Eustache Deschamps, témoin privilégié de son temps

15 Nov 2013 | Publié par mus dans Histoire de la littérature française | Litterature médiévale
Eustache Deschamps, poète des Vertus
Eustache Deschamps, poète des Vertus

Biographie d’Eustache Deschamps (1340-1410):

D’origine modeste mais de sang noble, naît vers 1340 à Vertus (Champagne) Eustache Morel de son vrai nom. Ce poète français reçoit une éducation assez précoce de la typique de la grammaire latine et de la logique. Élevé par le poète Guillaume de Machaut, c’est avec lui qu’il prend ses premières leçons de versification à l’école épistocale de Reims. Et c’est grâce à son parrainage qu’il étudie le droit à l’université d’Orléans.

Homme de cour avant tout, il trouve le temps d’écrire malgré les fonctions laborieuses (magistrat, messager royal, huissier d’armes, officier royal, général des finances) qu’il occupe à la cour des rois Charles V et VI. Ces attributions lui permettent de beaucoup voyager (Europe, Egypte, Syrie et Palestine), et de rencontrer les plus grands de son temps (les deux rois bien sûr, mais aussi le duc d’Orléans dont il est le conseiller, Du Guesclin…).

Poète de Vertus, très prolixe et témoin privilégié de son époque, il met à profit ses talents de poète pour conter les faits qui l’on marquée. Ainsi, bon nombre de ses poèmes revêtent une portée historique indéniable. Il s’attaque aux Anglais, pilleurs de la France, au clergé et aux fonctionnaires corrompus, aux riches oppresseurs des pauvres. Il passe pour être connu comme un religieux honnête, moraliste par ses prises de position devant l’injustice mais non moins courtisan.

Œuvre d’Eustache Deschamps:

Impliqué de par ses fonctions à tous les événements de son temps, l’œuvre d’Eustache Deschamps embrasse bien des domaines. Il est l’auteur de 80 000 vers d’écrits comiques, moraux, satiriques, patriotiques, historiques, amoureux, d’hygiène mais aussi personnels. Ses poèmes, ses ballades, ses rondeaux…regorgent tellement d’informations de valeur sur l’histoire morale et politique de l’époque, que des  historiens et philologues y font  référence.

Tout comme Machaut, il ne se contente pas d’écrire. Dans l’Art de Ditter, il s’efforce d’apporter sa contribution à l’enrichissement de la langue. Il nous lègue pas moins 1032 ballades, 170 rondeaux, 142 chants royaux…). Beaucoup de ses ballades ciblent des gens importants de son entourage, ou qu’il rencontre lors de se voyages : rois et ducs de France, Machaut, Angleterre, les héros des croisades…

On sait aussi que 190 de ses écrits traitent de la nourriture (légumes, fruits, viandes, céréales, épices, poissons… et même plats préparés) Ce n’est pas fortuit puisqu’il est connu pour être fin gourmet, et connaisseur de la cuisine de France et d’ailleurs. Grâce à quoi il est aujourd’hui possible de connaître l’alimentation de cette époque.

Œuvres essentielles d’Eustache Deschamps:

La ballade est le genre poétique dans lequel Eustache Deschamps a particulièrement excellé. Une partie de ses œuvres est écrite en latin qu’il a étudié dès son jeune âge, et l’autre en français.

Pièces en prose 

L’Art de dictier et de fere chançons, ballades, virelais et rondeaux

Composé à la demande certainement du duc de Bourgogne pour son usage, il est considéré à ce jour comme le plus ancien du genre. L’ouvrage commence par une introduction dans laquelle il justifie la place que doit avoir la versification au sein des sept arts libéraux. C’est donc un traité technique de versification, le premier art poétique en langue française. Les formes fixes sont inventoriées, avant de faire sa leçon sur les règles et les principes dont doivent s’inspirer ceux qui veulent écrire. Le texte et la musique ne sont plus liés, et de ce fait sont définitivement séparés. Tout comme Machaut dont il a été l’élève, Deschamps est très soucieux de  perfection. Il considère qu’écrire est un art qui se cultive.

Extraits :

Ci commence l’art de dictier et de fere chançons, balades, virelais et rondeaulx, et comment anciennement nul ne osoit apprandre les ars liberaulx ci aprés declaréz, se il n’estoit noble

Entre les .vii. ars et sciences par lesquelles ce present monde est gouverné, et qui sont appelléz ars liberaulx, pour que que anciennement nul, se il n’estoit liberal, c’est a dire fils de noble homme et astrait de noble, n’osoit aprandre aucun d’iceuls ars, c’est assavoir : Gramaire, Logique, Rhetorique, Geometrie, Arismetique, Musique et Astronomie, lesquelz ars trouva, du tiers aige du monde et au temps de Habraham, Zozoastres, qui regnoit en Baterie et pour ce est le premier et principal ars Gramaire, par lequel l’en vient et aprant tous les autres ars par la figure des letres de A, B, C, que les enfans aprannent premierement, et par lesquelz aprandre et sçavoir l’en peut venir a toute science, et monter de la plus petite letre jusques a la plus haulte.

Logique est aprés une science d’arguer choses faintes et subtiles, coulourees de faulx argumens, pour discerner et mieulx congnoistre la verité des choses entre le faulx et le voir, et qui rent l’omme plus subtil en parole et plus habille entre les autres…

Rhetorique est science de parler droictement, et a quatre partie en soy a lui ramenees, toutes appliquees a son nom ; car tout bon rhetoricien doit parler et dire ce qu’il veut moustrer saigement, briefment, substancieusement et hardiement…

Geometrie est science de mesurer et faire par proporcion la taille des pierres et des merriens, et la perfection des tours rondes et quarrees ; de faire et edifier les chasteaulx, salles et maisons pour habiter, les clochiers et autres edifices en ront, en triangle et en quarreure, et les mener droit sanz boce jusques a leur perfection ; faire tonneaulx et autres vaisseaulx de certaines pieces, longueur et grosseur, et aucunefois cornus, comme sont les baingnoueres et autres vaisseaulx, par contrainte de cercles de certaines pongnies, par les lieures des osiers ; faire nez et galees en mar. Et cest arts s’applique aux fevres, charpentiers et maçons, ausquelz, se ilz sont bons ouvriers de leurs mestiers…

Arismetique est science de getter et compter par le nombre des augorisme et autre nombre commun, et de mesurer et arpenter les terres, les boys et choses semblables, pour sçavoir la haulteur des choses en alant vers le ciel ; la largeur des eaues et des rivieres, la parfondeur des puis et des concaves de la terre ; de sçavoir les heures, les temps, les minutes et les momens ; pour sçavoir le commencement des jours et des nuis, des sepmaines, des moys et des ans ; pour venir au grant miliaire et sçavoir par ce nombre, en querculant, la revolucion des temps et congnoistre le cours du souleil et de la line, et du zodiaque…

Astronomie est une science de la congnoissance des estoilles et des sept planettes erratiques et principales, c’est assavoir : Mars, Mercurius, Saturnus, Jupiter, Sol et Luna ; de leurs influences et disposicions selon leurs qualitéz et conjunctions en divers signes et leurs oppositions, pour jugier des inclinacions naturelles des hommes selon leur nativité, et aussi des fertilitéz ou sterilitéz des terres et des fruis, des chauls et des froiz, des sentéz et maladies des gens et des bestes ; de sçavoir le compost du souleil et de la lune, de partir les ans et trouver les bisextes et leurs conjunctions des lunes pour ordonner leurs saingnies, et les temps de prandre medicine, et autres choses qui de ce se despendent.

Musique est la derreniere science ainsis comme la medecine des.vii. ars ; car quant le couraige et l’esperit des creatures ententives aux autres ars dessus declairéz sont lasséz et ennuyez de leurs labours, musique, par la douçour de sa science et la melodie de sa voix, leur chante par ses .vi. notes tierçoyees, quintes et doublees, ses chans delectables et plaisans, lesquelz elle fait aucunefois en orgues et chalumeaux par souflement de bouche et touchement de doiz ; autrefoiz en harpe, en rebebe, en vielle, en douçaine, en sons de tabours, en fleuthes et autres instrumens musicans…

Or sera dit et escript cy aprés la façon des Balades 

Et premierement est assavoir que il est balade de huit vers, dont la rubriche est pareille en ryme au vers antesequent, et toutefois que le derrenier mot du premier ver de la balade est de trois sillabes, il doit estre de .xi. piéz, si comme il sera veu par exemple cy aprés ; et se le derrenier mot du second ver n’a qu’une ou deux sillabes, ledit ver sera de dix piéz ; et se il y a aucun ver coppé qui soit de cinq piéz, cellui qui vient aprés doit estre de dix.

