers et partisans de Frédéric II rentrent en guerre avec les barons des lieux saints, les musulmans respectent la trêve de dix ans en s’abstenant de chasser les chrétiens. La cité reste chrétienne. L’empereur du Saint Empire Germanique rentre en Europe le 10 mai 1229 après un séjour à Saint-Jean-d’Acre et à Chypre, laissant croire que sa croisade est un succès. Certes, juste le temps de la trêve conclue laissant comme un goût d’inachevé. Malgré tout, il est relevé de son excommunion à son retour  en Europe.