De la façon des Virelais

Aprés s’ensuit l’ordre de faire chançons baladees, que l’on appelle virelais, lesquelz doivent avoir trois couples comme une balade, chascune couple de deux vers, et la tierce semblable au refrain, dont le derrain ver doit, et au plus pres que l’en puet, estre servant a reprandre ledit refrain, ainsi comme le penultime vers d’une couple de balade doit servir a la rebriche d’icelle. Et est assavoir que virelais se font de pluseurs manieres, dont le refrain a aucunefois .iiii. vers, aucunefois .v. aucune .vii., et est la plus longue forme qu’il doye avoir, et les deux vers aprés le clos et l’ouvert doivent estre de .iii. vers ou de deux et demi, brisiéz aucunefoiz, et aucunefois non. Et le ver aprés doit estre d’autant et de pareille rime comme le refrain, si comme il apparra cy aprés :

Amen.

Demoustracions contre sortileges

La pratique de la sorcellerie, des sortilèges et de la magie liée donc à l’astrologie était très populaire au Moyen-Âge. On raconte même que Louis d’Orléans était un grand adepte des sciences occultes. Jean de Bar qui lui avait promis de faire apparaître le diable, échoua dans sa tentative. Le duc n’hésita pas à le brûler pour n’avoir pas tenu son engagement. Deschamps avait été initié à l’Astrologie durant sa jeunesse. Dans cette démonstration contre les sortilèges, il s’appuie sur quelques exemples pour prouver que quiconque s’adonne à cette pratique finit mal.

« Demoustracions qu princes terriens ne nulz vrayz crestiens ne doivent enquerir, ouvrer ne user des choses advenir, mucees, occultes et secretes, ou qui a ce puelent estre appliquees par astrologie, par goemancie, par nygromancie, par ydromancie, par pyromancie, par cyromancie, par experimens, supersticions d’auspices, des encontres discerner, d’auguremens par le chant et volement des oiseaulx, par les membres des bestes mortes, par art magique, par invocacions, interpretacions de songes et pluseirs autres vanitéz qui ne sont pas sciences, fors a parler improprement ».  

Comment Zozastres qui trouva ces ars fut tué par Nynus

« Zozastres, qui regnoit en Batrie, et trova ces ars magiques, fut par Nynus tué, qui lui osta la vie et le royaume, et ardit partie de ces faulx livres. Et ce recite monseigneur Saint Victor ou second livre de la Vanité du monde, et ja soit ce que Nynus ne fust pas juste, Dieux lui voult donner victoire sur plus mauvés, afin que plus grant mauvestié ne regnast ».

Comment Athlas perdit son royaume

« Athlas, jadis roy d’Espaingne, fut chacié et bouté hors de son royaume, et s’en fuy en une montaigne en Grece, qui pour ce est encore appelee Athlas. Et si faingnent les poetes que pour sa grant astronomie il porte et tourne le ciel ».

Comment Neptanabus fut tué par Alixandre

« Neptanabus, roy d’Egipte, qui tousjours avoit ses recours aux ars mathematiques et aux divineurs, fut entreprins de.xiiii. nascions de Barbarie et ainsi comme de tout Orient. S’en fuy honteusement en Macedoine en habit de phillosophe, et en la fin Alixandre le bouta en une fosse et lui rompit le coul. Et ainsi fina mauvaisement ». 

Comment Jaques, roy de Maillorgues, perdit son royaume 

« Jaques, roy de Maillorgues, qui estoit moult enclin a telles divinacions et a eslire heures et jours pour son partement et autres besongnes siennes, eslut heure par astrologie de partir d’Avignon, ou il ala, et perdit et la vie et le royaume. Ferrant,ponce de Flandres, fut deceu par divinacion, quant il vint en France pour combatre, car le respons lui fut donné de l’ydole a qui il ala, qu’il entreroit a grant joye a Paris. Et par ce il entendit avoir la victoire. Mais il fut desconfit et prins honteusement, et admenéz lié et enferréz a Paris, dont tout le peuple o tresgrant joye… »

Comment Pompee fu deceu par les sors en Delphos

« Item ainsi sont finéz, et est mal venu a tous les princes et autres qui par telles divinacions ont voulu enquerir les choses et fortunes advenir, et de ce il appert en Lucan du filz Pompeius, qui ala enquerir de par son pere aux sors en Delphos, qui vaincroit la bataille de Thessalle, en laquelle a la fin de trois jours il fut sibjugué de Julius Cesar, et s’en fuy devers Tolomee, roy d’Egipte, cuidant estre son grant ami, mais en la fin Tolome lui fist tranchier la teste, et l’envoya en present a JuliusCesar, pour avoir sa grace… »

La complainte de l’Eglise

Alors que Boniface IX est pape à Rome, Clément VII et Benoît XIII se déclare antipapes et ne veulent pas reconnaître son autorité. Ceux-ci vont même jusqu’à tenir une cour papale à Avignon avec la bénédiction du roi Charles VI. Ces divisions au sein de l’Eglise et les dérives de celle-ci exaspère Eustache deschamps, jusqu’à composer cette complainte.

Ecrite en latin puis traduite à la demande du duc de Bougogne, qui espérer ainsi convaincre les Anglais à se rallier à la cause du pape Clément. En évoquant les blessures contractés en Egypte lors des croisades, il reproche aux Chrétiens de ne pas s’unir en mettant fin au schisme pour libérer Jérusalemn et les Lieux saints des mains des sarrasins. Il menace même ceux qui s’opposeraient à l’initiative de convoquer un concile général pour la réconciliation, de la réalisation des affreuses prédictions des prophètes Isaîe et Jeremie.

Cy commence la dolente et piteuse complainte de l’eglise moult desolee au jour d’ui

« La povre mere tresdolente, desolee et desconfortee, de laquelle les entrailles sont tranchees et divisees en deux parties pour le pechi » et abhominacion de se enfans forlignans de la voye [de] justice, meurs et condicions de leur Pere pardurable, a tous les empereurs, royas et princes de la religion chrestienne, a leurs conseilliers, justiciers, presidens et gouverneurs de la chose publique, mes filz adoptéz et legitimes, rachatéz pour l’amour et le sang de leur pere, salut en la pitié et misericorde d’iccellui…

Pour ce que le commencement de toute sapience est craindre Dieu, pour quoy vouléz vous servir et servéz au Prince du monde, c’est l’ennemi de la char et homicide de l’ame, tendens a vostre destruction, qui par son orgueil, angelz jadis portans lumiere, soy voulant eslever sur son Seigneur, est aiz Princes de tenebres, desvoyans par temptacions de choses mondaines voéz pensees divines, desirans pour la perdicion de sa gloire inrecuperable avoir compaingnons a ses peines, qui par cou…

Le seconde beatitude est que vous soiéz humbles e debonnaires les uns aux autres et a voz subgiéz, sans contendre par pechié couvoiteus des terres, seignouries et couvoitises du monde desraisonnables…

La quarte beatitude est que vous devéz avant soufrir grant famine et pestillence de faim ou de mort, que vous osiéz separéz de vraie justice, laquele vous devéz faire a un chascun sanz accession de personne, dont il est escript…

La quinte beatitude si est que vous faciéz misericorde a voz prochains, c’est assavoir aux oppressez, povres et debilites et a ceuls qui mesprannent d’aventure, en faisant vostre grace et misericorde au relevement d’iceuls en toute charité et bonne affection, et vous ne pourréz faillir que vous ne obtenéz de vostre pere misericorde, dont il est dit …

La septiesme beatitude est que vous aiéz et améz paix entre vous sanz couvoitise de ces choses terriennes, dont vous mouvéz si merveilleuses et perilleuses guerres contre voz corps et voz ames, et vous vouléz estre appelléz filz de Dieu, et pour ce dist il …

Mais les dessencions, rapines, guerres, traisons, couvoitises, envies, detractions, murmures et glotonnies, dissolucions de corps, larrecins, homicides et autres pechiéz innumerables qui sont en vous perseverens sanz paour ne crainte de vostre pere, et ce que vous estes diviséz ensemble, font [que] vostre povre mere a qui vous avéz tollu et osté de ses entrailles et encores faictes de jour en jour ses posessions, franchises, douaires et libertéz qu’elle tient de vostre Pere, et qui la constitua en son lieu pour vous recreer sounz le gouvernement d’une seul pastour fait et eslu sainctement et canoniaulment, toutefoiz que vous vouldriéz venir a refuge de  voz maulx, confesser yceuls et repentir de voz pechiéz en honne contriciton, est ainsi troublee et divisee par long temps et en adventure d’estre a tousjours mais en desolacion par vostre coulpe en division, se vous n’estes ces choses briefment considerans…

Ainsis et semblablement par sa douce pitié et misericorde, vueille mettre en voz couraige l’obeissance et perseverence de sa saincte loy et remouvoir la vengence et persecucion promise a ceuls qui percevereront en mauvaises euvres contre ses sains commendemens, afin que par la bonne paix et union que vous reformeréz ensemble, tant espirituelment comme temporelment, vous puissiéz placquer son ire et lui appaisier telement que vous en acqueréz renommee pardurable en ce monde et aprés a voz ames la couronne de gloire et le royame qui durra sanz fin, et que par vostre bonne reformacion je puisse de vous chanter a tousjours hympnes et louenges de memoire pardurable a l’oneur, gloire et exaltacion de la Saincte Trinité, le Pere et le Fil et le Saint Esperit, un Dieu en trois personnes, qui vit et regne par tous les secles des secles.

Amen

Pièces en latin 

On en compte onze écrites en latins, dont voici une traduite en Français.

Commemoracio hystorie senonum gallorum, compilata et rithmata per Eustacium de Campis, ultra cirtutum in Campania (Histoire de France)

L’auteur décortique la situation de la France, et conclut à sa déchéance. Il compare son pays d’alors  à celui du temps de Clovis, de Charlemagne, Charles martel, les Pépin, dont il vante les exploits face aux Romains. Du règne de Charlemagne et ses successeurs il met en exergue le droit et la justice qui ont prévalu, le respect de la religion et l’encouragement et la protection des études. La France où selon lui règnent désormais les vices (même dans l’Eglise), le pillage et le vol est plongée dans le malheur et le déclin. C’est là une punition de Dieu.

D’autres textes courts figurent dans le manuscrit. Il s’attaque à la ville de Paris en proie à des émeutes sanglantes. Il met en garde contre la colère de Dieu et la punition qui pourrait  s’abattre sur les réformateurs populaires (reformatores populi). Mais aussi sur les princes qui ne gouvernent pas justement, et ne protègent  pas les pauvres et les faibles. A la France il prédit la même déchéance que celle qui est arrivée à Rome.

Extraits avec traduction:

Oh, vous français, anciennement Senonences ,

Origine Suèves,

Prennyo engendré du Père,

Qui a affirmé, guerre sanglante,

Rome aussi, vous avez été très féroce,

Cent mille dans le même temps d’aider,

Provence Sens armé

Montagne jeudi et en gras

En passant, si nombreux [at] soumis

Italie, les gens. enrichi

En ce qui concerne le Delphi, il n’est pas capable de la place…

O  vos Galli, quondam Senonences,

Suevorum origine duces,

 Ex Prennyo patre procreati,

Qui Rmanos, armorum atroces,        

Romam quoque, vos magis feroces,

Centum mille simul adjuvati,            

Provencia Senonis armati,     

Montem Jovis et tanquam audaces   

Transeundo, tot[am] submisisti         

Ytaliam, Puliam. ditati          

Circa Delphos, non loci capaces,

Après les monarchales du monde romain,

Vos rois sont impériaux

Votre nation a racheté taxes.

Les Troyens ont démarré la note

De la France, les Français étaient merveilleux,

Ou le comportement féroce et la vie

Les commentateurs interprètent, donc,

Dans les bras sur tous admissibles

Vous avez été en baisse tout

Par la force des armes, détient les climats,

Robbusti du corps et mince,

Puis le libre, liberté large…

Post Romanos, mundi monarchales,             

Reges vestri sunt imperiales,             

Et gens vestra redemit tributa.          

A Troianis exorti nobiles       

De Francio Franci mirabiles,             

Aut feroces moribus et vita   

Interpretes interpretant, ita, 

Super cunctos in armis habiles          

Vos fuisse submittentes cuncta        

Vi armorum orbisque climata,           

De corpore robbusti, graciles,           

Tunc liberi, libertate lata.

…Depuis le règne de ce roi est Charles le Grand,

Dieu géant, General bon

Engendré choses. Dont prophétisé

Sibylles et donc ils ont dit

La vérité sur ses propres dispositifs,

La science, la vie et le caractère,

Qui concernent toute suffisante.

…Ab hoc rege est Karolus Magnus,

Dei gigas, imperator bonus   

Genitus que. De quo prophetarunt   

Sibilline et tantam dixerunt   

Veritatem de suis artibus,     

Sciencia, vita et moribus,      

Quod narrare nulli sufficiunt. 

Espagne fut un grand roi modérée

Aragon et les Saxons ont éclaté

Gascogne et Aquitaneam,

La foi musulmane de l’appliquer.

De nombreuses guerres t-il un collège

Pour le nom de Jésus, et aussi

[Cette] étude, le clergé, la connaissance

Paris de loin,

Et a choisi les meilleurs enseignants

Pour enseigner par sa grâce

Sept arts. De chevalerie

Excellent et toujours offre…

Hyspanias magnus rex subegit,         

Arragonos et Saxones fregit,            

Wasconiam et Aquitaneam,  

Sarracenos ad fidem coegit.  

Bella multa ibidem collegit   

Pro nomine Jhesu, ac etiam   

[Is] studium, clerum, scienciam        

Parisius de longe dirigit,       

Et magistros optimos elegit   

Ad docendum per sui graciam          

Septem artes. Inde miliciam  

Peroptimam semperque porrigit

La crainte de Dieu est dans le cœur,

Dévotion, la piété a régné,

Religion ensuite honoré

responsables de l’humilité Ligné,

Le gouverneur de l’amour populaire

Un spécial d’une seule main,

Exalté lui-même l’habitude de ne pas

Chacun d’entre eux, ni manger

De choses différentes, mais c’était suffisant

Pour chacun de, il pourrait être satisfaite

Le seul plat qui était.

Il a occupé le petit Etat…

Timor Dei in cordibus erat,   

Devocio, pietas regnabat,      

Religio tunc honorabatur,     

Humilitas principes regebat,  

Populares amor gubernabat   

A propriis quisque utebatur,  

In habitu non elevabatur       

Quis eorum, neque manducabat       

De diversis, sed sufficiebat   

Unicuique, ut saturaretur      

De ferculo solo quod habebat.          

Parvum statum is horum tenebat.     

Sic corpora ben regebantur… 

…Attention maintenant à faire ces choses…

Mais nos actions sont difficiles,

Orribiles événement à venir:

Cesse, notre honneur et hommage,

Gloire. Nous sommes désormais inutiles,

Appropincat le terme fixe

Jheremie, ce qu’il a dit.

Alors qu’ils voient à ce sage:

Retour à l’Est

Dominum euh, aussi la règle…

Actus autem nostri difficiles,           

Orribiles venient eventus :    

Cessat noster honorque et butus,      

Gloria. Nunc sumus inutiles,

Appropincat locutus.

Sic super hoc videant prudentes :     

Revertantur ad orientales,     

Domin[i]um, quoque principatus…

Les Ballades

Elles sont au nombre de 1032 principalement moralisatrices. Voici les extraits de quelques unes d’entre-elles.

Le vrai bonheur est aux champs

En  retournant d’une court souveraine

Ou j’avoie longuement sejourné,

En un bosquet, dessus une fontaine,

Trouvay Robin le franc, enchapelé a,

Chapeauls de flours avoit cilz afublé

Dessus son chief b, et Marion sa drue.

Pain et civoz d l’un et l’autre mangue

A un gomer e puisent l’eaue parfonde.

Et en buvant dist lors Robins qui sue

J’ay Franc Vouloir, le seigneur de ce monde.

Hé! Marion, que nostre vie est saine

Et si sommes de tresbonne heure né

Nul mal n’avons qui le corps nousmehaigne.

Dieux nous a bien en ce monde ordonné;

Car l’air des champs nous est habandonné;

f5 A bois couper quant je vueil m’esvertue

De mes bras vif; je ne robe ne tue;

Seurs chante; je m’esbas a ma fonde.

Par moy a Dieu doit grace estre rendue

J’ay Franc Vouloir, le seigneur de ce monde…

Au mois de mai

Nobles mois, peres de Zephirus,

Oncles Juno et frère de Pallas,

Cousins germains la dieuesse Venus,

Qui tant de filz et tant de filles as,

Tu es premiers qui par amours amas

Et qui au bois donnas toute verdure,

Fueilles et flours, et la terre honouras

Amer te doit pour ce toute nature… 

Tu resjouis vieulz, jeunes et chanus;

A ton venir t’encline c chascuns bas

Tu faiz amer granz, riches et menus,

Bestes, oiseauls sont tuit prins en tes las

D’eulx conjoir, de nigier d ne sont las,

De faire fruit chascun a sa droiture,

De hault chanter tel pouoir leur baillas

Amer te doit pour ce toute nature.

Dire et faire sont deux.

Que vault preschier au sourt qui goûte n’oit?

Que vault semer sur pierre le froument?

Que vault monstrer a cellui qui ne voit?

Que vault le lire a cellui qui n’apprant?

Que vault enter sur tron qui ne reprant?

Cilz pert son temps qui télé euvre pourchace,

Combien qu’aucuns dient communément

C’est trop bien dit, mais querez qui le face… 

Que vault li homs qui autrui mal perçoit

Et ne voit pas son propre encombrement a,

Et qui en lui pour son preu b ne conçoit

La parole de bon entendement?

Autant vauldroit oir venter le vent;

Car telz gens ont toudis un pié sur glace,

Qui se muent de moment en moment.

C’est trop bien dit, mais querez qui le face…

Danger des richesses

Quel nature ont les richesces mondaines,

Ne quel pouoir ont li prince mondain ?

Les richesces sont laides et villaines

Quant elles font un noble cuer villain.

Li grant seigneur et !i plus souverain,

Quel force ont ilz, quel vie et seurté ?

Plus seurs vit povres en povreté,

Aise de cuer, sains des membres du- corps,

Que roys ne fait, tristes en sa plenté;

Souffisance est un tresriches tresors… 

Qui jadis fist regner les gens rommaines;

Puis perdirent, quant ilz prindrent le train

De convoitier par leurs vies haultaines.

L’eglise en est divisée, s’en plain a;

Flandres aussi en est mise a l’estrain,

Espaingne en a changié sa royauté

Et Barnabo en fut desherité.

Prince ne puet sanz raison estre fors.

Soyons piteus, fuions iniquité:

Souffisance est un tresriches tresors…

Il vaut mieux servir Dieu que le monde

Les deux seigneurs, dont l’un est souverain,

Auquel des deux vault mieulx servir sa vie ?

Ou au plus grant qui est de pitié plain,

Qui congnoist tout, qui donne et ne toult mie,

Qui le meffait pardonne a sa maisgnie,

Quant se repent, et les a en chierté;

Ou au moien seigneur, plain de fierté,

Qui donne et toult et qui n’a rien estable

Et qui pugnist sanz grace et sanz pité ?

jo Perilleus est, attrayant, decevable. 

Le grant seigneur tout puissant, souverain,

Le tresparfait qui toute chose lie,

Qui tout crea, qui fist d’Adam Evain,

Dont se despent toute humaine lignie,

Ciel, terre et mer, qui tout a en baillie,

A depuis prins no povre humanité

Et voult sentir nostre fragilité;

Pour le pechié d’Eve et d’Adam dampnable

Mourut en croix; le monde ot en vittë

Perilleux est, attrayant, decepvable…

Il faut toujours avoir lesyeux fixés sur France

Vous qui voulez parmi le monde aler

V Pour croistre honeur et querre renommée,

Dela les mons, ou pais d’oultre mer,

En divers lieus par chascune contrée,

Quant vous arez la terre advironnée,

Veuz les gens, eu de tous congnoissancej

Les airs, les vens et la loy ordonnée,

Tournez toudis le bec pardevers France… 

La vous devez pour vivre acheminer,

La est honeur et vaillance esprouvée,

La est la court du grant roy qui n’a per,

De tous deduis, de richesce parée,

Et de tous biens est la terre peuplée

La des subgiez est vraie obeissance,

Et quant peuples la nul temps ne s’effrée

Tournez toudis le bec pardevers France…

On obtient tout avec de l’argent

En alant jouer a Saint Poul,

Oy deux gens qui arguoient a,

Dont l’un disoit que ceuls sont foui

Qui trop grant estat desiroient,

Et qui trop d’avoir acqueroient,

Et qui vont encor convoitant;

L’autre dit: Pourquoy ne feroient?

Adès tine b il qui a argent.

Non fait, car tout ne vault un cho!

to Tost ont perdu ce qu’ilz avoient;

Par cas soudain perdent le col,

Car leurs richesces les ennoient

Souvent mourir convoiteroient

Les saiges avoir pour tourment.

Ja chi ja d, pourquoy le lairoient ?

Adès fine il qui a argent…

Guerre aux Anglais

En mon dormant vi une vision

Ou un songe, dont trop me merveilloie,

Qu’en granz forests ot un

jeusne lyon,

C’un lepardiau a de jour en jour guerroie.

Et ce lion n’entendoit toutesvoie

Fors a moutons et pourceauls estrangler:

Vaches, brebis et chievres fist trembler.

 

Mais ce liepart aux cerfs et sangliers groingne,

Et aux levriers’voult sa guerre mener;

Bon fait toudis penser a sa besongne.

Lors fut doubtë en celle region,

Car es pais 4de ce lion s’avoie c,

Maint fort y

tint et mainte garnison,

De jour en jour son pais afoibloie.

Mais il n’est nul du lion qui se voie…

Sur les vices du siècle

Depuis que Dieu fist terre et firmament,

Et qu’il crea premièrement le monde,

Lune et souleil qui se part d’Orient,

Setemptrion, Midi, d’Occident l’onde,

L’eaue, le feu, l’air et la mer parfonde,

Bestes, oiseaulx et tous les animaulx

Ne fut autant de pechiez et de maulx

Comme j’en voy regner et advenir

Dss plus petiz et jusques aux plus haulx;

Par ce devroit tost cilz secles fenir… 

Et on en voit desja l’aprouchement,

Dont nous sommes assez pres de la bonde

Se l’escripture et Jhesucrist ne ment

Car nous veons partout a la reonde

Guerre esmouvoir, que cité l’autre affonde

Lune et souleil avoir divers signaulx,

Terre mouvoir jusques aux infernaulx,

Gent contre gent faire guerre et tenir,

Et roys enfans es regnes principaulx

Par ce devroit tost ce secle fenir…

Bahde.

Le mérite n’est pas dans le nombre

Renar sestoit jadis en sa tesniere;

Assiegiez fut du noble lion

D’un seul costé, mais Renars, par derriere,

Fist a son ost mainte derrision

Mainte pierre lui lança de canon

Et maint carrel lui lança d’arbalestre

L’ost fist petit qui estoit grant foison.

L’exploit n’est pas a grant quantité estre

Car Bruns li ours a tout sa grant banniere,

Tybert le chat et Grimbert le tesson

Et Ysangrin d qui sist sur la bruiere,

Ne firent rien fors veoir le dongon

Trait n’orent il ne engin qui fust bon 

N’abillement pour assaillir cel estre a,

Et Renars fist toudis sa garnison

L’exploit n’est pas a grant quantité estre… 

Le siege estant, vint une pluie fiere,

Qui l’ost moilla entour et environ;

Si firent lors les aucuns mate chiere.

L’un a l’autre disoient Que fait on ?

Je ne le sçay, dit le sanglier Jefon,

Ne je ne sçay dont tel conseil puet nestre,

De venir ci tant bestail de renon

L’exploit n’est pas a grant quantité estre…

Contre les Flamands

De tous les maulx qui puent advenir

En ce monde soit la terre maudite,

Sanz fruit ne nour ne semence venir,

Sanz avoir loy, si que nulz n’y habite,

Et a tous soit la gent du lieu despite;

Comme Caym soient fuians maudis,

Pour leurs meffais, H faulx Flamant traitre, 

Gand en Flandres et tout le faulx pais

Qui ont voulu contre droit se tenir

Par leur orgueil, s’en aient leur merite;

Leur vray seigneur n’ont voulu obeir,

Leur souverain n’ont prisié une mite.

Ville n’aient, fortresse ne garite,

Destruis soient de tous peuples destruis 

A ce coup soit de touz poins entredite

Gand en Flandres et tout le faulx pais…

Misère du pauvre peuple

L’autrier si com je m’en venoie

De Busancy, de Setenay,

Oy pluseurs gens en ma voie,

Et sitost que Meuse passay,

Uns paisans dist Je ne scay

Comment on se pourra chevir.

Je voy chevaulx prandre et ravir,

Moutons et aumaille a tuer,

Par gens qui nous en font fuir

Ja piet n’en puist il retourner. 

L’autre dist Ce seroit grant joye

Tout mettent le monde en esmay,

Tasse n’est, bourse ne courroye

Qu’ilz ne visitent, bien le sçay;

Cheval, poulain ne jument n’ay,

Huis a brisier, coffre a ouvrir,

Ne drap linge ou l’en puist gesir,

Ne bonne robe a emporter

Et si m’a l’un voulu ferir

Ja piet n’en puist il retourner. 

Quel part vont il? Qui les convoie ?

Qui sont ilz? Je le te diray….

Qualités que doit avoir un roi

Depuis que Dieux, par sa grace divine,

En succedant met homme en royauté

Mondainement, il doit estre benigne,

Misericors, doulz et plain de pité

A toutes gens, a leur simplicité,

Et doit souverainement 

Justice amer et la faire ensement;

Car justice est li vrais sieges des roys,

Et qui les fait regner, non autrement,

Preux et vaillans, doulz, larges et courtois.

Premier a Dieu son cuer et corps encline,

Recongnoissant de lui sa dignité,

Serve, doubte, aimt de pensée enterine

Et a lui seul ait son affinité.

Aux membres Dieu soit plains d’umilité,

Son peuple aime bonnement,

Et son pais garde diligemment.

Et se guerre a, garnisse ses destrois 

Maintiengne soy par les bons saigement,

Preux et vaillans, doulz, larges et courtois…

Contre les exactions des grands seigneurs

En une grant fourest et lée

N’a gaires que je cheminoie,

Ou j’ay mainte beste trouvée,

Mais en un grant parc regardoye.

Ours, lyons et liepars veoye,

Loups et renars qui vont disant

Au povre bestail qui s’effroye

Sa de l’argent, ça de l’argent

Ou fut tel paroule trouvée

De bestes trop me merveilloie.

La chievre dist lors Ceste année

Nous fera moult petit de joye

La moisson ou je m’attendoye

Se destruit par ne sçay quel gent. 

Merci, pour Dieu, et va ta voye.

Sa de l’argent, sa de l’argent…

De la paix avec les Anglais

Antre Beau Raym aet le parc de Hedin

Ou moys d’aoust qu’om soye c les fromens,

M’en aloye jouer par un matin.

Si vi bergiers et bergieres aux champs,

Qui tenoient la leurs parliers moult grans

Tant que Bochiers dist a Margot la Broingne

Que l’en aloit au traictié a Bouloingne,

Et que François et Anglois feront paix.

Elle respont: Foy que doy ma queloingne!

Paix n’arez ja s’ilz ne rendent Catays.

Lors vint avant Berthelot du jardin,

Qui respondit La paix suis desirans,

Car je n’ose descouchier le matin

Pour les Anglois qui nous sont destruisans

Mais dire oy, il a passé dix ans,

Qu’a leur dessoubz a quierent toudis aloingne

Pour mettre sus leur fait et leur besoingne,

Et puis courent le regne a grans eslays

Maint l’ont veu, et pour ce je tesmoingne

Paix n’arez ja s’ilz ne rendent Calays. 

Après parla, par grant courroux, Robin

A Berthelot et lui dist Tu te mens,

Car les François et les Anglois enfin

Veulent la paix, il en est des or temps;

Trop a duré la guerre et li contens,

Ne je ne voy nul qui ne la ressoingne.

Certes, tout ce ne vault une escaloingne,

Ce lui respont Henris li contrefais;

Encor faulra chascun porter sa broingne~

Paix n’arez ja s’ilz ne rendent Calays….

Prière à saint Jean l’Évangéliste

Jeunes justes en tes euvres parfais,

Odorans fleur de la virginité,

Homs merveilleus a descripre les fais

Du vray filz Dieu et de sa deité,

Nourris ou pis de sa divinité,

Nulz sains ne puet a ta haultesce ataindre;

Estables a cuers qui tant as profité,

Soiez pour nous au jour que l’en doit craindre. 

Jhesus H doulz, pour noz pechiez deffais,

Si te monstra grant signe d’amisté;

Tu es tesmoing de son sainctisme lays

A sa mort fus et pour ta dignité

Euz en garde la ftour d’umilité,

La chandelle qui ne pourroit estaindre.

Tesmoinage portas de verité

Soiez pour nous au jour que l’en doit craindre… 

Dieu se plaint de l’ingratitude des hommes 

Tout me doubte, sert, obeist et craint

En ce monde, fors seule creature.

Uair, la terre, eaue et feu ne se faint

De moy servir, chascun a sa droiture

L’air fait le jour pour labour et pasture,

Et pour repos va la noire nuit querre;

L’eaue decourt pour douce nourreture,

Mais contre moy seulz homs estrive et erre. 

Tousjours art feux qui nulle foiz n’estaint,

Et le souleil donne sa clarté pure, 

Qui touz les fruis a meureté contraint,

Que la terre doit germer par nature.

Elle me sert; les nu temps n’ont cure

De moy troubler; chascuns ensuit son erre,

Et leur subgiet a sanz pechié ne laidure,

Mais contre moy seulz homs estrive et erre…

Toute vérité n’est pas bonne à dire

Regnart qui scet du bas voler et

En yver trop grant fain avoit,

Mais viande ne pot trouver,

Dont a bien pou qu’il ne mouroit.

Sur la singesse qui gisoit

Va Regnars li malicieux,

Et dit que moult sont gracieux

Ses enfans. Lors prist elle a rire,

Et ot mengier delicieux

Tuit voir ne sont pas bel a dire. 

Quant saoulz fu, lors prist a troter,

Et Ysangrin a venir le voit,

Qui de fain ne pouoit aler,

Et demande dont il venoit.

Certes, fist il, je viens tout droit

De bien aise b disner tous seulz

Sur c la singesse, qui a deux

Singes treslaiz alez y, sire,

De mentir ne soiez honteux

Tuit voir ne sont pas bel a dire. 

Lors dist: Me voulez vous moquer?

Qui saige est ja ne mentiroit

O la singesse vois disner.

Et quant la dame l’aperçoit,

De ses enfans lui demandoit:

Si dist qu’ains ne vy si hideux.

Sur lui queurent celles et seulx,

Mordent et font tant de martire

Qu’a paine s’eschappa d’entre eulx

Tuit voir ne sont pas bel a dire….

Il faut faire le bien

Sept fois le jour chiet le juste en peché,

Selon le dit de l’escripture sainte;

Que fera donc le pecheur enteché

Si mortelment de mortel playe mainte,

Qui est a tout vice enclin,

Percevereux sanz regarder la fin ?

Se pitié n’est, grace et misericorde,

Mercy crians, repentans de cuer fin,

Dampnez sera, et raison s’i accorde. 

Chascun de nous a Franc Vouloir fiché joo

Dedens son cuer, si devons avoir crainte

De faire mal qui nous est reprouché;

Paour de Dieu soit en noz cuers emprainte

Soyons saige pellerin

A main dextre prenons le droit chemin,

A senestre laisson la vil voye orde

Car qui la suit, selon le droit divin,

Dampnez sera, et raison s’i accorde…

Voyage de Charles VI en Vermandois

Seure chose est a prince de savoir

De son pais la marche et les destrois,

Ceulx qui l’ayment et de corps et d’avoir,

Pour congnoistre qui est H plus adroiz

De ses pays et plus noble frontiere,

Ou il a genz plus noble et plus entiere,

En tout honneur et bon gouvernement,

Pour lui servir plus honnorablement,

En tous estas et par bonne maniere. 

Le roy le puet assez apparcevoir

Par son puissant pays de Vermendois;

Car a Coucy 1 en a fait son devoir

Le bon seigneur, et ailleurs pluseurs fois.

Ne nulz ne vit plus belle heronniere a

Qu’a Saint Aubin, ne d’oiseaux de riviere

Venir deduis ne plus gracieusement.

Vers Foulambray ot maint faucon volant,

Et maint heron pris dessus la praiere… 

A Saint Lambert vint veoir le manoir,

Emmy l’estang, li doulx prince courtoys;

La lui fist on grans poissons apparoir;

Cerfs et biches y vindrent a son choys

De la forest. Puis se retrait arriere,

Au chastel noble et place de Costiere.

Par Le Fere fist son departement,

Acompaigné toudis de noble gent.

Qui veult deduit, en ces marches le quiere…

La fin du monde est proche

Je suis certain de la mutacion

Des royaumes et de la seigneurie

En pluseurs lieux, par la descripcion

De Jhesucrist, Salemon, Jheremie;

Par nostre loy qui d’amer nous escrie

De cuer, d’ame, Dieu, son proesme com soy;

En ces poins pent toute nostre loy,

Li .XII. articles, les dix commandemens

Mais au rebours un chascun faire voy,

Pour ce du mont vient li fenissemens. 

Le bien commun va a perdicion

La loy deffault et l’estude est perie;

Les biens de Dieu sont en vendicion

Les meurs muent de la chevalerie

L’or se depart, tout estat se varie

Justice fault, humilité et foy

Convers, baras, regnent en court de roy

Particuliers sont partout toutes gens;

Religieus, seculiers apperçoy

Pour ce du mont vient li fenissemens. 

Je voy Orgueil et toute elacion

En povreté, avarice qui crie…

Balades amoureuses

Comment l’amant a un jour de Penthecouste ou moys de may, trouva s’amie par amours cueillant roses en un jolis jardin

Le droit jour d’une Penthecouste,

En ce gracieux moys de May,

Celle ou j’ay m’esperance toute

En un jolis vergier trouvay

Cueillant roses, puis lui priay

Baisiez moy. Si dit Voulentiers.

Aise fu; adonc la baisay

Par amours, entre les rosiers. 

Adonc n’ot ne paour ne doubte,

Maisdes’amourmeconfortay; !

Espoir fu des lors de ma route,

Ains meilleur jardin ne trouvay.

De la me vient le bien que j’ay,

L’octroy et li doulx desiriers

Que j’oy, comme je l’acolay,

Par amours, entre les rosiers…

Recommandations à une dame au moment de son départ

Tant me fait mal de vous la departie

Que mon penser ne puet de vous partir,

Pour vo grant bien, chiere suer et amie;

Mon cuer avez pour vo depart martir

Quant ne vous voy. Vueille vous souvenir

Aussi de nous et de nostre aliance,

Et en tout bien vous vueillés maintenir,

Et gardez bien ou vous arez fiance. 

Car au jour d’uy est tant de tricherie

Que l’en ne doit son penser descouvrir

A homme nul, non pas a sa nourrie

Car ou bien est veult l’en le mal querir.

Tousjours se doit saige dame couvrir

Et pou parler, garder sa conscience

Or vous plaise sur ces poins advertir,

Et gardez bien ou vous arez fiance…

A dame Péronne, après la mort de Machault

Après Machaut qui tant vous a amé

Et qui estoit la fleur de toutes flours,

Noble poete et faiseur renommé,

Plus qu’Ovide vray remede d’amours,

Qui m’a nourry et fait maintes douçours,

Veuillés, lui mort, pour l’onneur de celui,

Que je soie vostre loyal ami. 

Tous instrumens l’ont complaint et plouré

Musique a fait son obseque et ses plours,

Et Orpheus a le corps enterré

Qui, pour sa mort, est emmutys a et sours  

Ses tresdoulx chans sont muez en doulours.

Autel a de moy, s’ainsi n’est quant a my

Que je soie vostre loyal ami…

Plaintes d’une dame

Lasse, lasse, maleureuse, dolente

Lente me voy, fors de souspirs et plaings.

Plains sont my jour d’annuy et de tourmente;

Mente qui veult, car mes cuers est certains,

Tains jusqu’a mort et pour cellui que j’ains

Ains mais ne fu dame si fort atainte;

Tainte me voy quant il m’ayme le mains.

Maints, entendez ma piteuse complainte. 

Plainte seray quant j’aym de vraye entente

Ente en semblant a doulce fueille et rains,

Rains en folour qui le semblant faulx plente,

Plente qui a deceu maintes et maints

Mains, tuez moy, quant il est si villains.

L’ayns je? Nenil, puisqu’il m’a s’amour fainte;

Fainte est s’amour par tel douleur par mains

Maints, entendez ma piteuse complainte. 

De lui amer m’avoit mis en la sente;

Sente qui veult que d’autre est ses cuers sains.

Sains, vengiez moy mes maulx vous represente;

Presente suy, qui fais douloureux clains.

Clains m’en a Dieu, car mes cuers est emprains,

Prains de la mort qui m’a pour lui enceinte a;

Sainte Juno, vez les maulx ou je mains

Maints, entendez ma piteuse complainte….

Il nie d’avoir mal parlé d’une dame

Maudis de Dieu et du monde hays

Soit Faulx Rapport, mesdisans Male Bouche

Par qui je suis vers ma dame trahis,

Qui dit que j’ay dit et escript reprouche

De son doulx nom gracieux,

Dont j’ay le cuer si triste et douloureux

Que je ne sçay a qui prendre m’en doie,

Fors que menti si ont celles ou ceulx

Qui ont ce dit penser ne l’oseroie. 

Contre raison suy forment envays;

Oncques ne fis ce qu’elle me reprouche

Ne cause n’ay, car il n’a au pays

Plus noble cuer, ne dame qui me touche

Dont tant soie desireux;

Se j’ay nul bien, c’est

par ses gracieux

Et doulx parlers, quelque part que je soie;

A tousjours mais soient cilz langoureux

Qui ont ce dit penser ne l’oseroie…

Louanges hyperboliques d’une dame

E les vertus et les graces mondaines

S C’onques furent mises en corps humain,

Et les beautez des deesses humaines

Revenoient en ce siecle mondain,

Et feussent vif tuit li mort escripvain,

Et parlassent ceulx qui ont perdu vie,

Ancre et papier ne souffiroit ce mie

Pour escripre les biautez et les biens,

Les sens, honneur, bonté et courtoisie

Que ma dame a, non mienne, et je suy siens. 

Sa grant biauté a trespassé les vaynes

De mon las corps, qui se traveille en vain

Par ses regars et visions soubdaines,

Dont je suy pris mieulx que poisson a l’ain

Merveille n’est se je la doubte b et l’aim,

Quant sur toutes la voy la plus prisée,

La plus tresdoulce et la mieux enseignée,

Qui en honneur ne se doubte de riens…  

Résolution d’aimer sans mauvaise pensée 

Puisque je voy le printemps revenir,

Et puisque j’oy les doux chans des osiaux,

Et es vergiés voy l’erbete venir,

Les prez verdir, florir les arbrissiaux,

Et quant je voy courre les grans ruissiaux,

Tant c’om se puet mirer en la fontaine

Mieul~ que ne fist Narcizus li tresbiaux,

Je vueil ajnier sanz pensée villaine. 

D’Amours doit lors tous amans souvenir;

Le rossignol crie sur les rainssiaux a,

Vray messaige d’amour entretenir

Occy, occy entre vous, damoisiaux,

Faictes de fleurs et de fueilles chapiaux,

Ayme chascun sa dame souveraine;

Et quant tel cry se fait especiaulx

Je vueil amer sanz pensée villaine. 

Les oisiaux voy deux a deux conjoir d,

Biches et cerfs, sengliers, dains et chevriaux,

Et en ce temps pour amours resjoir;

Dont doivent mieulx et naturelment ciaulx

Leur dame amer qui raison ont en yaux…

Adieu de la dame à l’amant.

Adieu le bel, le bon, le gracieux,

Le noble cuer, de tous biens renommé,

Gent corps, puissant en tous fais, vertueux,

Humble, hardy, courtois et bien amé,

Larges en dons, Alixandre nommé,

De qui renoms et geritillesce estrive,

Adieu, adieu, l’un des meilleurs qui vive

Pour vo depart est mes cuers douloureux

Qui au vostre est parfaitement fermé,

Comme au meilleur et au plus amoureux

Et le plus vray qui oncques feust formé;

N’estre de vous ne puet plus bel armé

Ne quechascun plus voulentiers poursuive

Adieu, adieu, l’un des meilleurs qui vive…

L’amant se plaint de la rigueur de sa dame

Se celle n’est a qui je suy donnez,

Je ne pourray pas vivre longuement,

Mais maudiray l’eure que je fu nez

Quant je l’ayme si amoureusement,

Ne ne me veult confort ne esperance

N’un seul regart donner piteusement

Pour ce langui, c’est ce qui mort m’avance. 

Comment puet homs estre si fortunez

Qui ayme’fort et qui sert loyaûlment,

Et sanz’pitié est ainsi demenez

Que de mercy n’a nul allegement ?

Fait bien Amour? Nennil; mais faulsement;

Elle destruit mon corps par souvenance

De celle a qui je suy homs ligement

Pour ce languy, c’est ce qui mort m’avance…

Comparaison d’une dame avec sept héroïnes

de l’antiquité

Des sept vertus et des dons de grace

De quoy Dieu voult creature honnorer,

Vueille embelir a ce jour vostre face,

Et pour vous mieulx, chiere dame, louer,

Face vo cuer en tel lieu assener,

Ce jour de l’an, que vous soiés clamée

La flour des flours et de chascun amée

En vous donnant l’onnour qu’eurent jadis

Judith, Hester, Sarre a, Penelopée,

Menalippe, Rebeque et Thamaris. 

Et par ma foy, se bien dire l’osasse,

Aux sept dames vous puis bien comparer

Car vo biauté Judith en doulceur passe,

Qui par pité voult son peuple sauver

D’Olofernes; et Hester d’onnorer

Assuerus n’ot plus humble pensée

Ne plus loyal ne fu Sarre trouvée,

Ne tant d’onnour n’orent en leurs pais

Judith, Hester, Sarre, Penelopée,

Menalippe, Rebeque et Thamaris…

Chançons royaulx

Elles sont au nombre de 135, dont voici des extraits de certaines d’entre-elles

En retournant d’une court souveraine 

Ci commencent les chançons royaulx

Hé ! Marion, que nostre vie est saine !

Et si sommes de tresbonne heure né :

Nul mal n’avons qui le corps nous mehaigne.

Dieux nous a bien en ce monde ordonné.

Car l’air des champs nous est habandonné.

A bois couper quant je vueil m’esvertue.

De mes bras vif. je ne robe ne tue.

Seurs chante. je m’esbas a ma fonde.

Par moy a Dieu doit grace estre rendue :

J’ai Franc Vouloir, le seigneur de ce monde. 

Tu puéz filer chascun jour lin ou laine,

Et franchement vivre de ton filé,

Ou en faire gros draps de tiretaine

Pour nous vestir, se no draps sont usé.

Nous ne sommes d’omme nul habusé,

Car Envie sur nous ne mort ne rue.

De noz avoirs n’est pas grant plait en rue,

Ne pour larrons n’est droiz que me reponde.

Il me suffist de couchier en ma mue.

J’ay Franc Vouloir, le seigneur de ce monde… 

Prince, quant j’eu franc Robin escouté,

Advis me fut qu’il disoit verité :

En moy jugié sa vie belle et monde,

Veu tous les poins qu’il avoit recité.

Saige est donc cilz gardans l’auctorité :

J’ay Franc Vouloir, le seigneur de ce monde. 

Que vault preschier au sourt qui goute n’oit 

Que vault preschier au sourt qui goute n’oit ?

Que vault semer sur pierre le froument ?

Que vault monstrer a cellui qui ne voit ?

Que vault le lire a cellui qui n’apprant ?

Que vault enter sur tron qui ne reprant ?

Cilz pert son temps qui tele euvre pourchace,

Combien qu’aucuns dient communement :

C’est trop bien dit, mais queréz qui le face… 

Que vault li homs qui autrui mal perçoit

Et ne voit pas son propre encombrement,

Et qui en lui pour son preu ne conçoit

La parole de bon entendement ?

Autant vauldroit oir venter le vent.

Car telz gens ont toudis un pié sur glace,

Qui se muent de moment en moment.

C’est trop bien dit, mais queréz qui le face… 

Prince, au jour d’ui est tel gouvernement

Que li menteur et li dissimulant

Ont tous les biens et du monde la grace,

Et li bon sont vil, povre et indigent,

Que l’en deust amer sur toute gent.

C’est trop bien dit, mais queréz qui le face. 

En mon dormant vi une vision 

En mon dormant vi une vision

Ou un songe, dont trop me merveilloie,

Qu’en granz forests ot un jeusne lyon,

C’un lepardiau de jour en jour guerroie.

Et ce lion n’entendoit toutesvoie

Fors a moutons et pourceaulx estrangler :

Vaches, brebis et chievres fist trembler.

Mais ce liepart aux cerfs et sangliers groingne,

Et aux levriers voult sa guerre mener.

Bon fait toudis penser a sa besongne… 

A ce lion vint adonc un mouton

En lui disant : « Sire, ne vous annoye,

Vous fouléz tous voz bestaulz. Ce voit on

Que tout vous fuit et chascun se desvoye.

Car l’en s’en va es forests de Savoye,

Et l’autre va en Ardenne habiter,

Pour ce que nulz d’eulx ne puet profiter,

Et que chascun vo regime ressoigne.

Tout se destruit, vueilliéz cy advisier.

Bon fait toudis penser a sa besongne. »… 

Prince, a ce mot me convint esveillier

Pour un hahay que j’oy escrier,

Par nuit, en l’ost asséz pres de Coulongne.

Mais je ne scé ce songe interpreter,

Fors que bien sçay, a justement parler,

Bon fait toudis penser a sa besongne. 

Depuis que Dieu fist terre et firmament 

Depuis que Dieu fist terre et firmament,

Et qu’il crea premierement le monde,

Lune et souleil qui se part d’Orient,

Setemptrion, Midi, d’Occident l’onde,

L’eaue, le feu, l’air et la mer parfonde,

Bestes, oiseaulx et tous [les] animaulx

Ne fut autant de pechiéz et de maulx

Comme j’en voy regner et advenir

Des plus petiz et jusques aux plus haulx.

Par ce devroit tost cilz secles fenir… 

Et on en voit desja l’aprouchement,

Dont nous sommes asséz pres de la bonde,

Se l’escripture et Jhesucrist ne ment :

Car nous veons partout a la reonde

Guerre esmouvoir, que cité l’autre affonde,

Lune et souleil avoir divers signaulx,

Terre mouvoir jusques aux infernaulx,

Gent contre gent faire guerre et tenir,

Et roys enfans es regnes principaulx :

Par ce devroit tost ce secle fenir… 

Prince, laissons ces vices generaulx

Et retournons aux biens especiaulx,

Que chascuns doit pour son ame acquerir.

Car, quant on laist les biens celestiaulx,

Pour ces mondains qui sont vilz, vains et faulx,

Par ce devroit tost ce monde fenir. 

De tous les maulx qui puent advenir 

De tous les maulx qui puent advenir

En ce monde soit la terre maudite,

Sanz fruit ne flour ne semence venir,

Sanz avoir loy, si que nulz n’y habite,

Et a tous soit la gent du lieu despité.

Comme Caym soient fuians maudis,

Pour leurs meffais, li faulx Flamant traire,

Gand en Flandres et tout le faulx pais… 

Le roy jamais n’y doye revenir,

Ne moy aussi, a qui riens ne profite.

Cy pers les oeulx, ne je n’y puis dormir

Pour les canons. J’ay leur meschance escripte.

Leur wacarme a troublé mon esperite.

Je loge aux champs, je suis touz refroidis.

Je gis armé, ainsis me remerite

Gand en Flandres et tout le faulx pais… 

Prince, a ce coup leur faictes quatre ou quicte,

Sanz retourner tant qu’ilz soient chetis.

Si que jamais par deça ne me quite

Gand en Flandres et tout le faulx pais.

Ou temps jadis, selon les fictions 

Ou temps jadis, selon les fictions

Des poetes, que les bestes parloient,

Et les oiseaux, vaches, brebis, moutons,

Cerfs et sangliers, maintefoiz s’assembloient,

Asnes, chevauls, et entreulx ordonnoient

Qui bon seroit pour leur nourissement,

Diversement de leurs vivres jugeoient.

Chascun juge selon son sentement… 

Mais les sangliers veulent les fors buissons,

Les glans des boys, bas lieux ou veruilloient.

Et les renars, gelines et chapons,

Et les chievres bois et ronses broutoient.

Les loups la char, com larrons, ravissoient.

Lyons, lyeppars firent semblablement.

Ainsis entreulx divers vivres prenoient.

Chascuns juge selon son sentement… 

Princes, li sens naturelz est tresbons,

Et li acquis vault merveilleusement.

Qui a les deux, il est tressaiges homs.

Chascuns juge selon son sentement. 

S’Alixandre, le puissant roy paien 

S’Alixandre, le puissant roy paien,

Julles Cesar, Hector et leur effors,

David, Josué, Judas Machabeyen,

Artus, Charles et Godefroy li fors,

Qui tant d’armes firent tuit de leurs corps

Que preux sont par tout tenuz,

Estoient tuit au monde revenuz,

Pour faire bien, pris, honeur et vaillance

Seront entr’eulx bien améz et venuz

B. du Guesclin, connestable de France. 

Car, a son temps et par son bon moien,

Du royaume mena les Anglés hors.

Espaingne en fin conquesta et li sien,

Enz ou pais combatit deux foiz lors.

L’une fut prins et, quant il fut ressors

Et de se prinson yssus,

Se ralia et remist ses genz sus,

Le roy Pietre desconfist par puissance,

Henry fist roy et regner par vertus

B. du Guesclin, connestable de France… 

Princes, je dy que chevaliers esluz,

Qui en pou d’ans a fait tant de vertus

Pour son seingeur et a son pays, bien

Doit o les preux lieu avoir ancien

Et estre améz de tous et chier tenus. 

Le lyon noir, orguilleux et felon 

Le lyon noir, orguilleux et felon,

Qui son bestail vouloit tout devorer,

Sanz espargner buef, vache ne mouton,

Brebis, aignel, cerf, biche ne senglier,

Qu’il ne feist destruire et estranglier,

Lui ont requis loy, coustume et usaige,

Qu’il a voulu de tous poins refuser.

Pour ce chacié l’ont hors de son boscage… 

Orgueil fist jadis perir Absalon,

Et Lucifer de paradis getter,

Saul mourir, decapiter Noiron,

Alixandre le roy empoisonner.

Estre humble doit, qui veult sire regner,

Prendre son droit, sanz faire aux siens oultrage.

Autrement a le Noyr voulu ouvrer :

Pour ce chachié l’ont hors de son boscage.

Prince, beste royal est le lyon,

Dont il est pou. Doit avoir vision

De seigneurir son bestail, s’il est saige,

Moiennement, sanz trop d’exaccion.

Autrement fist. C’est sa perdicion :

Pour ce chacié l’ont hors de son boscage. 

Roys Pharaon qui le peuple charga

Roys Pharaon qui le peuple charga

En Egypte par ses subvencions,

Que Moyses a ce temps descharga,

D’Israel fu leurs generacions,

Envoia Dieux dix persecutions

A Pharaon et a toute sa gent,

Mais neantmoins fu dur come uns lyons :

On dit que fol ne doubte jusqu’il prent… 

Car le peuple d’Israel s’en ala

Parmi la mer, et leurs congnacions,

Qu’a sa verge Moyses devisa.

Sanz eulz moullier fu leur transaccions,

Mais aprés eulz envoya Pharaons

Egipciens pour leur destruisement,

Qui se bouterent est inundacions :

On dit que fol ne doubte jusqu’il prent… 

Prince, male est perseveracions.

Par autrui fait chastier nous devons,

Et qui le fait, il œuvre saigement.

Mais se de fait et voulenté ouvrons

Contre raison, en grant peril vivons :

On dit que fol ne doubte jusqu’il prent.

Lays :

Ils sont au nombre d’une centaine, dont voici des extraits de quelques uns d’entre-eux :

Et premierement commence le noble lay de Verité

Trop me vient a grant merveille :

Je sommeille,

Et nul n’est qui me resveille

Ne qui me face veillier.

Et voy que mon sommeillier

Toutes gens nuit et traveille.

Mais toutefois que je veille,

Je conseille

Tout bien. Ne peut perillier

Qui son cuer veult traveillier

Par moy, qui n’ay ma pareille… 

Cilz Dieux, qui nous delivra

Des enfers, et s’enyvra

D’amour et d’umble pité,

Quant son corps pour nous livra

Et de son sang abuvra,

No povre fragilité,

Qu’Adam avoit endebté

Par orgueil, nous delivra

Par amour, par charité.

Joie et pardurableté

Humblement nous recouvra, 

Par moy, Verité, ouvra.

Sanz moy ne se sauvera

Nulz, car de necessité

Estre partout me faurra.

Et quant mes noms defaurra,

Ou qu’il sera en vilté,

Lors regnera Fausseté,

Desraison partout courra,

Guerre, Sterilité,

Traison, Desloyauté,

Nulz oir ne me vourra… 

Ci commence le Lay du Roy

Prince, pour la grant honnour,

La reverence et amour,

L’obeissance et cremour

Que je te doy,

Comme subgiéz a son Roy

Et son seignour

Naturelment, mon labour

Met et employ

A t’y descripre le ploy

D’onneur, de prouesce et foy

Et de valour… 

Voy ou Fortune t’a mis,

Considere tes amis,

Pense a ton fait.

Tu es de meubles desmis,

Et voy que tes ennemis

T’ont pieça fait.

Ilz te destruisent a fait.

Se tu as ami parfait

Croy le et chieris,

Car trop voy de gens faillis

Par leur meffait… 

Aies gens hardis et preux,

Humbles, courtois, gracieux

Et saiges pour toy servir,

Prodommes et cremeteux,

Non pas avers, convoiteux,

Qui ne veulent qu’acquerir.

Fay de ta terre enquerir

Qu’elle puet valoir a ceulx

Qui le scevent. Lors par eulx

Pourras ton estat tenir… 

Escoutéz mon sentement 

Escoutéz mon sentement

Qui avéz gouvernement

Et vous qui vouléz servir :

Car je vous vueil descouvrir

Et ouvrir

Quoy et comment

Le peril et le tourment

Proprement

Qui vous en puet advenir. 

Gardéz vous premierement

De peuple, femme et enfant,

Car ces trois font a cremir.

Pour bien mal font remerir

Et perir

Dolentement,

Leur bon et loial servent

Bien souvent :

Si fait bon ces trois fuir.

Boece qui tant fut saige

De vray cuer et de couraige

Le peuple Rommain servi,

Leur bien crut, mais leur dommaige

Rebouta, et bon usaige

En leur cité establit.

Theodoise contre lui

Fut meuz d’ire et de raige,

Pour ce que par beau langaige

Sa cruaulté deffendit…

Lai de fragilité humaine

Cy commence le lay du desert d’amours

Genievre, Yseult et Helaine,

Palas, Juno ne Medee,

Du Vergy la chastellaine,

Andromada ne Tisbee

N’autre dame trespassee,

Ne nulle vivant mondaine,

N’orent le mal ne la paine

Ne la dure destinee

Qui d’amours m’est destinee,

Dont pale sui, triste et vaine.

Car jadis en la fontaine

De Narcisus fu trouvee

Fresche, coulouree et saine,

Jeusne, gente et desiree,

Requise, chierie, amee,

De beauté la souveraine,

Comme estoille trasmontaine

De toutes pars regardee.

Maint ont leur face miree

En moy, que tristesce maine. 

Quant me souvient des bons jours,

Des sejours,

Des grans festes, des estours

Qui furent en mainte ville

Fais pour moy, et des bohours

Et des cours,

Des robes, des grans atours,

De dueil li corps me fretille.

Quant si ville

Me voy que nulz ne s’abille

Pour moy, je vueil fondre en plours… 

Traductions du latin au français :

Le double lai de fragilité humaine

Très sensible à la condition humaine, l’auteur traduit sous la forme du lai une partie de De miseria humane conditionis du pape Innocent III.  Il utilise ce texte spirituel à des fins moralisatrices. Il offre au roi une copie bien soignée pour la circonstance, un geste certainement pas innocent.

Le Traictié de Geta et d’Amphitrion

Composée par Vital de Blois au XIIe siècle, cette œuvre fait partie de celles minoritaires de l’enseignement grammatical, et donc assez connue et utilisée. Elle a le caractère d’une satire contre l’enseignement de la philosophie et de la théologie dans les universités au Moyen-âge.

Citations d’Eustache Deschamps:

« Mieux vaut honneur que honteuse richesse »

« La vérité n’est pas toujours bonne à dire »

« Car il n’est rien qui vaille franche vie »

Jean de la Fontaine s’est beaucoup inspiré des fables d’Eustache Deschamps. On retiendra notamment qu’il a imité au moins deux d’entres-elles : la Cigale et la Fourmi et le Conseil tenu par les Rats.

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